Des Chardons plein les poches:la démocratie sans débat
Militant depuis une bonne quinzaine d'années, un peu désorienté par l'incurie du parti socialiste, refusant de céder à la vacuité des autres partis de gauche, quelques amis ce sont réunis autour d'Eric, pour écrire des réflexions plus ou moins bien inspirées, politiques, philosophiques ou personnelles, sur le monde, la société.
La réforme actuelle fait des choix pourtant très clairs. Nous ne rejoignions aucuns des deux systèmes existants, mais nous nous rapprochons tout de même du système américain.
De plus en plus, les employeurs proposent des participations à la prise en charge de la protection sociale des employés, ce qui fait rentrer la couverture complémentaire comme un élément de la politique salariale au détriment de la réelle liberté individuelle,
Comme nous l’avons vus l’Etat impose des parcours de soins protocolisés comme l’ont fait les compagnies d’assurances américaines et leur respect conditionne le niveau de remboursement
Le régime obligatoire se focalise sur la prise en charge du grand risque et la prise en charge des plus démunis, relevant de la CMU, se désengageant de la couverture obligatoire de la majorité au bénéfice des complémentaires.
On sectorise les risque en créant une fausse cinquième branche du risque à la sécurité sociale pour la question de la prise en charge d’un risque croissant, celui de la dépendance qui restera structurellement déficitaire, et qui de ce fait là était de manière surprenante sorti de l’assurance maladie…
Sans vouloir être paranoïaque, on voudrait solvabiliser le marché de la complémentaire santé, le rendre attractif aux opérateurs complémentaire santé, que l’on ne s’y prendrait pas autrement.
Cela est a rapprocher d’un chantier ouvert en 1994, par l’OMC où la France accepta sous dix ans, d’ouvrir la santé à la libre concurrence, tout comme l’éducation, en ratifiant l’AGCS, Accord Général sur le Commerce et les Services.
1994-2004 ?
Le système français qui était un système paritariste depuis 95 s’est considérablement étatisé, et cette fois ci encore l’Etat prend plus de place est réaffirme même son rôle prééminent dans la garantie de l’accès aux soins et de l’utilisation de l’argent consacré à la santé.
Mais à y regarder de plus près, les limitations de liberté concernent le patient que l’on contraint à rentrer dans des systèmes protocolisés comme cela existe aux Etats-Unis ; Les Compagnies d’assurance ont depuis longtemps tempérée la liberté de leurs assurés en conditionnant leurs remboursements aux respects des HMO. Ces références opposables, ces parcours de soins fléchés, nous allons les connaître en France, au travers du médecin traitant, de la traçabilité des prescriptions avec la carte vitale, et une meilleure coordination des soins grâce au dossier médical personnel.
Ces mesures ne sont pas forcément à condamner a priori, car elles peuvent avoir un intérêt plus essentiel que financier, c'est-à-dire la rationalisation du système, sa meilleure efficacité.
Pour autant nous pouvons être légitimement inquiets car nous assistons à une américanisation de notre système de protection sociale de manière larvée. Une fois encore, pour ne pas faire de vagues, sous couvert de consensus, et d’équilibre financier, les assurés sociaux ont été bercés d’une douce illusion, que la réforme consistait à prendre des mesures techniques, financières pour sauver le système, sauvegarder le pacte social de 1946.
Si nous voulons être traités en citoyens responsables, il nous faudra accepter de faire de vrais choix, difficiles courageux, avec force et sagesse. Il est quelquefois nécessaire de trancher, si l’on ne veut pas louvoyer.
En conclusion, je ne vous dirai pas si cette réforme est bonne ou mauvaise, chacun peut se faire son opinion. Ce que j’ai tenté de faire c’est de vous donner des éléments de référence pour vous montrer que cette réforme changeait la philosophie de notre système de protection sociale,. En matière de gouvernance et de maîtrise médicalisée des outils ont été mis en place pour réguler le système.
Le tout est de savoir quelle est la volonté du legislateur.
Deux indications quant à cette volonté :
La répartition de l’effort financier pèse essentiellement sur les assurés sociaux, extension de l’assiette de la CSG, du CRDS…
Le forfait de un euro par consultation, .disposition critiquable, s’il en est car c’est
une mesure financière aveugle qui frappe ceux qui seront malades. Cette mesure ne sera en rien responsabilisante, puisqu’elle n’est pas sujette à l’exercice d’un choix. Or on sait que pour responsabiliser quelqu’un il faut qu’il ait le choix.
De plus, quand on voit le sort du forfait hospitalier, qui était de 3 euros en 1983, à sa création, il est de 14 euros aujourd’hui, et sera de 16 euros en 2007. Pourquoi cette franchise, qui n’est rien d’autre qu’un ticket modérateur d’ordre public n’augmenterait pas dans les mêmes proportions.
La liberté aura un prix, mais tout le monde ne sera pas libre, parce que tout le monde n’en aura pas les moyens. Par ces mesures on conditionne la liberté du patient à sa faculté contributive…
Faute de vrais choix, assumés, nous nous rapprochons du système américain, en tenant un discours généreux, mais mensonger. Aujourd’hui qui peut dire qu’il contribue en fonction de ses moyens, et reçois en fonction de ses besoins ?
Progressivement nous perdons nos libertés tout au moins en tant que patient, y sommes nous prêts nous a-t-on réellement présentés les choses ainsi ?
N’aurions nous pas du privilégier un réel système égalitaire au prix de ce renoncement à cette liberté ? Puisque là nous aurons un système de protection sociale plus contraignant, mais pas forcément moins cher, et certainement pas plus efficace ou égalitaire.
Pouvons nous tolérer plus longtemps de ne pas être égaux devant le traitement de la maladie.
N’est ce pas cela la vraie égalité républicaine accepter de perdre un peu de notre liberté pour faire en sorte que nous soyons tous égaux, ou tout au moins un peu moins inégaux.
A l’opposé, le système américain très asssurancialisé. A l’exception des très pauvres, et des plus de 65 ans, vous n’êtes pris en charge que dans la mesure où vous avez souscrit un contrat assuranciel. Vous êtes couverts, protégés et remboursés à la hauteur du contrat que vous avez souscrit.
Le principe qui sou tend ce système est celui de la liberté. .L’inconvénient essentiel est que pour celui qui n’a pas le moyens de souscrire un contrat et qui n’est pour autant pas assez pauvre pour être pris en charge il n’a pas de couverture santé et sauf à aller à l’hôpital est tombé sur le Dr Green, il ne sera pas soigné. Pour ceux qui connaissent Urgence ils comprennent ce que je veux dire, en fonction du médecin sur lequel vous tombez, Green ou Romano, vous serez ou non soigné.
Heureusement, pour beaucoup d’américains cette couverture est prise en charge par l’employeur, sauf pour ceux qui vont de boulots précaires en boulots précaires, la protection sociale est un élément de la rémunération.
La liberté est pour autant plus relative qu’il n’y parait car les compagnies d’assurance ont régulé le système, mais nous en reparlerons.
Le Système Français, exception culturel dans ce domaine aussi est une sorte d’hybride ou plutôt de Chimère.
En effet, il est basé sur une assurance obligatoire pour les travailleurs à la base, et progressivement il va y avoir une extension de la couverture, et cette solidarité professionnelle initiale, deviendra une solidarité nationale, en 1998 avec la CMU.
Ce système de ce fait peut apparaître donc comme égalitaire, puisque tout le monde est couvert.
Un des slogans de la sécu fut longtemps, « on cotise’ selon ses moyens, on reçoit selon ses besoins ». Magnifique formule, qui comme nous le verrons s’avère de moins en moins vraie.
Ce système est également très libertaire puisque le patient peut aller voir le praticien qu’il veut, comme il veut, quand il veut. De son coté le praticien peut s’installer où il veut et pratiquer les tarifs qu’il veut (dans une fourchette peut contraignante) et prescrire ce qu’il veut sans aucun contrôle. Les praticiens revendiquent très jalousement leur statut de médecins libéraux de 1927 et jusqu’à maintenant aucun élu n’a osé remettre ce statut en cause.
Donc nous sommes dans un système où patients et praticiens se soutiennent puisque tout le monde est libre de faire ce qu’il veut.
La réforme de 2004 met un coup de frein important à cette liberté, au moins pour les patients puisque leur niveau de remboursements sera conditionné à la limitation qu’ils accepteront de leur liberté en intégrant des réseaux de soins coordonnés jugés plus vertueux par le législateur. De leur coté les praticiens auront une obligation de formation continue, et des contrôles, une évaluation. Pour autant les médecins continueront à pouvoir s’installer comme ils le souhaitent, c'est-à-dire pour certaines professions en fonction de la faculté contributive de leur patientèle. Pourtant certaines professions, par ex les pharmaciens, ont bien une limitation de leur liberté d’installation, aussi pourquoi ne pas imposer certaines restrictions aux médecins.
Jusqu’à maintenant nous avons bénéficié d’un système totalement déresponsabilisant puisque chacun est libre et que cette liberté est financée, garantit par la solidarité collective.
Cette liberté est viciée puisqu’elle n’appelle pas de choix, pas de contrainte, ou les concepteurs de la sécu, étaient des utopistes qui croyaient qu’en hommes libres et de bonnes mœurs chaque assuré sociale se préoccuperait de l’équilibre macro-économique de l’assurance maladie.
Le Système Anglais est égalitaire, mais restreint énormément la liberté individuelle, peut imposer une attente, le système américain, est très libérale mais suppose une faculté contributive, le système français était un système de pleine liberté garantit par la solidarité collective.
Mais pour savoir lequel de ces systèmes est intéressant il faut également en mesurer l’efficacité.
Il est difficile de trouver des critères sur lesquels tout le monde sera d’accord, pourtant je vais tenter d’en utiliser quatre.
L’égalité d’accès aux soins
Le coût économique
L’efficacité médicale
Le sentiment de satisfaction
Le Meilleurs accès aux soins appartient au système anglais et d’Europe du Nord.
Garantit par l’Etat tout le monde peut y accéder
Le système français a un accès aux soins relativement défaillant car si l’on se réfère aux carnets de santé de kervascoué, on peut remarquer que d’un département à l’autre on a plus ou moins de chances de pouvoir être soigné avec certaines techniques médicales . et compte tenu de la sectorisation médicale, on se retrouve avec un accès différents , il vaut mieux être à Nice ou à Paris si on est cardiaque, qu’en Picardie par exemple…
Le système américain lui ne prétend pas garantir l’égalité d’accès aux soins, et ses résultats sont peu inférieurs aux systèmes français. En effet tous les américains qui travaillent et qui ont un emploi stable se voient payer cette assurance santé par leur employeur. La difficulté existe surtout pour les américains ayant de faibles revenus ou des situations de travail précaires. Ils sont tout de même plus de 30 millions.
Le coût économique.
Il y a le coût global c'est-à-dire la part du PIB consacré à la santé,, et la part restant à charge du patient. Là encore le système Britannique et d’Europe du Nord est le plus performant, sur analyse coût efficacité. En effet on est entre 7,2 et 8% du PIB en fonction des pays. Avec un reste à charge de moins de 0,6% en moyenne.
En France la part du PIB consacré aux dépenses de santé est de 9,8%, et nous devrions être à 10% en 2005.
Aux Etats-Unis Ils sont à 14,5%. Mais aux Etats-Unis, leur analyse est que cela est bon pour l’Economie, la santé appartient aux services, cela crée de l’activité économique.
Pour le Système US, bien évidemment la question du reste à charge ne se pose pas, puisque la couverture « publique est extrêmement faible. En revanche en France, où on souhaite toujours réduire l’augmentation des dépenses de soins, et où chaque année l’ONDAM est dépassé, le reste à charge est aujourd’hui de plus de 2%. Le caractère égalitaire est donc très relatif en France contrairement à ce que l’on peut croire. Pour celui qui n’a pas les moyens de se payer une complémentaire et même une sur complémentaire le système est très excluant.
L’efficacité, l’efficience médicale du système de soins. Ce critère est certainement le plus délicat à appréhender.
Nous regarderons des critères de morbidité et mortalité.
Le système suédois en terme de mortalité infantile est très intéressant il est de 25% plus favorable que le système français.
Si l’on analyse les chiffres de notre espérance de vie à 35 ans, entre un cadre supérieur et un ouvrier agricole, la différence de vie espérance de vie est de 12 ans en France, notre système est donc là encore loin de nos espérances et souhaits à tous.
Pour analyser la question de l’efficacité, nous pouvons également regarder la questions des risques iatrogènes, on considèrent que cela entraîne plus de 50000 hospitalisations par an, et pas loin de 10000 décès. Donc on peut voir les limites et les risques liés à une liberté totale. Ce risque existe dans les autres systèmes, mais est nettement plus encadré, et limité.
Une autre critique est à apporter à notre système surtout dans l’évolution tarifaire qui va arriver dans les mois à venir. En effet les systèmes de nomenclatures tels que nous les avons connus vont être transformés, mais pas forcément dans le bons sens. Au travers notamment de la TAA tarification à l’activité, nous allons encore plus privilégier l’acte technique que l’acte médical. Sur quel principe d’efficacité médicale a-t-on décrété que les radiologues ou les biologistes seraient les praticiens les mieux rémunérés. La TAA fera remonter le niveau de rémunération des chirurgiens, mais qu’en est il de la médecine interne par exemple.
Aux Etats-Unis pour ceux pouvant entrer dans les meilleurs pôles d’excellence ils sont très bien soignés.
Le critère de satisfaction
Là le système français est plébiscité par rapport aux ressortissants des autres pays. Le système anglais ou suédois est considéré par ses utilisateurs alors même qu’il coûte moins cher, est plus efficace, et plus égalitaire il est considéré comme trop contraignant. Cela peut paraître surprenant et pourtant. On peut comprendre que quand on a un problème de santé on souhaite ne pas attendre, la souffrance même si elle n’est pas vitale n’a pas de prix. On peut certainement le comprendre. .Combien de temps accepterions nous d’attendre en cas de nécessité d’une opération de la hanche, douze mois ?
Il est difficile de juger nos amis anglais ou suédois qui souhaitent changer de système et de dire qu’ils sont égoïstes.
Compte tenu du constat de quasi faillite du système de soins, une réforme paraissait indispensable à presque tout le monde, à part peut-être une minorité qui espérait un retour à l’équilibre par des affectations fléchées de certaines recettes, comme les taxes sur les alcools et tabacs. Mais la première question à se poser, avant même le retour à l’équilibre financier qui est un impératif de saine gestion de l’argent public, c'est-à-dire le notre, en tant qu’assuré social au travers des cotisations sociales que nous payons, c’est de savoir si l’argent est utilisé le plus efficacement possible. Est-ce que l’utilité sociale de l’euro investi, est la meilleure possible, ne peut on pas en attendre plus. Voilà pour moi une question légitime à se poser en tant que gestionnaire de la protection sociale.
La question ne devrait pas être de faire des économies pour faire des économies, mais de savoir où affecter les moyens pour avoir le système de santé que nous avons réellement voulu, en fonction d’objectif que nous avons collectivement décidés.
La question financière consiste, ensuite, à répartir de la manière la plus juste possible, ce que coûte le système, et on voit si nous sommes collectivement prêt à faire cet effort,.
N’est-ce pas cela la démocratie sociale.
Malheureusement sur ce point, nous ne pouvons pas dire que nous allions vers un progrès, puisque nous s sommes plutôt e plein recul, plus personne ne parle d’élection dans les conseils des organismes paritaires de l’assurance maladie, les dernières élections datent de vingt ans
Le pouvoir délibératif des administrateurs des organismes d’assurance maladie est nettement amoindri et le parlement ne semble pas disposer à renoncer aux pouvoirs qu’il s’est arrogé en 1995.
Mais sur le reste, en matière de gouvernance, de financement et de maîtrise médicalisée cette réforme n’a pas fait les choses à moitié en matière de médecine ambulatoire.
En effet, contrairement à ce qu’on put en dire un certain nombre de commentateurs politiques, syndicaux ou de la masse média, cette réforme est une vraie réforme en profondeur, nous sommes bien loin d’un replâtrage, ou d’une réformette. Pour en prendre toute la mesure il faut lier l’analyse de cette loi, à celle sur la santé publique, cela faisait 102 ans qu’il n’y avait pas eu de loi de santé publique dans ce pays, le lier également à l’étude de la loi sur la décentralisation régionalisation, et également la loi sur l’autonomie mettant en place la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité et d’Autonomie).
C’est fou, comme on réforme en France en Juillet août, surtout quand il n’y a pas de canicule…