14 juin 2007

Hollande Royal, ambiance sur tous les plans...

Jeudi 14 juin 2007
 
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"Il y a divergence entre Royal et Hollande sur le rapprochement avec Bayrou"
LEMONDE.FR | 11.06.07 | 12h46  •  Mis à jour le 11.06.07 | 12h46
 
 
G : L'absence de proposition d'une alternative concrète et surtout l'attitude des "ténors" du parti sont-elles les raisons de l'échec du PS ? Faut-il réellement
renouveler la gauche ou simplement se mettre au travail ? 
 
Isabelle_Mandraud : Les raisons que vous évoquez ne sont pas les seules.
Après une victoire telle que celle qu'a remportée Nicolas Sarkozy à la présidentielle, le camp du vainqueur bénéficie toujours d'une dynamique importante
pour les élections qui suivent immédiatement.
 
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C'est d'ailleurs pour cela que Lionel Jospin avait, au congrès de Grenoble en 2000, inversé le calendrier électoral afin de couper court à toute hypothèse
de cohabitation.
 
Cela dit, le score du PS au premier tour des élections législatives est une déception pour les socialistes, car une partie de son électorat s'est manifestement
démobilisée.
 
Alain Randonnet : Ségolène Royal n'a-t-elle pas intérêt à ce que la défaite socialiste soit plus importante aux législatives qu'à la présidentielle afin
de démontrer que les 47 % qu'elle avait obtenus étaient plus destinés à elle qu'au PS ? Ainsi, elle serait la candidate légitime à la succession de François
Hollande.
 
Isabelle Mandraud : La situation est un peu plus complexe, car beaucoup de proches de Mme Royal, qui ont fait partie de son équipe de campagne, sont aujourd'hui
en difficulté.
 
En revanche, dans les bastions traditionnels du PS, comme le Pas-de-Calais, le Puy-de-Dôme ou la Haute-Vienne, le "vieux parti" a plutôt bien résisté.
 
Au lendemain du premier tour, la photographie du parti est donc plutôt contrastée, même si l'on peut penser que Mme Royal reste la mieux placée pour, demain,
rénover le parti, comme en témoignent les sondages.
 
carouge : Ségolène Royal a eu l'aval des militants pour la présidentielle. Elle agit comme si un congrès avait eu lieu et l'avait élue responsable du parti,
ce qui n'est pas le cas. Ne sommes-nous pas à la veille de l'implosion du parti ?
 
Isabelle Mandraud : Tôt ou tard, même si elle a été désignée à une large majorité des militants pour l'investiture présidentielle, Ségolène Royal sera à
nouveau confrontée au vote des militants.
 
La succession de M. Hollande à la tête du parti ne peut se faire que par la consultation des adhérents du PS, qu'il démissionne ou qu'un congrès anticipé
soit décidé.
 
Groumpf : Une déroute du PS ne permettrait-elle pas une refondation ?
 
Isabelle Mandraud : Il y a plusieurs façons de voir les choses. Une déroute du Parti socialiste peut aboutir à l'effet inverse de celui escompté et à son
repli sur lui-même.
 
Quel que soit aujourd'hui le cas de figure, de toute façon, beaucoup de ses responsables s'accordent aujourd'hui, après l'échec de Lionel Jospin en 2002
et celui – plus relatif – de Ségolène Royal en 2007, sur la nécessité pour les socialistes de revoir leur corpus idéologique.
 
En effet, cette dernière campagne présidentielle a montré que sur bien des points, notamment dans le domaine économique et social, le PS n'était pas en
mesure d'apporter des solutions claires.
 
Olivier : J'ai entendu dire que Ségolène Royal devait contacter François Bayrou pour discuter d'une éventuelle alliance en vue du second tour. Pensez-vous
que cette alliance, si elle avait lieu, constituerait une menace réelle contre l'UMP ?
 
Isabelle Mandraud : Le mot "alliance" me paraît un peu exagéré. Ce qui était peut-être valable avant le premier tour de l'élection présidentielle ne l'est
plus forcément aujourd'hui.
 
François Bayrou sort aujourd'hui des élections législatives très affaibli. Il ne pèse, dans le cadre des législatives, presque plus rien. En revanche, dans
quelques circonscriptions, les candidats du MoDem sont en situation d'arbitres.
C'est pour cela que Ségolène Royal lance un nouvel appel à François Bayrou.
 
Sur ce plan, on note des divergences entre l'ex-candidate et François Hollande qui, hier soir, n'avait pas de mots assez durs pour François Bayrou. Il n'envisageait
absolument pas que, dans le fief béarnais du centriste, la candidate socialiste se retire de la course.
 
perplexe : L'annonce par Ségolène Royal de rencontrer François Bayrou entre les deux tours, si elle se justifie électoralement, ne risque-t-elle pas de
priver les candidats socialistes des voix des électeurs des partis situés à la gauche du PS et, à plus long terme, de rendre une recomposition à gauche
plus difficile ?
 
Isabelle Mandraud : Cela, semble-t-il, ne s'est pas produit lors de l'élection présidentielle.
 
En revanche, ce que l'on peut dire, c'est que jusqu'ici, ce sont plutôt les électeurs du centre – et en particulier des ex-socialistes – qui ont du mal
à venir voter à gauche.
 
evidencev : Que penser des déclarations de Manuel Valls ("assez que la vie politique tourne autour de la vie d'un couple") ? Le sentiment est-il partagé
au PS ?
 
Isabelle mandraud : Il y a toujours un socialiste pour mettre les pieds dans le plat !
 
Hier, c'était Arnaud Montebourg, qui qualifiait de plus gros défaut le compagnon de Mme Royal. Aujourd'hui, c'est Manuel Valls. Bon...
 
vergoisy : Pensez-vous que l'attitude actuelle de Ségolène Royal, qui se positionne comme leader socialiste à la place de François Hollande, va dans le
bon sens pour la prochaine rénovation ? Ne va-t-elle pas trop vite ?
 
Isabelle Mandraud : Le temps joue contre Mme Royal, qui doit rapidement capitaliser sur son statut d'ex-candidate et les 17 millions d'électeurs qui ont
voté pour elle au second tour de la présidentielle.
 
Ce "capital" finira au fil du temps par s'estomper, et les prétendants au leadership du PS sont nombreux.
 
L'entourage de Mme Royal – qui, je le rappelle, n'est plus présente à l'Assemblée nationale – l'a donc convaincue de presser le pas pour s'imposer à la
tête du PS.
 
laurent31 : Un élément de stratégie ne serait-il pas de tout essayer pour remobiliser les électeurs de gauche qui ne sont pas allés voter à ce premier tour
? Ne peut-on pas avoir une surprise à l'issue du second tour avec plus de sièges pour le PS qu'attendu aujourd'hui ?
 
Isabelle Mandraud : Oui, cette hypothèse est parfaitement plausible, puisque le deuxième tour aboutit à une concentration plus franche entre la droite et
la gauche et à une bipolarisation entre les deux principaux partis que sont l'UMP et le PS.
 
Le deuxième tour peut cristalliser davantage le vote "anti-Sarko". A l'inverse, il peut aussi décourager davantage en diffusant le sentiment que "c'est
cuit". Pour la gauche.
 
Groumpf : Quel est le seuil de résultat "honorable" du PS ? 150 sièges ?
 
Isabelle Mandraud : Le pire avait été atteint en 1993, où le groupe socialiste à l'Assemblée nationale s'était réduit à 57 députés.
 
En 2002, après l'élimination de Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle, ils étaient 141, plus 8 apparentés. Dépasser ce niveau d'une dizaine
de sièges ou plus constituerait déjà une bonne chose.
 
En dessous, cela marquerait une cuisante défaite.
 
Groumpf : Le PC pourrait-il s'intégrer dans le groupe parlementaire du PS ?
 
Isabelle Mandraud : A priori, le PCF pourrait peut-être conserver un groupe autonome à l'Assemblée.
 
Pour l'instant, en tout cas, l'hypothèse que vous soumettez n'est pas envisagée.
 
Zephyr : Est-ce que le PS aura besoin d'alliances avec le MoDem, le PCF, les Verts, etc., pour que ces groupes puissent "peser" ensemble ?
 
Isabelle Mandraud : Vu l'importance de la "vague bleue", Nicolas Sarkozy et le gouvernement disposeront de la majorité à l'Assemblée.
Mais plus il y a de députés de gauche élus, plus l'opposition peut se faire entendre.
 
Le MoDem, lui, devrait se résumer, au mieux, à quelques individualités.
 
zahra : Ne pensez-vous pas que la "vague bleue" est utile pour permettre à la gauche de réfléchir et de se reconstruire?
 
Isabelle Mandraud : La théorie du choc salutaire n'est pas très en vogue au Parti socialiste.
 
D'autant moins qu'il y a des élections municipales en 2008, et que le mandat présidentiel est désormais de cinq ans.
 
Ce qui laisse, compte tenu du délai nécessaire pour choisir son candidat, finalement assez peu de marge.
 
Alain_Randonnet_1 : Que pensez-vous de l'humiliation subie par M. Boutih en Charente et est-ce de nature à affaiblir Mme Royal ?
 
Isabelle Mandraud : La situation de Malek Boutih dans la 4e circonscription de Charente est pénible pour le Parti socialiste. C'est l'exemple d'une catastrophe
annoncée et d'un parachutage raté.
 
En effet, M. Boutih a dû faire face à la candidature dissidente d'une femme que les militants avaient choisie.
 
L'ancien président de SOS-Racisme n'a jamais été bien accepté par le PS local.
Dans ces conditions, on peut se demander pourquoi le PS s'est entêté sur cette circonscription au risque de faire subir une humiliation à l'un de ses membres,
humiliation qu'il n'avait évidemment pas méritée.
 
Résultat : il est éliminé dès le premier tour. Derrière la socialiste dissidente.
 
Savonarole : En annonçant une motion au prochain congrès du PS puis, hier, une sollicitation directe de Bayrou entre les deux tours des législatives, Mme
Royal continue de préempter la stratégie du PS. Or ne fait-elle pas l'inverse de ce qui serait souhaitable pour l'avenir du parti : à savoir remettre à
plat les idées et poser ensuite la question de la personne à même de les incarner?
 
Isabelle Mandraud : Je ne crois pas beaucoup au grand déballage de la rénovation et des idées sans qu'elles soient incarnées par une personnalité.
 
Les convictions de Laurent Fabius ne sont pas tout à fait les mêmes que celles de Ségolène Royal, dont la méthode se différencie de François Hollande, qui
lui-même a des divergences sur la fiscalité avec Dominique Strauss-Kahn...
 
Par ailleurs, présenter une motion dans un congrès socialiste signifie créer un courant et se placer dans une logique, si possible majoritaire, où l'on
convainc les autres.
 
Encore une fois, Mme Royal tentera à la fois d'imposer ses idées (sur l'ordre juste, la démocratie participative, le traitement de la délinquance...) tout
en revendiquant le leadership du PS.
 
vergoisy : L'avancement du congrès du PS avant les municipales, est-ce réellement une bonne stratégie dans le processus de rénovation ?
 
Isabelle Mandraud : Plusieurs points de vue se partagent au PS sur cette question.
 
Une majorité de maires socialistes redoutent de voir les socialistes étaler leurs divisions alors qu'ils vont s'engager dans une nouvelle campagne. Ils
souhaiteraient donc que ce congrès ait lieu après.
 
D'un autre côté, certains estiment que les municipales se passeraient mieux si la question du leadership et de la rénovation pouvait être tranchée avant.
C'est notamment le point de vue des partisans de Mme Royal.
 
Globulus : On n'entend plus du tout DSK : est-il déjà en campagne pour l'investiture en 2012 ?
 
Isabelle Mandraud : Il est faux de dire que l'on n'entend plus Dominique Strauss-Kahn, qui a beaucoup fait campagne pour soutenir les candidats socialistes
aux législatives.
 
Il est intervenu hier soir depuis sa circonscription du Val-d'Oise, à Sarcelles. Mais il a été lui aussi mis en ballottage par une candidate UMP qui se
présentait pour la première fois.
 
GG : Le PS est-il dirigé aujourd'hui ? Par qui ?
 
Isabelle Mandraud : François Hollande est le premier secrétaire du parti. Il y a un bureau national qui se réunit toutes les semaines et qui associe toutes
les personnalités du PS.
 
Et puis surtout, il y a une ex-candidate à la présidentielle qui a imprimé beaucoup de ses idées ces derniers mois. A vous de voir...
 
pignouf : Est-ce que la rénovation du PS peut passer par une alliance DSK-Royal ?
 
Isabelle Mandraud : Oui, pourquoi pas ? Elle peut passer aussi par une alliance avec François Hollande, avec Bertrand Delanoë, et bien d'autres encore.
 
 
 
Philippe Le Cœur