13 juin 2007

Législatives:les dix incertitudes

Dimanche 10 juin 2007
 
Les dix incertitudes du premier tour des législatives
 
Participation, vague bleue ou pas, avenir du centre, sort des personnalités... Quels sont les enjeux du premier tour des législatives ?
 
Panneaux électoraux à Toulouse (photo AP). 
 
1. La participation sera-t-elle importante ?
 
Classiquement, la participation aux élections législatives qui suivent immédiatement une élection présidentielle est moins forte. Depuis 1981, l'abstention
au premier tour des élections législatives a quasiment toujours été supérieure à 30 %, à l'exception de celles de 1986, qui ne suivaient pas une présidentielle.
Le taux d'abstention a même atteint des taux records en 2002 : 35,6 % au premier tour et 39,7 % au second.
 
Scrutins trop rapprochés, sentiment que les vrais choix sont déjà faits, faible mobilisation du camp des vaincus : de nombreux éléments concourent à décourager
les électeurs de se rendre aux urnes. En Polynésie française, où l'on a déjà voté le week-end dernier, la participation a été inférieure à 55 %, soit cinq
points de moins qu'aux législatives de 2002 et 30 points de moins qu'à l'élection présidentielle. Le contexte géographique de ce territoire d'outre-mer
en fait cependant un cas particulier.
 
En métropole, le résultat risque d'être un peu différent. Les Français se sont mobilisés massivement à l'élection présidentielle, puisque près de 84 %
d'entre eux se sont rendus aux urnes les 22 avril et 6 mai derniers. Cette dynamique pourrait donc se retrouver aux élections législatives, même si elle
le sera dans des proportions bien inférieures.
 
Un
sondage Sofres
 réalisé les 28 et 29 mai auprès d'un échantillon de 1 000 personnes montre par ailleurs que 67 % des Français se disaient intéressés par les élections
législatives. Si elle n'atteint pas celle de la présidentielle, la participation devrait donc toutefois être supérieure à celle de 2002.
 
2. L'UMP peut-elle ne pas avoir la majorité absolue ?
 
Nicolas Sarkozy veut obtenir une large majorité pour pouvoir mettre en œuvre les réformes promises durant la campagne présidentielle, et tout indique qu'il
l'obtiendra. Ces dernières semaines, tous les sondages promettent une large victoire aux candidats de l'UMP et à leurs alliés du Nouveau Centre, crédités
de 40 à 42 % des voix et de 400 à 460 sièges.
 
La majorité est de 289 sièges. En 2002, l'UMP avait déjà obtenu la majorité absolue avec 365 députés. Quoi qu'il en soit, les élections législatives organisées
après une présidentielle ont toujours confirmé le résultat du premier vote, que ce soit en 1981 ou, plus récemment, en 2002.
 
Le chef de l'État connaît également un véritable état de grâce depuis son installation à l'Élysée, avec une popularité supérieure à celle de tous ses prédécesseurs
au début de leur mandat, à l'exception du général de Gaulle. Depuis le 6 mai, Nicolas Sarkozy n'a pas ménagé sa peine pour obtenir l'objectif qu'il s'est
fixé.
 
Il s'est personnellement impliqué dans la campagne lors d'une réunion publique le 29 mai au Havre, où il a appelé les Français à lui « renouveler leur
confiance » en lui donnant une majorité pour gouverner et « tenir les engagements » pris lors de l'élection présidentielle.
 
Reste à savoir si la victoire annoncée ressemblera au raz de marée de 1993 (472 sièges pour la droite) ou à la « vague bleue » de 2002. Pour éviter que
son électorat ne se démobilise et n'aille pas voter les 10 et 17 juin, le premier ministre, François Fillon, lui-même candidat dans la Sarthe, multiplie
les réunions publiques et les attaques contre la gauche.
 
3. Les ministres du gouvernement sont-ils assurés d'être élus ou réélus ?
 
En se présentant dimanche au suffrage des électeurs, 11 ministres du gouvernement de François Fillon – y compris lui-même – mettent en jeu leur avenir.
Le 23 mai, le premier ministre avait prévenu que, conformément à une règle non écrite, tout membre du gouvernement battu aux législatives devrait abandonner
son poste.
 
Peu d'entre eux sont semble-t-il en véritable danger. La plupart sont bien implantés dans leur circonscription, dans lesquelles Nicolas Sarkozy est arrivé
en tête le 6 mai. Et ils avaient été élus en 2002 avec des scores confortables. C'est le cas de Valérie Pecresse dans les Yvelines (65,11 % en 2002), d'Éric
Woerth dans l'Oise (64,14 %), de Dominique Bussereau en Charente-Maritime (62,31 %), de Christine Boutin dans les Yvelines (56,29 %) et de Roselyne Bachelot
dans le Maine-et-Loire (58,27 %).
 
Quant à Xavier Bertrand, élu pour la première fois en 2002 dans l'Aisne avec 56,96 % des voix, il ne devrait guère avoir de souci à se faire puisque Nicolas
Sarkozy est arrivé en tête dans sa circonscription avec 53,69 % des voix. Élu dans l'Eure avec 61,85 % en 2002, Hervé Morin, le seul ministre centriste
du gouvernement, devra, lui, affronter un autre candidat centriste.
 
Parmi les poids lourds du gouvernement, Michèle Alliot-Marie, élue sans interruption depuis 1986 dans les Pyrénées-Atlantiques, n'est guère menacée, pas
plus que Jean-Louis Borloo dans le Nord. Plus délicate est la situation d'Alain Juppé dans la mesure où Ségolène Royal est arrivée en tête dans sa circonscription
au second tour de l'élection présidentielle avec 54,66 % des voix. Quant à François Fillon, il devrait récupérer la 4e circonscription de la Sarthe, à
droite depuis 1958, bien que Nicolas Sarkozy n'ait réuni que 50,34 % des voix au second tour de la présidentielle. 
 
4. Que peut espérer le PS ?
 
Une victoire du PS, personne n'y croit. Un petit rebond ? Rares sont ceux qui l'espèrent encore. Une défaite ? Chacun s'y prépare. Une déroute ? Beaucoup
se refusent à l'envisager, même si certains la redoutent. Malgré le score écrasant de Nicolas Sarkozy, malgré l'ouverture qui a jeté le trouble au PS,
les dirigeants socialistes espèrent en fait limiter les dégâts.
 
Dans l'Assemblée nationale sortante, le groupe PS rassemblait 149 élus. En retrouver à peu près autant dans le prochain hémicycle serait pour les socialistes
un soulagement. Après tout, Ségolène Royal est arrivée en tête au second tour dans 191 circonscriptions métropolitaines.
 
De quoi nourrir des espoirs, même si le PS sait qu'il a peu de chances de retrouver au fond des urnes législatives tous ces suffrages présidentiels. «
On va faire en moyenne deux ou trois points de moins que le score de Ségolène Royal », prédit un proche de François Hollande.
 
Dans les moments de doute, les responsables du PS notent que leur électorat semble largement démobilisé. Et leur message difficilement audible, puisqu'ils
ne peuvent pas appeler à une nouvelle cohabitation. Le PS a donc fait campagne sur le thème du nécessaire équilibre des pouvoirs, plaidant que l'ampleur
de son score aurait des répercussions sur la capacité de l'opposition à se faire entendre dans la prochaine Assemblée.
 
Du résultat obtenu dépendra beaucoup la suite des événements à l'intérieur même du parti. Une lourde défaite fragiliserait encore un peu plus François
Hollande, précipitant la grande explication entre les dirigeants socialistes. Un résultat plus nuancé permettrait au premier secrétaire de tenir encore
un peu et au PS d'aborder de façon plus sereine son indispensable « rénovation ».
 
5. Les principaux leaders socialistes sont-ils en danger ?
 
En 2002, François Hollande avait serré les dents avant d'être finalement réélu dans son fief de Tulle, en Corrèze. Cette fois, le premier secrétaire du
PS s'affiche plutôt serein avant le scrutin. Son véritable objectif est de faire mieux que les 56 % de Ségolène Royal au second tour de la présidentielle
dans la circonscription.
 
Façon de montrer à tous qu'il a sa propre légitimité. Comme le patron du PS, les principaux « éléphants » sont à peu près sûrs de leur sort. Laurent Fabius
(en Seine-Maritime) ou Dominique Strauss-Kahn (dans le Val-d'Oise) n'ont rien à craindre. Quant à Ségolène Royal, Martine Aubry ou Bertrand Delanoë, ils
ne se présentent pas.
 
L'inquiétude règne en revanche à l'étage en dessous, parmi les « éléphanteaux » et singulièrement dans la jeune de garde de Ségolène Royal. Patrick Mennucci
(Bouches-du-Rhône) ou Aurélie Filippetti (Vosges) auront bien du mal à conquérir les circonscriptions qu'ils convoitent. Dans le Territoire de Belfort,
Jean-Pierre Chevènement, conseiller de la candidate, tentera de reprendre son siège perdu en 2002. Mais il n'a pu empêcher Sarkozy d'arriver premier et
il se voit en prime concurrencé par un dissident socialiste.
 
Certains députés sortants sont aussi menacés, Ségolène Royal ayant été distancée sur leurs terres par Nicolas Sarkozy. C'est notamment le cas dans les
Alpes-de-Haute-Provence pour le directeur de la campagne présidentielle, Jean-Louis Bianco, et pour son porte-parole, Arnaud Montebourg (en Saône-et-Loire).
Celui-ci a assuré qu'en cas d'échec, il « arrêterait la politique ».
 
6. Combien d'élus pour le MoDem ?
 
Sur 30 députés UDF et apparentés sortants, seuls six ont participé à la création du Mouvement démocrate (MoDem). Mais l'un d'entre eux, Gérard Vignoble
(Nord, 8e), ne se représente pas. L'enjeu du scrutin est donc double pour le MoDem. D'une part, assurer la réélection des cinq autres fidèles. D'autre
part, confirmer dans les circonscriptions le score de François Bayrou au premier tour de la présidentielle (18,57 %), afin d'installer le nouveau parti
dans le paysage politique français.
 
La réélection de Jean-Christophe Lagarde (Seine-Saint-Denis, 5e) s'annonce délicate, même si ce dernier joue l'ambiguïté sur son positionnement puisqu'il
se présente sous l'étiquette « Bobigny-Drancy » et se déclare prêt à travailler avec la nouvelle majorité. Il s'agit, en outre, du seul député sortant
du MoDem contre lequel l'UMP ne présente pas de candidat, mais il aura fort à faire dans une circonscription où François Bayrou n'a obtenu que 18,63 %
et où Ségolène Royal a terminé en tête (57,94 %).
 
Les quatre autres sortants affrontent, en revanche, un député UMP. Si cette concurrence n'est pas nouvelle pour Jean Lassalle (Pyrénées-Atlantiques, 4e)
et si François Bayrou (Pyrénées-Atlantiques, 1re) peut compter sur sa dimension personnelle, Anne-Marie Comparini (Rhône, 1re) et Gilles Artigues (Loire,
1re) sont dans une situation autrement plus difficile.
 
Enfin, l'élection de nouveaux députés du MoDem semble quasi impossible, même là où François Bayrou a créé la surprise à l'élection présidentielle et présente
des candidats bien implantés, en particuliers en Alsace. Sauf en cas d'accords locaux, entre les deux tours, avec le PS, voire avec l'UMP.
 
7. Le Nouveau Centre peut-il avoir un groupe parlementaire ?
 
L'objectif pour le Nouveau Centre, parti créé par la majorité des ex-UDF ralliés à la majorité présidentielle, est de prendre la place de l'UDF au centre
droit. Un pari conditionné à l'existence d'un groupe parlementaire (au moins 20 députés). Stricto sensu, le Nouveau Centre présente 17 députés sortants.
 

Or, dans l'ensemble des circonscriptions concernées, Nicolas Sarkozy est arrivé en tête de l'élection présidentielle. Devraient également les rejoindre
les six autres députés ex-UDF qui, sans être labélisés Nouveau Centre, s'inscrivent dans la majorité. Au vu des résultats de la présidentielle, l'un d'entre
eux semble toutefois en danger. Ségolène Royal est en effet largement arrivée en tête dans la 2e circonscription du Calvados (59,52 %), conquise en 2002
par Rodolphe Thomas avec seulement 51,07 %.
 
Tandis que Christian Blanc (Yvelines, 3e) est confronté, comme en 2002, à Philippe Brillault (UMP dissident), auquel s'ajoute un candidat du MoDem (Denis
Flamant). Mais le Nouveau Centre mise également sur l'élection de nouveaux élus. À commencer par Philippe Vigier (Eure-et-Loir, 4e), qui bénéficie du retrait
du député UMP sortant, Alain Venot.
 
Dans deux autres circonscriptions l'élection devrait se jouer entre les deux pôles de la majorité. Pascal Houbron (Nouveau Centre) face à Françoise Guégot
(UMP) dans la 2e circonscription de Seine-Maritime. Claude Pernès (Nouveau Centre) face à Patrice Calmejane (UMP) dans la 8e circonscription de Seine-Saint-Denis.
Enfin, le Nouveau Centre mise notamment sur l'élection de Bernard Leroy (Eure, 4e) et sur le renfort de l'UMP Jean-Luc Moudenc (Haute-Garonne, 1re).
 
8. Quel avenir pour le PCF ?
 
Vingt députés. L'objectif reste modeste dans une Assemblée nationale de 577 sièges. Il devrait être à la portée d'un parti qui aligne 21 députés sortants,
revendique 130 000 militants, préside encore deux départements et, surtout, bénéficie d'un accord de « désistement républicain » avec le PS pour le second
tour. Pourtant, l'élection de 20 députés paraît aujourd'hui presque utopique après la nouvelle déroute du PCF. À peine 1,93 % des voix pour Marie-George
Buffet au premier tour de l'élection présidentielle.
 
« Le contexte est difficile », reconnaît Alain Bocquet, président du groupe à l'Assemblée. Le maintien d'un groupe, justement, voilà tout l'enjeu pour
les communistes. C'est ce qui leur permet de peser encore dans la vie politique. De plus, les voix obtenues aux législatives et les indemnités reversées
par les députés pèsent lourd dans la survie financière de l'organisation.
 
Alors que Marie-George Buffet n'est arrivée en tête de la gauche dans aucune circonscription, le PCF ne peut plus compter que sur la bonne implantation
de ses sortants pour ne pas être distancé partout par le PS.
 
Mais le groupe communiste étant celui qui affiche la moyenne d'âge la plus élevée, c'est naturellement celui où la proportion de sortants qui ne se représentent
pas est la plus élevé : un tiers, soit 7 sur 21. Autant de successions difficiles. La notoriété devrait en revanche aider la réélection de plusieurs sortants
comme Alain Bocquet, Marie-George Buffet ou Patrick Braouézec.
 
9. Le FN pourra-t-il se maintenir largement au second tour ?
 
Au soir du 22 avril, dès l'annonce des résultats du premier tour de l'élection présidentielle, le Front national avait de quoi s'inquiéter. En effet, en
perdant un million de voix par rapport à 2002 (soit un recul de 16,86 % à 10,44 %), et compte tenu de l'amplification prévisible de la dynamique nouvellement
créée, Jean-Marie Le Pen ne pouvait que craindre pour la survie de sa formation.
 
Ces craintes sont toujours d'actualité : en dépit d'un tour de France du leader frontiste pour récupérer ses anciens électeurs ayant voté Nicolas Sarkozy,
les sondages n'ont jamais donné plus de 8 % à ses candidats. Avec un tel score, le FN – qui avait obtenu 11,34 % aux législatives de 2002, soit 2,8 millions
de voix – n'aurait toujours pas de députés. La possibilité pour le parti d'extrême droite de provoquer au second tour des triangulaires en franchissant
le seuil des 12,5 % des électeurs inscrits s'annonce donc limitée.
 
Un nouveau recul pourrait entraîner une réduction de moitié du financement public du FN, qui est de 4,6 millions d'euros par an depuis 2002. Jean-Marie
Le Pen ne cache pas que, s'il en était ainsi, cette situation obligerait son parti, qui emploie 60 personnes, à faire un plan social, voire à vendre son
siège de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Une chose est sûre en tout cas : le leader, qui aura 79 ans ce 20 juin, n'est toujours pas décidé à passer la main.
 

10. Les petits partis sont-ils condamnés aux alliances ?
 
Sans une dose de proportionnelle, les petits partis qui ont déjà une représentation à l'Assemblée nationale n'ont guère d'autre choix que de s'allier pour
subsister. C'est ce qu'a fait le Parti radical de gauche, qui a passé un accord avec le Parti socialiste dans 32 circonscriptions, seule façon de parvenir
à sauver ses neuf sièges.
 
Les Verts, eux, ne sont pas parvenus cette fois à conclure un accord avec le PS. Leur score de 1,57 % au premier tour de la présidentielle ne les a guère
mis en position de force pour réclamer comme ils le souhaitaient une quarantaine de circonscriptions. Ils peuvent tout au plus espérer sauvegarder leurs
trois députés, les socialistes ayant décidé de ne pas présenter de candidats dans ces circonscriptions. Et un quatrième candidat Vert conserve quelques
chances d'être élu dans la 1re circonscription de Loire-Atlantique grâce à un accord local.
 
Enfin, le Mouvement pour la France, avec actuellement deux députés, se trouve en mauvaise posture après les 2,23 % obtenus par Philippe de Villiers le
22 avril et son mauvais score dans son fief de Vendée, où il a recueilli deux fois moins de suffrages qu'en 2002. Il a dû nouer un accord avec l'UMP dans
son département, où les deux députés sortants se présenteront sous l'étiquette « Majorité présidentielle ».
Service politique de "La Croix"