24 mai 2007

Laurent Joffrin:Pourquoi il faut lire la lettre de Guy MÔquet!

Jeudi 24 mai 2007
 
Nicolas Sarkozy a raison. Même si ses intentions ne sont pas sans arrière-pensées, seuls comptent les actes.
Oui, il faut lire la lettre de Guy Môquet
Par Laurent JOFFRIN
Laurent Joffrin directeur de la rédaction de «Libération».
Soyons francs : si n'importe quel autre homme politique que Nicolas Sarkozy avait proposé de faire lire à tous les élèves de France la lettre écrite en
1941 par le jeune Guy Môquet à ses parents juste avant d'être fusillé par les Allemands, aurait-on polémiqué de la sorte sur le sujet ? Un président ­
ou une présidente ­ de gauche, par exemple ? On devine bien que non. Tout au plus certains à droite, plus ou moins mal embouchés, auraient remarqué avec
acidité qu'on rend ainsi hommage à un jeune communiste. Or sa mémoire avait jusque-là été honorée avec insistance par le PCF alors même qu'à l'époque des
faits pour lesquels Môquet avait été arrêté ­ une distribution de tracts en octobre 1940 ­ l'appareil du parti, fidèle à la ligne imposée par Staline,
se gardait de toute participation sérieuse à la Résistance, attitude qui changea seulement quand Hitler attaqua l'URSS en juin 1941.
Mais, à l'inverse, n'est-ce pas un geste de tolérance, de la part d'un homme de droite que de choisir comme figure emblématique un jeune qui se situe, en
politique, à l'opposé de ses propres convictions ? Calcul politique ? Peut-être. Mais il faut juger sur les actes plus que sur les intentions. Or l'acte
est juste. Voilà le fond de l'affaire.
Déchirant à tous égards, le texte est un magnifique exemple d'héroïsme manifesté dans la lutte la plus indiscutable qui soit, celle qui a opposé la Résistance
aux barbares hitlériens. Quel mal peut-il faire ? Les arguments employés contre la décision sarkozyenne laissent rêveur par leur faiblesse ou leur mauvaise
foi. Il s'agit d'émotion, dit-on. Et alors ? Depuis quand l'émotion doit-elle être bannie de la pédagogie ? Quiconque a essayé de donner le moindre cours
d'histoire sait qu'il a avantage à capter l'attention avant de développer, d'expliquer, de mettre en perspective les faits historiques qu'il veut enseigner.
Nicolas Sarkozy, que l'on sache, n'a pas proposé de remplacer les cours d'histoire par des séances de larmes collectives. Voudrait-on enseigner l'holocauste
des Juifs en passant sous silence la souffrance des victimes, la pitié que doit inspirer leur sort, la noirceur d'âme des bourreaux ? Ensuite viennent
les explications sur le nazisme, les «crimes de bureaux», l'intentionnalité du génocide...
Il s'agit de mémoire et non d'histoire, poursuit-on. Encore une fausse querelle. Peut-on suggérer modestement que l'une ne s'oppose pas forcément à l'autre
? Mémoire et histoire sont deux moments de la construction d'une culture commune à tous les citoyens et à tous les hommes. Pourquoi le devoir de mémoire,
qu'on a justement invoqué, se substituerait-il forcément au travail historique ? L'un et l'autre sont précieux, voilà tout. Le Président, dit-on encore,
n'a pas à remplacer les professeurs. Il ne le prétend en aucune manière. Il se trouve seulement qu'en démocratie les élus décident in fine de l'organisation
des programmes, en s'appuyant évidemment sur l'état du savoir, sur le principe constitutionnel de pluralisme, sur la compétence des historiens et des enseignants,
qui réalisent l'essentiel du travail en ce domaine et continueront évidemment de le faire. Mais, en cas de conflit moral, d'arbitrage sur les grandes orientations,
qui doit trancher sinon les représentants légaux du peuple ? Une corporation ou une autre, sans règle ni garde-fou ? Drôle de conception de la souveraineté
populaire...
On souligne enfin qu'il s'agit d'une apologie du sacrifice, bien incongrue en ces temps de paix européenne. Voilà sans doute l'argument le plus faux et
le plus inquiétant. Croit-on vraiment que nulle menace ne pèse plus sur l'humanité, sur la démocratie, sur les principes qui nous sont chers ? Et si ces
menaces s'incarnaient à nouveau, faudrait-il repousser avec horreur ceux qui seraient prêts à donner leur vie pour leur idéal, si cet idéal est aussi le
nôtre ? Dans le monde tel qu'il est, la lutte pour les droits de l'homme continue. Et donc, dans certaines circonstances, le sacrifice. C'est le message
de Guy Môquet. Honneur lui soit rendu.

La droite se crée une histoire!

Jeudi 24 mai 2007
 
La Droite  doit emprunter à la gauche ses héros car les siens ne sont guère fréquentables.
La droite en quête d'histoire
Par Michel WINOCK
Michel Winock historien, professeur émérite à l'Institut d'études politiques de Paris.
Dernier ouvrage paru : la Mêlée présidentielle, Flammarion, mars 2007.
L'initiative de Nicolas Sarkozy au sujet de la lettre de Guy Môquet nous renvoie à l'utilisation de l'histoire par les hommes politiques. Qu'a voulu faire
de ce texte émouvant d'un jeune résistant communiste notre nouveau président ? Sans doute plusieurs choses. En premier lieu se démarquer de la vieille
droite : je suis de droite, oui, mais pas de la droite vichyste, collabo, antisémite ; je suis de la droite républicaine.
Le choix du souvenir de Guy Môquet marque aussi un souci de «rassemblement». Il aurait pu choisir un autre martyr, une autre lettre. Aragon avait dédié
son poème la Rose et le Réséda à Guy Môquet, le communiste, mais aussi à Gilbert Dru, le démocrate-chrétien, autre fusillé. Choisir le communiste c'est
vouloir signifier l'ouverture, le refus de l'esprit partisan. Nous restons là dans la filiation gaulliste. A cela près que le général de Gaulle ne s'est
jamais dit de droite (non plus que de gauche). Voilà donc un président qui, pour la première fois, se dit et s'assume de droite. Mais avec quelle mémoire,
avec quelle histoire ?
Pour le dire d'un mot : le regard historique de Nicolas Sarkozy pourrait être, à quelques détails prêts, celui d'un homme de gauche. Certes, il entend être
oecuménique : «Ma France, c'est le pays qui a fait la synthèse entre l'Ancien Régime et la Révolution, qui a inventé la laïcité pour faire vivre ensemble
ceux qui croient au Ciel et ceux qui n'y croient pas . » Mais déjà le grand médiéviste Marc Bloch avait dit, avant d'être fusillé par les Allemands, que
tout Français vibrait au double souvenir du sacre de Reims et de la fête de la Fédération. C'est au poète communiste Aragon que Nicolas Sarkozy emprunte
cette expression de «ceux qui croient au Ciel et ceux qui n'y croient pas». Ses références doivent étonner les mânes de Mitterrand : Victor Hugo, Léon
Gambetta, Georges Clemenceau, le Zola de «J'accuse», Jean Jaurès, Léon Blum, Jean Moulin, Guy Môquet... Le seul hommage à un homme de droite d'avant le
gaullisme, il l'a adressé à Georges Mandel, ancien collaborateur de Clemenceau, et membre de cette droite républicaine honnie de l'extrême droite, qui
a fini fusillé par la Milice.
Quelle conclusion tirer d'un tel hommage ? La droite contemporaine a renoncé à son référentiel de droite. Certes, Saint Louis et Jeanne d'Arc ne sont pas
oubliés, mais ils appartiennent à tout le monde : jadis les socialistes eux-mêmes revendiquaient Jeanne, cette fille du peuple condamnée par l'Inquisition
avant d'être accaparée par la droite cléricale.
Pour la phase proprement républicaine aucune figure de la droite historique n'est citée, ni Albert de Mun, ni Maurice Barrès, ni Paul Déroulède, ni Charles
Maurras, ni même Raymond Poincaré ou Antoine Pinay... Tout se passe comme si l'histoire de la droite commençait pour la droite avec de Gaulle.
Il y a ainsi une solution de continuité entre la droite de jadis et la droite d'aujourd'hui : c'est une droite sans mémoire ­ ou de mémoire récente. La
dissymétrie est frappante entre elle et la gauche. Celle-ci se voit comme la continuation d'une histoire dont l'origine est la Révolution, et qui se poursuit
avec les insurrections de 1830, de 1848, de la Commune de 1871, avec la naissance du Parti socialiste, avec Jaurès, avec le Front populaire, avec Blum...
La gauche est surchargée d'histoire, on pourrait dire parfois : encombrée par une histoire qu'elle ne veut pas «trahir». La droite, elle, ne peut se réclamer
ni de Mac-Mahon, ni des antirépublicains, ni des antidreyfusards de la IIIe République, ni des ligueurs, ni des pétainistes, ni des colonialistes (souvent
de gauche, du reste).
Cette espèce de virginité historique s'explique facilement : la gauche a gagné, ses valeurs originelles sont celles aujourd'hui de 80 % des Français ; la
droite les a reprises à son compte dans un mouvement progressif qui a commencé lorsque des anciens dreyfusards comme Poincaré sont devenus des hommes de
droite, par opposition aux collectivistes (socialistes et communistes). La chute du régime de Vichy et la démocratisation généralisée des régimes politiques
en Europe finissent par rendre obsolètes les idées patriarcales, cléricales, autoritaires, antilibérales (eh oui !) des droites d'autrefois. Le socialisme,
un des axes de la gauche, a échoué dans la réalisation de ses promesses utopiques, mais c'est une raison supplémentaire pour que la droite, issue du gaullisme,
ne soit plus ­ idéologiquement parlant ­ aux antipodes de la gauche. Pour Le Pen, Jacques Chirac est un président de «gauche», et Sarkozy, par ses discours,
lui donne des arguments.
Lors du centenaire de l'affaire Dreyfus, Lionel Jospin avait cru devoir rappeler à ses adversaires de droite que la droite avait été antidreyfusarde. C'était
se tromper d'époque. La droite politique d'aujourd'hui ne se reconnaît nullement dans la descendance de la Ligue des patriotes et encore moins de l'Action
française. De Gaulle, Pompidou, Giscard, Chirac ne se disaient pas de droite, mais ils n'en ont pas moins contribué à une nouvelle culture de droite ;
Sarkozy en touche les dividendes, cette fois sans renier l'étiquette historiquement abhorrée de «droite». Ainsi les deux récits historiques traditionnels,
celui de la gauche et celui de la droite, tendent à se localiser aux extrêmes. L'antagonisme central entre gauche et droite ne relève plus du grand schisme
de 1789.
Reste une pomme de discorde : Mai 68. C'est sur cette date que le conflit des interprétations retrouve sens. A une histoire ancienne qui a cessé d'être
conflictuelle s'oppose une histoire du temps présent encore profuse d'oppositions sonores. Guy Môquet rassemble, Cohn-Bendit sépare toujours.

Pourquoi un enseignant ne lira pas la lettre de Guy Môquet à ses élèves à la rentrée!

Mercredi 23 mai 2007
 
Rebonds
Il est imprudent d'instrumentaliser politiquement l'histoire et de n'en livrer qu'une vision émotionnelle.
Pourquoi je ne lirai pas la lettre de Guy Môquet à mes élèves à la rentrée
Par Pierre SCHILLI
QUOTIDIEN : mardi 22 mai 2007
Par Pierre Schill professeur d'histoire-géographie à Montpellier.
Nicolas Sarkozy vient d'indiquer que sa «première décision» de président sera de faire lire chaque début d'année dans tous les lycées la dernière lettre
du jeune résistant communiste Guy Môquet, fusillé à 17 ans en 1941.
Professeur d'histoire-géographie a priori concerné par cette initiative, je voudrais expliquer pourquoi, sans vouloir remettre en cause l'autorité du nouveau
président de la République, je ne lirai pas cette lettre dans un tel cadre.
La première raison tient à l'instrumentalisation politique de l'histoire par Nicolas Sarkozy. L'historien Gérard Noiriel, un des animateurs du Comité de
vigilance face aux usages publics de l'histoire (CVUH), avait, parmi les premiers, montré les ressorts de l'usage de l'histoire dans le discours public
du candidat de l'UMP : son récit mémoriel a pour fonction de transcender les appartenances partisanes, avec notamment pour objectif de «fabriquer un consensus
occultant les rapports de pouvoir et les luttes sociales» (http://cvuh.free.fr/).
C'est bien le sens de ses nombreuses références aux figures tutélaires de la gauche, qui ne sauraient valoir blanc-seing pour une captation d'héritage durable
: le nom de Guy Môquet figurait dans le récent panthéon du candidat Sarkozy, et son engagement résistant, indissociable de son engagement communiste, n'a
rien à gagner à devenir le prétexte à une lecture édifiante aux lycéens de France. Pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler les suites de l'escapade
maltaise du nouveau président : Vincent Bolloré a justifié le financement de cette croisière en faisant un parallèle indigne avec une visite de Léon Blum
dans sa famille en 1947. Et voilà comment le nom de l'ancien président du Conseil du Front populaire, lui aussi maintes fois évoqué durant la campagne
électorale, pouvait être utilisé au nom de la défense de petits intérêts politiques. Il me semble donc imprudent d'exposer au même risque d'instrumentalisation
la mémoire de Guy Môquet.
La seconde raison, tout aussi importante me semble-t-il, est liée à des considérations pédagogiques. Vouloir faire lire en début d'année cette lettre risque
de limiter cet exercice à une séquence émotionnelle à laquelle la lettre se prête particulièrement bien. Je ne sais pas s'il s'agit là de la motivation
profonde de cette initiative ; est-il permis de rappeler au nouveau président que l'enseignement de l'histoire ne s'accommode pas de ce seul registre mais
a toujours besoin de sens, c'est-à-dire en l'occurrence d'une remise en perspective dans un contexte élargi. Or il existe déjà pour ce faire un cadre qui
concerne quasiment tous les lycéens des filières générales, technologiques ou professionnelles, celui des programmes officiels d'histoire et de l'étude
de la Seconde Guerre mondiale.
Laissons donc aux enseignants d'histoire-géographie leur autonomie pédagogique dans leur façon d'aborder l'enseignement de la Résistance : nombreux sont
ceux qui s'appuient déjà sur ces dernières lettres de fusillés dont un recueil récent offre un large choix et permet une utilisation approfondie seule
à même de dépasser le registre émotionnel, avec des lettres complémentaires à celle de Guy Môquet dans lesquelles certains de ces «héros» reviennent sur
les raisons de leur «entrée en résistance» (Guy Krivopissko, La vie à en mourir. Lettres de fusillés (1941-1944), Paris, Tallandier, 2003). Seul le cadre
de cet enseignement structuré permettra d'aborder l'histoire dans sa complexité et de ne pas en rester à sa caricature voire à son déni, la reconstruction
d'un passé «sans histoire» défendue par Nicolas Sarkozy.
 

 

PS:La politique de l'autruche

Rencontre
«Le PS est le seul en Europe à avoir choisi la politique de l'autruche»
Marc Lazar, historien et politologue, compare le Parti socialiste français avec les partis de gauche des pays voisins qui, eux, ont remis en cause les dogmes
du vieux socialisme et se sont alliés avec leurs ennemis d'autrefois.
Par Annette LEVY-WILLARD, Béatrice VALLAEYS
QUOTIDIEN : samedi 19 mai 2007
La gauche française se retrouve-t-elle désormais dans une situation comparable à celle d'autres pays européens après une sévère défaite ? Ce qui s'est passé
en 2001 en Italie quand Berlusconi a battu une deuxième fois le centre gauche fournit un sujet de réflexion. Compte tenu de l'ampleur de sa victoire (un
peu comme celle de Sarkozy aujourd'hui), l'opposition avait choisi d'adopter un profil responsable en refusant de diaboliser Berlusconi. Les manifestations
dans la rue se sont alors multipliées ­ la fameuse contestation du cinéaste Nanni Moretti, les rassemblements autour des palais de justice et des sièges
de la RAI (télévision et radio nationale italiennes, ndlr) considérés comme menacés par le gouvernement de droite. Ces mobilisations critiquaient la timidité
de l'opposition parlementaire qui, toutefois, a fini par récupérer ces mouvements de radicalité en leur donnant une perspective politique.
En France, le PS sera peut-être confronté à un problème comparable. Le choix d'une opposition résolue mais responsable peut-il ouvrir un espace sur sa gauche
qui se manifesterait par l'agitation sociale, des manifestations contre la future réforme sur l'autonomie des universités ou le service minimum dans les
transports ? Aucune prophétie n'est possible, mais ce qui est certain, c'est que la gauche de la gauche semble politiquement en difficulté.
Le PCF arrive au terme d'un long processus. Il a été le premier parti de France après la guerre, puis le premier parti de gauche (1 électeur sur 4 votait
communiste sous la IVe République) ; en 1981 quand Mitterrand a été élu, le PC obtenait encore 15 % des voix. Avec moins de 2 % cette année, le PC est
devenu presque un groupuscule. Il conservera néanmoins un certain nombre de députés, il dispose encore de militants (vieillissants), de quelques bastions
municipaux et d'un peu d'argent. Mais les communistes ne peuvent plus constituer un pivot de l'alliance pour le PS. Par ailleurs, on avait assisté depuis
une décennie à une progression électorale des trotskystes : portés par la conjoncture des luttes sociales, de l'altermondialisme et des mobilisations de
la jeunesse. Le succès du «non» au référendum de 2005 leur avait donné beaucoup d'espoir. Incapable de se mettre d'accord sur un candidat unique qui aurait
pu considérablement gêner Ségolène Royal, la gauche de la gauche sort très affaiblie de cette présidentielle en dépit du relativement bon score d'Olivier
Besancenot. Paradoxalement, cette lourde défaite de la gauche offre une fenêtre d'opportunité pour le PS.
En Italie, les communistes et anciens communistes se retrouvent au pouvoir dans une coalition avec des chrétiens et des centristes... 
En 1991, le PCI a cessé d'être communiste. Il est devenu le Parti démocratique de la gauche (PDS), puis les Démocrates de gauche. Il est allé vers la social-démocratie,
sans en prendre le nom. La minorité qui a préféré rester communiste s'est scindée en deux : le Parti de la refondation communiste et le Parti des communistes
italiens. Ces deux partis représentent ensemble plus ou moins 8 % des voix. Après avoir longtemps hésité, ils ont accepté de participer à la coalition
pour l'emporter en étant unis face à Berlusconi au scrutin de 2006. Prodi a gagné de la sorte. Le revers de la médaille est que cette coalition très hétérogène
est divisée sur l'économie, le social, les questions de société (comme la reconnaissance ou non des droits des couples homosexuels) et la politique internationale.
Ces tensions n'aident pas à gouverner. En France, l'extrême gauche ne veut pas entendre parler de coalition (comme d'ailleurs les trotskystes en Italie).
La LCR et LO excluent toute possibilité d'alliance, évidemment avec Bayrou et ses amis, et même pas avec le PS. Le PC essaie de se couvrir à gauche, car
il est tétanisé par la LCR qui par deux fois l'a dépassé lors d'une présidentielle. Cela dit, le PC sait que pour préserver quelques députés et ses dernières
municipalités, il doit faire alliance avec le PS. Un PS qui ne lui fera vraisemblablement pas de cadeaux cette fois-ci...
Le Parti socialiste français risque-t-il de disparaître ? 
Je ne crois pas. C'est le seul parti à gauche qui peut donner des présidents de la République, des Premiers ministres et qui peut constituer une majorité
parlementaire. Il a augmenté notablement le nombre de ses adhérents au cours de cette année et il offre la possibilité de faire des carrières politiques.
Avec en plus un mode de scrutin qui pousse à un système bipartisan. Dorénavant, il n'y a que deux grands partis en France : l'UMP et le PS. Jusque dans
les années 80, nous avions deux grands partis dominants flanqués de deux partis mineurs mais influents, l'UDF à droite et le PC à gauche. Si la raison
l'emporte ­ mais les passions jouent aussi un rôle en politique ­ le PS devrait limiter les risques d'éclatement.
Reste à savoir pour quoi faire. Que veut dire socialisme aujourd'hui ? Que signifie le réformisme dont, non sans hésitation, il se réclame et comment le
rendre attractif ? Quelle prise peut-il avoir sur la société ? Le PS va-t-il se borner à expliquer que la victoire de Nicolas Sarkozy s'explique parce
qu'il est l'homme des grands médias, des patrons et du fric ? Ou la gauche va-t-elle se demander si cela ne traduit pas des bouleversements substantiels
de la société et de la politique ? Sur toutes ces questions, il y a un très gros déficit de travail au PS. Car si Ségolène Royal a réussi à conquérir les
voix des jeunes de 18-24 ans et à reprendre pied dans les catégories populaires qui avaient déserté Jospin en 2002, il reste encore beaucoup d'ouvriers
et d'employés qui votent pour Le Pen et qui ont donné leurs voix à Sarkozy au second tour. Le PS est, comme toute la gauche, un parti du secteur public.
C'est une exception française ? 
Non. Partout en Europe, les électeurs de gauche sont plutôt des gens de haut niveau d'instruction, vivant dans des grandes villes, ouverts culturellement,
et appartenant le plus souvent au secteur public. Tous les partis de gauche ont reculé dans le monde ouvrier. La classe ouvrière s'est elle-même métamorphosée,
les ouvriers travaillent souvent dans des petites entreprises et n'exercent plus les mêmes activités que dans un passé récent. En plus, les catégories
populaires partout en Europe se sentant en insécurité dans leur vie quotidienne ont la tentation d'aller vers des partis de droite ou des partis populistes
comme ceux de l'extrême droite dont le discours sécuritaire les rassure.
En France, la gauche a beaucoup de mal à admettre ce que le reste de la gauche en Europe a parfaitement compris : la logique de choix individuel est maintenant
un trait dominant de nos sociétés qu'il ne faut pas occulter, mais au contraire comprendre pour y apporter des réponses de gauche. En France, la réflexion
du Parti socialiste sur les mutations de nos sociétés est à peu près au niveau zéro.
Pourquoi ce «niveau zéro de la réflexion» ? 
Il faut mettre sans doute cela en relation avec la base sociale de la gauche. Regardez la composition des partis : les membres du secteur public au sens
large représentent 62,3 % des délégués du 33e congrès du PCF en 2006, 64 % des délégués du congrès de la LCR en 2003 et 71 % des délégués du PS du congrès
de Grenoble en 2000.
La défense du service public est devenue l'un des thèmes fondamentaux de la gauche française. Elle adopte une position défensive quand ses adversaires sont
offensifs, accaparent le thème du changement et l'accusent du coup d'être conservatrice. En outre, une compétition à l'intérieur de la gauche s'est engagée
avec la LCR et le PC qui ont fait de la défense des services publics leur grand cheval de bataille. Le PS devrait peut-être répondre à la volonté de Sarkozy
de ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux qui partent à la retraite en n'argumentant pas simplement sur leur nombre, mais encore sur leur travail, leur
répartition, leur formation, l'évolution de leurs compétences ou de leurs carrières, les critères d'avancement, etc. Ce sont des grandes questions qui
déterminent pour une part l'évolution de nos sociétés contemporaines. Rocard avait jugé qu'il revenait à la gauche de réaliser cette modernisation, Jospin
eut le courage d'en parler, depuis le PS ne dit plus rien et Ségolène Royal a improvisé dans l'urgence quelques réponses...
Les socialistes européens sont-ils plus avancés ? 
C'est le Labour et notamment Tony Blair qui, parmi les premiers, a cherché à se confronter aux transformations de la société britannique après des années
d'échec électoral. Son raisonnement était le suivant : si nous avons échoué, c'est que le monde a changé, le Labour doit donc changer. Le débat a également
été déclenché dans le SPD en Allemagne, dans la social-démocratie suédoise, au sein des Démocrates de gauche en Italie, dans le Parti socialiste ouvrier
espagnol, au Parti socialiste européen, dans l'Internationale socialiste... Le seul à avoir choisi la politique de l'autruche, c'est le PS français. Qui
a diabolisé tout de suite Tony Blair en le qualifiant de «social-libéral» comme certains disaient de Rocard qu'il incarnait «la gauche américaine» .
De son côté, Blair, par exemple, a mis beaucoup d'argent dans les services publics, mais ce geste a été assorti d'une série d'exigences sur l'évaluation
des politiques publiques et des projets. En Italie, la gauche, en négociant avec les syndicats, a entamé une grande réforme de l'administration publique
avec une volonté de simplification, de transparence envers les usagers ou des augmentations au mérite. Ces gauches-là ont pris des coups, elles ont perdu
une partie de leur électorat, mais elles ont réussi à s'ouvrir à d'autres catégories sociales. Elles défendent la nécessité du service public ­ c'est ce
qui les distingue de la droite ­ notamment dans certains domaines, comme l'énergie ou les transports, mais s'efforcent de les moderniser.
Il y a donc une singularité idéologico-culturelle française ? 
C'est le poids de la culture du conflit, de l'affrontement et de la radicalité, qui vient de loin : la scène primitive se joue avec la Révolution française
et se véhicule sur plus de deux siècles. Certes, de nos jours, les Français ne veulent pas la révolution, mais ils sont attachés à l'idée que ce qui compte,
c'est le choc et la rupture. L'idée étant que la gauche doit être dure face à ses «ennemis» . D'où la diabolisation de Sarkozy qui ne demandait que ça.
La France fonctionne encore souvent sur la trilogie des «anti» : l'anticapitalisme baptisé maintenant l'antinéolibéralisme, l'antiimpérialisme qui aujourd'hui
s'appelle l'antimondialisation et l'antifascisme. Ce triptyque est profondément ancré dans l'histoire de la gauche. Pour preuve, ces sondages réalisés
chez les électeurs de gauche à propos de l'ouverture vers le centre qui montrent leur opposition à cette perspective, hormis, et c'est important de le
souligner car cela indique une grande évolution, chez les sympathisants socialistes. En France, le centre est historiquement associé à la droite et un
accord avec lui est assimilé à une «compromission» inacceptable. Cela singularise la gauche française.
Aujourd'hui donc, il n'y a pas de place pour un centre ou une grande coalition ? 
A cause de ce système bipartisan, le parti du centre est quasi mort-né, ce qui n'empêchera pas Bayrou d'espérer se représenter en 2012. Le PS tire le constat
qu'il n'y a plus d'union de la gauche possible faute de combattants (le PC et les Verts sont anéantis). Il a alors deux possibilités, me semble-t-il. Il
peut à l'avenir intégrer en son sein ou dans un autre parti refondé une composante modérée comme le font nombre d'autres partis sociaux-démocrates européens.
Ou il peut s'orienter vers une alliance avec le Mouvement démocratique. Pour le moment, c'est quasi impossible puisque Bayrou veut, lui, créer un pôle
centriste indépendant. Dans les deux cas de figures, cela supposera que le PS s'engage parallèlement dans une profonde analyse des attentes politiques
des citoyens et des changements de la société en abordant des sujets essentiels, comme par exemple celui des salariés du privé ou des jeunes qui ne bénéficient
pas des avantages du «socialisme pour une seule génération» ­ selon la formule d'un sociologue italien ­ qui a été mis en place. Il devra aussi engager
un véritable travail de pédagogie envers ses troupes. Il s'agira alors de changer son ADN, sa culture, son identité. Cela représente un travail de très
longue haleine qui pourrait aboutir à une synthèse des réformismes à l'instar de ce qui s'opère en ce moment en Italie avec la création du Parti démocratique
regroupant les démocrates de gauche et les centristes de la Marguerite.
Professeur des universités, historien et politiste, Marc Lazar est directeur de l'Ecole doctorale de Sciences-Po. Spécialiste des gauches communistes et
socialistes en Europe et de la politique italienne, il dirige au Ceri (CNRS-Sciences-Po), le groupe d'études et de recherches pluridisciplinaires sur l'Italie
contemporaine. Il a notamment publié, avec Stéphane Courtois, Histoire du Parti communiste français, PUF, 2000 ; le Communisme, une passion française,
Perrin, «Tempus», 2005, et l'Italie à la dérive. Le moment Berlusconi, Perrin, 2006. Il prépare actuellement un livre sur La Gauche française et les services
publics à paraître chez Perrin et un livre collectif sur l'Italie depuis 1945 chez Fayard.

le symbole des droits de succession!

Mardi 22 mai 2007
 
Le symbole des droits de succession
 
 
 
Je veux que 95 % des successions soient exonérés de droits. » Depuis un an, c'est une des promesses les plus constantes de Nicolas Sarkozy. La France est
un des pays d'Europe où le produit de l'impôt sur les successions est le plus élevé : il rapportait deux fois plus que chez nos voisins allemands ou anglais
en 2004. C'est aussi un des pays où les taux sont les plus lourds : 40 % à partir de 1, 7 million d'euros entre les parents et les enfants. Les taux du
barème étant élevés, de nombreuses dérogations ont été mises en place : pour les donations avant décès, pour les actionnaires de PME familiales, qui bénéficient
d'un abattement de 75 %, etc. Cependant, les exonérations sont plus élevées en Allemagne ( 300 000 euros ) et en Grande-Bretagne ( 400 000 euros ) qu'en
France ( 100 000 euros ), selon Mathieu Daudé, du Bureau Francis Lefebvre. La réforme Sarkozy comblerait une partie de cet écart. Mais elle serait très
coûteuse : début 2007, une cellule de chiffrage indépendante l'a évaluée à 5 milliards d'euros...
 
 Thierry Philippon

Impot: une réforme? non une Révolution!

Lundi 21 mai 2007
 
La rigueur budgétaire attendra
 

Impôts : une réforme ? Non, une révolution
La baisse des droits de succession et le bouclier fiscal, qui plafonne les impôts à 50 % des revenus, visent à retenir les riches, candidats à l'exil
 

Pauvre Mme Meyer ! Soixante-huit ans d'une vie discrète, et voilà l'héritière des Galeries Lafayette projetée au coeur du débat télévisé entre Ségolène
Royal et Nicolas Sarkozy. Devant 20 millions de téléspectateurs, la candidate socialiste a stigmatisé une « riche héritière » qui a touché « un chèque
de 7 millions d'euros » du fisc. Un remboursement au titre du bouclier fiscal, qui limite les impôts à 60 % des revenus d'un contribuable. « C'est la conséquence
de ce que vous avez fait voter » , a accusé Royal. « Non, parce que, moi, ce que je propose, c'est pire » , lui a répondu ironique Sarkozy. Le nom de Léone
Meyer n'a pas été cité lors du débat, mais la petite-fille du fondateur des Galeries est devenue bien malgré elle un symbole. Pour la gauche, il est difficile
d'accepter que Bercy reverse l'équivalent de 450 années de smic à un seul contribuable ! Pour la droite, cette femme, qui a vendu ses actions l'an dernier
pour un peu plus de 900 millions d'euros, a déjà payé 27 % d'impôt sur les plus-values ! Dans ce débat, Nicolas Sarkozy a choisi son camp. Il va lancer
une petite révolution fiscale et promet 15 milliards d'euros de baisse d'impôts pour créer un « choc » : avec, dès cet été, l'exonération des heures supplémentaires,
la déduction des intérêts d'emprunt immobilier et la baisse des droits de succession, puis à la rentrée le bouclier fiscal. Influencé par la pensée libérale,
le nouveau président reprend à son compte le credo selon lequel il vaut mieux laisser plus d'argent aux riches. En le dépensant et en l'investissant, ils
feront plus et mieux pour la croissance que l'Etat :« On a besoin de gens qui créent des richesses, et pas simplement de les faire partir pour enrichir
les autres pays. » Selon l'économiste Christian Saint-Etienne, auteur d'un rapport pour le Conseil d'Analyse économique, 10 000 chefs d'entreprise ont
quitté le pays avec leur argent en quinze ans. Le gouvernement aimerait les faire revenir.
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La mesure la plus politique de ce plan, c'est le bouclier fiscal, qu'il veut abaisser à 50 % : « Nul en France ne doit se voir prélever plus de la moitié
de ce qu'il a gagné dans l'année . Au fond, on travaillerait du 1 er janvier au 30 juin pour l'Etat , et à partir du 1 er juillet jusqu'au 31 décembre
pour sa famille. Cela me semble raisonnable » , a-t-il expliqué lors du débat télévisé. La réforme de Dominique de Villepin, qui s'applique cette année,
plafonne le total des impôts directs ( IRPP, ISF, taxe d'habitation et taxes foncières ) à 60 % des revenus. Mais, cette réforme, déjà vivement critiquée
à gauche, ne satisfait pas les experts, car aux 60 % il faut ajouter les prélèvements sociaux ( CSG et CRDS ). L'imposition totale flirte donc aujourd'hui
avec le seuil de 70 % des revenus. En Allemagne, la question a été tranchée, il y a dix ans, lorsque la Cour de Karlsruhe a jugé anticonstitutionnel qu'un
contribuable consacre plus de 50 % de ses revenus aux impôts. C'est l'esprit du bouclier fiscal version Sarkozy. Outre l'impôt sur le revenu, il inclurait
aussi les prélèvements sociaux pour respecter ce seuil de 50 %. Et l'ISF ? Les réformes votées depuis deux ans l'ont déjà considérablement réduit pour
les dirigeants de sociétés ou les actionnaires familiaux d'entreprises, en leur offrant un abattement de 75 % sur la valeur de leurs parts. Le bouclier
fiscal fera d'autres heureux. Premiers bénéficiaires : les Français disposant d'un patrimoine important par rapport à leurs revenus, comme les désormais
célèbres retraités de l'île de Ré, qui vivent avec une pension limitée dans une maison qui vaut très cher. Seconde catégorie de favorisés : les très grosses
fortunes. En revanche, pour la plupart des cadres, propriétaires de leur appartement et d'un portefeuille d'actions, avec un patrimoine de 1 à 2 millions
d'euros, les nouvelles règles du bouclier fiscal ne changeraient rien.
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Cette mesure, qui met « l'argent des riches » au coeur du projet fiscal, Sarkozy l'a imposée malgré les réserves d'une partie de ses experts. En janvier,
les députés UMP Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez, respectivement président et rapporteur de la commission des Finances, affirmaient : « Le redressement
des comptes publics est la priorité absolue. » La baisse des impôts pouvait attendre. Et M. Carrez expliquait même qu'il ne fallait pas prendre en compte
la CSG pour le calcul du bouclier fiscal. Il ne jugeait pas prudent de réduire les recettes de l'Etat alors que le budget a encore affiché l'an dernier
un déficit énorme de 36 milliards d'euros. Changement de cap. Aujourd'hui, ils assurent qu' « il est possible d'opérer une pause dans la réduction des
déficits » . Sarkozy, appuyé par certains conseillers, comme sa plume, Henri Guaino, a en effet fixé la ligne : « Ce qui compte, c'est le résultat en fin
de quinquennat . » Mieux, le président maintient son objectif, pourtant peu réaliste, d'une baisse de 68 milliards des prélèvements en dix ans. Au risque
d'un désaccord avec Bruxelles. Joaquín Almunia, le commissaire européen aux Affaires économiques, a rappelé à la France les vertus de la discipline budgétaire
la semaine dernière. Pas sûr que Sarkozy ait la même conception de la vertu.
 
 Thierry Philippon
Le Nouvel Observateur

20 mai 2007

le triptique de Sarkozy:Argent, Réussite et peoplisation!

Dimanche 20 mai 2007
 

 
La dérive « jet-set » du « candidat du peuple »...
Sarkozy et l'argent
Est-ce sa fascination pour la réussite ou l'influence de Cécilia ? Maire de Neuilly, avocat d'affaires ami des grands patrons, ministre menant train de
vie de chef d'Etat, le nouveau président n'a jamais fait mystère de son goût du luxe. Un récit d'Hervé Algalarrondo
 

Deux mariages, quatre témoins. L'évolution du rapport de Nicolas Sarkozy à l'argent est inscrite dans son histoire conjugale. 1982 : à 27 ans, un modeste
conseiller municipal de Neuilly épouse en premières noces Marie-Dominique Culioli. Qui prend-il comme témoins ? Son premier mentor et son premier bras
droit : Charles Pasqua et Brice Hortefeux. Le futur président de la République sacrifie déjà tout à sa passion dévorante, la politique. Même son activité
professionnelle - avocat, il commence par tâter du pénal - en pâtit. 1996 : à 41 ans, un ancien ministre du Budget devenu un avocat d'affaires en vue épouse
en secondes noces Cécilia Ciganer-Albeniz. Qui choisit-il comme témoins ? Martin Bouygues et Bernard Arnault. Le premier est depuis longtemps son ami.
Mais, comme aux cartes, c'est la paire qui fait sens : Nicolas Sarkozy a choisi pour l'entourer ce jour-là deux grands patrons. Son premier mariage était
100 % politique ; le second, 100 % CAC 40.
L'escapade maltaise du nouveau président, sponsorisée par un autre grand entrepreneur français, Vincent Bolloré, est venue confirmer que « le candidat
du peuple » , comme il s'est présenté à la fin de sa campagne électorale, ne dédaignait pas l'aristocratie financière. A côté de la politique, qui reste
la passion de sa vie, Nicolas Sarkozy s'est découvert chemin faisant une seconde maîtresse. L'argent ? Oui, mais pas directement. Ce qui fascine avant
tout le nouveau président, c'est la réussite. Il l'a proclamé dès son annonce de candidature : « Je veux réconcilier les Français avec la réussite . »
La réussite sous toutes ses formes, dans tous les domaines. « Il est tout autant épaté par Richard Virenque que par Bernard Arnault », assure un député
UMP. De là le goût irrépressible de Sarkozy pour les people : sportifs, chanteurs, comédiens, grands patrons, qui- conque réussit a vocation à devenir
son ami. Etre pendant de nombreuses années maire de Neuilly lui a permis de rencontrer nombre de stars. Mais ce culte de la réussite vient de plus loin
: jeune, le futur président étudiait seul dans sa chambre les biographies des célébrités pour comprendre les secrets de leur succès.
 
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Son sport favori est donc le vélo. « Le plus beau chant du monde , aime-t-il à dire , c'est le frottement des boyaux contre l'asphalte . » Mais il n'a
jamais partagé le tropisme hexagonal pour Poulidor, l'éternel second qui n'a jamais porté le maillot jaune du Tour de France. Anglo-saxon si ce n'est dans
les gènes du moins dans l'âme, il lui a tout de suite préféré Anquetil. Au cours de cette campagne, « le candidat du peuple » a exprimé une compassion
nouvelle pour « les accidentés de la vie » . En réalité, il n'aime que les winners . Totalement. Sans réserve : « Je ne suis jamais arrivé à lui faire
dire du mal de Lance Armstrong, poursuit le même député UMP . Malgré les rumeurs répétées de dopage, il continue de le défendre . Pour lui, un mec qui
a gagné sept fois le Tour de France, c'est total respect . » Si Sarkozy a rapidement cessé d'être avocat pénaliste, c'est parce que les héros des faits
divers qu'il visitait en prison lui sont apparus des loosers . Aucun intérêt, d'autant que le pénal n'est guère lucratif !
Cette glorification de la réussite n'est pas sans lien avec une jeunesse déclassée. « Humiliée » même, à l'en croire. Ses frères, Guillaume et François,
n'ont pas les mêmes souvenirs. Sa mère, Andrée, non plus. Qu'importe ! Le père, Pal, un Hongrois fantasque qui a délaissé sa petite famille, oublie souvent
de payer la pension alimentaire. Alors même qu'il fait fortune dans la publicité. Le jeune Nicolas enrage de voir sa mère, secrétaire, travailler dur le
soir pour devenir avocate. Ce n'est pas la misère, mais pas davantage l'opulence. Le problème vient de ce que les Sarkozy déménagent à Neuilly, dans le
« quartier pauvre » , précise un vieil ami, et qu'ils sont confrontés à beaucoup plus riches qu'eux.
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Guillaume et François n'en n'ont cure. Mais Nicolas n'ose pas inviter ses camarades chez lui. Un souvenir le hante : le saumon fumé sous cellophane acheté
au Prisunic sur lequel il tombait quand il ouvrait le réfrigérateur familial. Chez ses amis, le saumon fumé venait des meilleurs traiteurs de la ville.
Classe contre classe, saumon fumé contre saumon fumé. Selon « le Point », Nicolas Sarkozy a dîné en compagnie de ses proches chez Kaspia après son débat
télévisé avec Ségolène Royal, le 2 mai. Nul doute qu'il a
trouvé là le saumon de ses rêves, et même davantage : la spécialité maison est le caviar...
A 20 ans, à Neuilly, Sarkozy en rajoute dans le côté peuple avec ses copains fils à papa : « Nous, on était plutôt branchés Stones et décadents , se souvient
l'un d'entre eux . Lui, il arrivait avec son coffret de disques de Serge Lama. » Déjà ce goût pour la provoc : « Il n'avait pas envie de singer la grande
bourgeoisie . » Il se démarque, manière de montrer qu'il n'aime pas les héritiers : « Pour lui, un fils de famille est alors un quasi-dégénéré . »
A 30 ans, déjà maire de Neuilly, Sarkozy ressemble encore à l'adolescent qu'il a été, évoquant volontiers ses problèmes d'argent. Il précise ainsi un jour
acheter ses chemises par lots grâce à une combine : « Je n'ai pas les moyens d'aller dans les boutiques de Neuilly. » Bientôt, Cécilia apparaît dans le
paysage. Il s'installe avec elle. Il avoue alors avoir besoin de gagner « 100 000 francs par mois », somme rondelette à l'époque. 100 000 francs pour tenir
son rang avec Cécilia, 100 000 francs pour payer une pension alimentaire à sa première femme, qui élève leurs deux fils. En ce début des années 1990, il
se multiplie auprès de ses deux grands hommes de l'heure, Jacques Chirac et Edouard Balladur, tout en n'oubliant pas sa carrière d'avocat : il ne fait
plus que du commercial.
C'est à 40 ans, à Bercy, alors qu'il est ministre du Budget, qu'il entre vraiment de plain-pied dans le monde de l'argent. Nicolas et Cécilia commencent
à passer leurs week-ends à Deauville, à l'hôtel Normandy, et leurs vacances à La Baule, à l'hôtel Hermitage. Deux fleurons du groupe Barrière, devenu depuis
propriétaire du Fouquet's, où Sarkozy a invité ses amis à fêter sa victoire le soir du second tour. Cette confidence d'Andrée Sarkozy, la mère, au milieu
des années 1990 : « Avant Cécilia , Nicolas ne fréquentait pas tous ces palaces... »
La faute à Cécilia ? Dans la galaxie UMP, beaucoup mettent la séquence nouveau riche du président fraîchement élu au débit de sa femme. « C'est signé Cécilia
. Elle a choisi le Fouquet's et les invités du Fouquet's , une pléïade de patrons, s'irrite un ministre sortant : depuis toujours, l'un de ses rôles auprès
de son mari est d'organiser les fêtes . Quant à l'aller-retour à Malte, elle a dû concocter ça avec Bolloré : elle a toujours tiré Nicolas du côté du fric.
» Le luxe du déplacement a d'autant plus choqué que Sarkozy avait annoncé son intention d'effectuer une « retraite » pour « habiter la fonction » de président.
D'aucuns en avaient conclu qu'il allait passer quelques jours seul dans un monastère... L'entourage de Sarkozy dément cette interprétation. « Il a toujours
prévu de passer quelques jours en famille . » Un député UMP a une autre version : « Depuis un an, Nicolas court après deux objectifs. Etre élu président
: c'est fait. Reconquérir complètement Cécilia : c'est apparemment plus dur. Elle a souvent été absente pendant la campagne. Au départ , Nicolas devait
s'isoler . Au dernier moment, Cécilia s'est résolue à l'accompagner . Et la prétendue retraite est devenue ce que l'on sait... »
Que le voyage à Malte ait été planifié ou improvisé, il est injuste d'accuser la seule Cécilia de la dérive jet-set de son mari. Car celui-ci n'a jamais
eu la réussite honteuse. Pour Sarkozy, l'argent doit très normalement récompenser la réussite. En particulier la sienne. Au fil des années, il s'est souvent
plaint devant les journalistes qu'un ministre important gagne beaucoup moins d'argent qu'un grand patron. Il est d'autant plus sensible à cette différence
de rémunération qu'à plusieurs reprises il a failli céder à la tentation du privé. Une première fois en 1995, après la défaite d'Edouard Balladur, qu'il
avait soutenu : son ami Martin Bouygues lui offre alors d'intégrer son groupe. Une deuxième fois en 1999, après son propre échec aux européennes. A chaque
fois, Cécilia le pousse à sauter le pas ; à chaque fois, son obsession présidentielle est la plus forte. Mais, en choisissant de rester en politique, il
n'a jamais prétendu faire voeu de pauvreté. Lui n'a jamais été l'apôtre d'un Etat modeste.
Depuis 2002, au ministère de l'Intérieur comme au ministère des Finances, son train de vie a été quasiment présidentiel. A son arrivée à Bercy, l' « affaire
des écrans plasma » défraie la chronique : Cécilia dote chaque pièce de l'appartement de fonction de télés dernier cri. Quelle que soit la distance, Nicolas
Sarkozy s'est toujours déplacé depuis 2002 en avion affrété par le gouvernement. Même pour aller à Lille ou à Rouen. Il ne supporte pas d'atten- dre ne
serait-ce qu'une minute. Il ne se conforme pas aux horaires. Il les fixe. Ce qui est en soi un luxe. Même débauche de moyens en matière de sécurité. Il
aime être entouré d'une noria de gardes du corps. Officiellement, comme ministre de l'Intérieur, il s'est conformé aux desiderata de ses services. Mais
Dominique de Villepin, lors de son passage Place-Bauveau, a considérablement allégé le dispositif...
Désormais, l'argent n'est plus un problème pour Nicolas Sarkozy : il s'habille chez Christian Dior. Après le gouvernement Balladur, il est devenu l'avocat
d'affaires des plus grands chefs d'entreprise : celui de ses deux témoins de mariage, Martin Bouygues et Bernard Arnault, notamment. En 1997, il a acheté
dans des conditions controversées un appartement dans l'île de la Jatte, à Neuilly, dont la revente récente lui permet d'afficher un patrimoine coquet
: plus de 2 millions d'euros. Le yacht de Bolloré n'est pas le premier où il séjourne. L'été 2005, il a passé quelques jours sur le bateau de Martin Bouygues,
au large de la Sardaigne. Sarkozy se sent si bien avec ses potes patrons qu'il arrive à conjuguer les contraires : cultiver
à la fois l'amitié de Martin Bouygues et celle de Vincent Bolloré, alors que les deux hommes se détestent. En 1997, le second a lancé un raid inamical
contre le groupe Bouygues pour tenter de récupérer ses activités de téléphonie mobile.
Le premier, François Bayrou a dénoncé, pendant la campagne présidentielle, la « promiscuité » entre Nicplas Sarkozy et les patrons. Ce que le candidat
UMP a aussitôt mis au compte de son « amertume » . Après l'épisode maltais, le leader centriste a une nouvelle fois fustigé sur RTL cette « proximité extraordinaire,
étalée , affichée , avec les puissances d'argent , et notamment les puissances d'argent qui tiennent les médias ». Le nouveau président ne risque-t-il
pas d'être le prisonnier de ses amis milliardaires ? L'accusation choque les proches de Sarkozy.
« En ne se cachant pas, il se prémunit contre le risque, souligne l'un d'entre eux . Prenez Bolloré : en invitant Nicolas sur son yacht, il s'est privé
de tout éventuel coup de pouce de l'Etat dans les cinq ans qui viennent. S'il y avait le moindre soupçon , vous imaginez les manchettes des journaux...
»
Il est pourtant arrivé à Sarkozy de rembourser des libéralités... Au début des années 1990, avant les lois sur le financement des partis, il empruntait,
comme nombre d'hommes politiques de l'époque, des avions appartenant à des entreprises pour ses déplacements militants. En clair, il voyageait sur Air-Bouygues.
Or il est arrivé au jeune secrétaire national du RPR qu'il était alors d'aller au 20-heures de TF 1 pour dénoncer les mauvais coups contre les télés privées
qu'étaient supposés préparer les gouvernements socialistes. Plus récemment, c'est un ami patron qui n'a pas mégoté sur les remerciements. Lors de son dernier
passage à Bercy, Sarkozy s'est transformé en avocat d'affaires pour régler la succession de Jean-Luc Lagardère. Depuis, son fils, Arnaud, parle de « Nicolas
» comme de son « frère » . Or le groupe Hachette qu'il dirige a été de loin le groupe le plus partial, le plus favorable au candidat UMP pendant la campagne,
notamment à travers « Paris Match » et « le JDD », qui dimanche dernier a été jusqu'à censurer un article assurant que Cécilia n'avait pas voté le 6 mai.
 
Avec le temps, Sarkozy est devenu au moins aussi sensible à l'argent qu'à la réussite. D'où sans doute sa mansuétude envers la délinquance en col blanc.
Autant il prône une répression sans faille envers les auteurs de crimes contre les personnes, autant il banalise les délits financiers. Il s'affiche ainsi
sans complexe aux côtés de Patrick Balkany, longtemps en délicatesse avec la justice, ou d'Alain Carignon, condamné pour corruption. Une attitude qui évoque
celle de François Mitterrand, qui ne lâchait pas ses amis dans la tourmente. Mais une attitude qui prend un tour étrange devant sa condamnation sans appel
du fraudeur à l'origine des incidents de la gare du Nord pendant la campagne électorale. Très véhément, il n'hésita pas alors à accuser la gauche de «
faillite morale » pour avoir concentré ses tirs sur le comportement des forces de l'ordre. Bel exemple de deux poids, deux mesures : le nouveau président
est beaucoup, beaucoup plus sévère avec la fraude quand elle est le fait d'immigrés en situation plus ou moins régulière que lorsqu'elle est le fait de
citoyens plus fortunés.
Peut-être parce qu'il était soupçonné d'être en voie de « sarkozysation », Alain Finkielkraut a été le plus définitif dans la condamnation du voyage à
Malte. « Pendant trois jours, il nous a fait honte, a écrit le philosophe dans " le Monde" . On ne peut pas se réclamer du général de Gaulle et se comporter
comme Silvio Berlusconi. » Il est vrai que Sarkozy n'a pas le même rapport à l'argent que le fondateur de la V e République : celuici remboursait l'Elysée,
sur une base forfaitaire, quand il invitait à déjeuner le dimanche les membres de sa famille. Il est non moins vrai que le comportement de Sarkozy évoque
celui des chefs d'Etat et de gouvernement étrangers ( voir encadré ) . Mais tranche-t-il véritablement avec celui de ses prédécesseurs à l'Elysée ?
Avant d'être élu président, Jacques Chirac confiait : « Là où de Gaulle dépensait 10 francs, Giscard en dépendait 100, et Mitterrand 1 000. » Au vu de
l'augmentation du budget de l'Elysée depuis 1995, il n'a pas mis un terme à cette inflation. Chirac a fait pire : en acceptant de s'installer au terme
de son mandat, fût-ce à titre provisoire, dans un appartement de la famille Hariri, il jette le soupçon sur toute sa politique libanaise ( voir encadré
) . La vraie « rupture », c'est que Nicolas Sarkozy est sans complexe. Avoir de l'argent, afficher sa complicité avec les puissances d'argent ne lui pose
aucun problème. Il se comporte en parvenu ? Mais il est si heureux d'être parvenu à l'Elysée ! Vu les sondages, il n'est pas sûr que les Français lui tiennent
rigueur de ses frasques. Avis aux âmes sensibles : le nouveau président n'est pas près de s'excuser d'avoir gagné.
 
 Hervé Algalarrondo
Le Nouvel Observateur

Sur les traces des néo conservateurs?

Samedi 19 mai 2007
 
Filiation
 

Sur les traces des néoconservateurs ?
Réhabilitation de la réussite matérielle, déculpabilisation de l'argent : le nouveau président est l'héritier de la révolution conservatrice inaugurée
par Reagan et poursuivie par Bush
 

Dénoncé par François Bayrou pour ses « connivences avec les puissances d'argent » , épinglé par la gauche pour sa fascination des milieux d'affaires, Sarkozy
est-il le dernier rejeton de la révolution conservatrice ? Un « néoconservateur » déguisé ? La question peut sembler saugrenue : le nouveau président se
définit comme un pragmatique, un « can do », à mille lieues de toute idéologie. Mais ce vieux routier de la politique sait aussi, comme l'a théorisé Antonio
Gramsci, que pour s'imposer à une société il faut d'abord instaurer une hégémonie culturelle. Va donc pour l'affirmation de valeurs qui permettront ensuite
d'imposer ses thèmes. Avec, comme pilier, la glorification sans complexe de l'argent considéré sinon comme la mesure de toute chose du moins comme le critère
auquel se mesure la réussite ou l'échec.
Adversaire du « consensus mou » incarné par Chirac, convaincu de la nécessité de changer la pratique politique d'une droite étouffée par l'esprit de révérence
et terrifiée d'être labellisée « libérale », Nicolas Sarkozy s'est inscrit d'emblée en décalage avec la propension radicale-socialiste de l'ancien président.
Il veut en finir avec les demimesures, refonder la société en redonnant toute leur place aux valeurs traditionnelles telles que le travail, l'autorité,
le mérite, la famille. Il s'affirme, dixit l'historien Henry Rousso, « prêt au combat et à changer les choses pour conserver un ordre ancien » . En écho
au fameux « il faut que tout change pour que rien ne change » du prince de Lampedusa dans « le Guépard ».
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Cette volonté « révolutionnaire » qui vise à occuper un terrain délaissé par la gauche est très exactement celle du président Reagan lors de son arrivée
au pouvoir aux Etats-Unis. Reagan veut en finir avec la contreculture des années 1960 et liquider ces « libéraux » démocrates pour qui l'égalité est au-dessus
de la liberté et qui s'obstinent à compter sur l'Etat pour résoudre toutes les difficultés alors que c'est précisément son intervention qui fait problème.
Sarko a-t-il lu « le Rêve et le Cauchemar », procès de Mai-68 où l'essayiste Myron Magnet montrait comment les comportements de l'intelligentsia - nos
« élites » ! - avaient détruit les normes sociales et morales des Américains ? L'ancien ministre de l'Intérieur a la réputation de préférer le vélo à la
lecture. Mais sa conseillère - Emmanuelle Mignon - lui a probablement glissé les conclusions de l'Américain : sexualité libre, divorce banalisé, usage
des drogues - simples « distractions » des bourgeois - ont détruit la famille et l'éthique des plus pauvres.
Cette filiation reagano-bushienne est un filon sans fin. La politique de l'offre, prônée par le nouveau président ? Un remake de « Richesse et pauvreté
», de George Gilder, la bible des partisans des baisses d'impôt et de la déréglementation ( on parle aujourd'hui de « flexibilisation ») dans laquelle
Reagan a puisé son inspiration. Tout comme le bestseller « Losing Ground » : l'essai de Charles Murray, après avoir nourri les assauts du père et du fils
Bush contre les « excès » de l'Etatprovidence, inspire l'autre idée-force du programme Sarko : la conviction que l'aide publique aux pauvres, loin de les
sortir d'affaire, les enferme dans une dépendance permanente. Ajoutez la thèse de la « vitre brisée » développée par le sociologue James Wilson - selon
laquelle aucun délit, fût-il aussi modeste qu'un carreau cassé, ne doit être toléré - et la dénonciation par Abigail Thernstrom de l'idéologie du « politiquement
correct » - qui, comme notre Education nationale, « rend les élèves incultes » -, et vous trouvez dans la révolution conservatrice tout l'arsenal conceptuel
- y compris le conservatisme compassionnel - du nouveau président.
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De là on revient sans peine à la glorification de l'argent, que « les Français adorent mais qu'ils détestent chez les autres » . Cette désinhibition fonde
le futur dispositif fiscal du nouveau chef de l'Etat - bouclier fiscal destiné à freiner l'exode des plus riches, exonération de 95 % des Français des
droits de succession - qui prétend limiter les prélèvements d'un Etat bureaucratique, impécunieux et surtout inefficace dans son emploi. Bref, la copie
conforme des dispositions des gouvernements Reagan et Bush. Seulement voilà : Sarko l'Américain oublie que Bush, contré dans son propre camp par des milliardaires
comme Bill Gates ou Warren Buffett qui ne doivent leur fortune qu'à eux-mêmes, a finalement échoué dans son entreprise d'abolition de l'impôt surl'héritage.
Outre-Atlantique, la fortune est résolument décomplexée. Mais l'ode à l'argent va de pair avec la méfiance vis-à-vis des rentiers qui en héritent... Sans
jamais en avoir pris les risques.
 
 Jean-Gabriel Fredet
Le Nouvel Observateur

Benoît Hamon ou quand les trentennaires flinguent la droite!

Vendredi 18 mai 2007
 
Point presse du 16 mai : Benoît Hamon
 
Benoît Hamon a animé, ce 16 mai, le point presse du parti socialiste. Le député européen est revenu sur les priorités du PS pour cette campagne légilsative,
ainsi que sur la passation de pouvoir entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.
 
L'investiture de Nicolas SARKOZY à l'Élysée
 
Son discours d'investiture a largement éclipsé le festival de Cannes. Il a exprimé 12 exigences qui doivent structurer son mandat et sa fonction, bien qu'aucune
ne se détache vraiment à nos yeux.
 
D'abord l'exigence du changement, mal partie avec un gouvernement qui sera constitué autour de FILLON, JUPPÉ et Michèle ALLIOT-MARIE. On ne voit pas quel
changement véritable pourrait intervenir par rapport à la politique de droite menée jusqu'ici et par rapport à la politique de casse sociale qui a été
menée jusqu'à présent. On a l'impression que Nicolas SARKOZY arrive à la présidence sur un champ de ruines, tant il insiste sur une exigence de résultats,
comme si hier en tant que ministre de l'Intérieur il n'avait obtenu aucun résultat.
 
Exigence de justice qui prend une saveur particulière quand on sait que le gouvernement a menti sur les golden parachutes accordés à Noël FORGEARF et aux
dirigeants d'EADS, puisque la partie allemande est venue confirmer que c'était bien à la demande expresse du gouvernement français qu'avait été accordé
un golden parachute à Noël FORGEARD. Sur ce point placer son mandat, sous le signe des sacrifices équitablement répartis, là encore on est mal parti.
 
Enfin si on observe les premiers pas de sa présidence et la façon dont il l'a mise en scène, affichant ostensiblement son goût de l'argent, ses amitiés
tapageuses et un entourage qui appartient à la France du fric, on voit mal comment il pourrait mettre sa présidence sous le seau des sacrifices équitablement
répartis.
 
Quant à l'exigence morale, tout le monde se marre franchement, quand on sait que l'ami que Nicolas SARKOZY a appelé en premier ce matin -et avec toute l'émotion
qui était la sienne- était Patrick BALKANY. On sait aussi qu'il soutient M CARIGNON pour la mairie de Grenoble et que l'agent débaucheur numéro 1 n'est
autre que Bernard TAPIE, avec une brochette de cadores pareils, on est en droit de se poser la question sur l'exigence morale, surtout de la part de l'ancien
président du Conseil général des Hauts-de-Seine, installé à ce poste par Charles PASQUA.
 
Voilà , ces exigences sonnent faux, pour nous tous, et pour tous les Français tant elles sont en décalage avec ce qui est le projet véritable de Nicolas
SARKOZY, habilement mené mais très ancré à droite. Ceux à qui Nicolas SARKOZY doit son mandat étaient là à Élysée pour le féliciter. Il s'agit d'abord
des plus puissants de ce pays et nous craignons que le réveil ne soit brutal.
 
Les intentions prêtées à Jean-Michel BAYLET
 
Il a été reçu pendant une heure et demie par le Premier secrétaire, François HOLLANDE. La discussion a permis de clarifier la situation qui paraissait confuse.
Nous souhaitons en effet la clarté de la part du PRG. Elle est apparue plus franche après la publication du communiqué de députés du PRG qui ont pris leur
distance avec l'initiative de Jean-Michel BAYLET et qui ont réaffirmé leur attachement à un engagement au sein de la gauche et à une stratégie privilégiant
l'union de la gauche, plutôt que des stratégies de 3ème force.
 
Nous Souhaitons que les intentions du PRG soient plus claires encore et plus lisibles, à la fois pour les partenaires de gauche que nous sommes et pour
ceux qui travaillent avec eux dans le cadre des législatives, mais aussi pour l'ensemble de la gauche. Ce parti a une histoire enracinée dans des valeurs
de gauche qu'il faut aujourd'hui rappeler, au moment où Nicolas SARKOZY se livre à un débauchage de personnalités pour constituer un gouvernement dont
les fondements sont opposés au radicalisme. Jean-Michel BAYLET a réaffirmé sa volonté de peser dans ces élections législatives au sein d'un groupe parlementaire
qui devra combattre la politique du gouvernement de Nicolas Sarkozy.

Fillon:un Sarko soft et bien élevé?

Vendredi 18 mai 2007
 
« Alors, t'es avec moi ? »
 

Fillon : un Sarko soft
Difficile d'imaginer deux hommes aussi différents. Autant le président est impulsif, brutal et franc du collier, autant le Premier ministre est calme,
courtois, dissimulé. C'est leur opposition commune à Chirac qui les a rapprochés
 

Tout un symbole : à peine élu, Nicolas Sarkozy s'est attribué le pavillon de la Lanterne, en lisière du parc du château de Versailles, résidence officielle
des Premiers ministres depuis le début de la V e République. Le locataire de Matignon pourra, lui, séjourner à l'occasion au château de Souzyla-Briche,
dans l'Essonne, plus éloigné, moins pratique. François Fillon a, paraît-il, finalement préféré prendre la chose avec humour et son flegme habituel. Avait-il
les moyens de faire autrement ?
Le nouveau président aurait-il voulu souligner le rôle - amoindri - qu'occupe désormais à ses yeux le Premier ministre qu'il ne s'y serait pas pris autrement.
Précaution inutile. Le sens des convenances et de la bienséance qui caractérise François Fillon lui interdisait certes de prévoir ce coup-là. Mais il s'est
fait depuis longtemps une raison : Sarkozy ne lui a rien caché de ses intentions. Il sera, comme Pompidou, un président qui gouverne et qui a besoin d'un
solide second. Pas davantage.
Depuis maintenant presque deux ans qu'il travaille au quotidien avec Sarkozy, Fillon a appris à le connaître... et à l'apprécier. C'est sans doute la vraie
nouveauté de leurs rapports. Car longtemps le très bien élevé François Fillon a été heurté par la brutalité et les manières de hussard de Nicolas Sarkozy.
Et puis, un jour, parce qu'ils étaient tous deux contre Chirac, il a trouvé ça drôle.
« Le problème de Nicolas, c'est qu'il veut baiser tout de suite. Il n'y a pas de préliminaires » , lâchait-il, amusé, un jour de 2005 alors que le président
de l'UMP le pressait - « Alors, t'es avec moi ? » - de le rejoindre.
 
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Plus que l'insistance de Sarkozy, c'est la logique politique qui a eu raison des pudeurs de jeune fille de Fillon et a finalement amené les deux hommes
à travailler ensemble. Fillon Premier ministre de Sarkozy ! Qui l'eût cru ? Leur attelage fut longtemps improbable. Difficile d'imaginer deux tempéraments
plus différents que ces deux-là. Le premier est calme, sobre, courtois, dissimulé. Le second est impatient, show off, provoc et franc du collier.
Mais ces gros bosseurs sont tous deux, chacun dans son style, des « pros ». Ils ont mené une carrière parallèle entamée dans le milieu des années 1970
et n'ont pas traîné en chemin. Avec une petite avance pour Fillon, d'un an son aîné, qui devient député en 1981, à 27 ans, alors que Sarkozy devra attendre
1988. Mais ils ont conquis leur mairie - Sablé-sur-Sarthe et Neuilly - la même année, 1983, celle de la reconquête des cadets de la droite, à l'aube du
règne de François Mitterrand.
Durant toutes ces années, ils se sont croisés, agacés, méprisés, détestés parfois. Fillon, attaché à la bienséance et au respect des règles élémentaires
de la courtoisie républicaine, ne supporte pas la grossièreté dont sait faire preuve Sarkozy. « Ce type est fou ! Il ne sera jamais Premier ministre »
, confie-t-il exaspéré à l'automne 2002, à la sortie d'une réunion des cadres du RPR, alors que Sarkozy, du haut de sa toute-puissance de nouveau ministre
de l'Intérieur, vient d'humilier publiquement Alain Juppé. De fait, Sarkozy est allé directement à l'Elysée sans passer par la case Matignon...
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François Fillon est un homme normal. C'est sa qualité et son défaut. Attaché à sa vie de famille, surtout depuis la naissance de son petit dernier, le
cinquième, il est capable de s'échapper un après-midi pour des courses avec son fils ou d'avancer l'heure de son retour dans la Sarthe pour s'atteler à
la restauration de son manoir XVIII e de Solesmes. Et qu'importe s'il rate une occasion de se faire mousser dans les médias. Il ne court pas après les
sunlights. Comme tous les fils de bonne famille, le futur Premier ministre de Sarkozy a une sainte horreur de la politique people et de la vulgarité que
charrient parfois certaines émissions de télévision. Il n'a jamais sacrifié à cette mode, profondément convaincu qu'elle contribue au « discrédit de la
politique » et de ses représentants et qu'on peut s'imposer sans se prostituer.
Ce goût de la discrétion s'est longtemps doublé d'une prudence étudiée. Fillon manque souvent d'audace, ce petit rien qui fait la différence en politique
entre les numéros un et les numéros deux. Il a longtemps fait carrière à l'ombre d'un autre, derrière Joël Le Theule, ancien ministre du général de Gaulle,
son premier père en politique ; derrière Séguin, celui qui, dit-il, l'a « formaté intellectuellement » ; derrière Juppé.
On l'a souvent jugé, comme Chirac, ondoyant, peu fiable, plus prompt à se protéger qu'à endosser les risques. En 2002, il souhaite ainsi le ministère de
la Défense, plus confortable. Chirac l'expédie aux Affaires sociales. Pour le tester. L'épreuve de la réforme des retraites est jugée convaincante au point
qu'on parle de lui comme Premier ministre possible, le jour venu. Mais sa formule au soir de la défaite des régionales de 2004 - « c'est un 21 avril à
l'envers » - lui ferme définitivement les portes du premier cercle chiraquien. Le président en revient à sa première impression : « Un faible qui n'a pas
de nerfs. » Dans le second gouvernement Raffarin, Fillon espère le Quai-d'Orsay. Chirac lui confie délibérément l'Education dont il sera viré sans ménagement
à l'arrivée de Villepin.
Ce faux mou sait pourtant plonger quand il le faut. Après la démission de Séguin en 1999, il est à la croisée des chemins. Seul. Sarkozy, qui veut tenter
sa chance pour la présidence du RPR, a besoin d'un allié : « Alors, tu marches avec moi ? » Fillon esquive, temporise, ne dit ni oui ni non. Il veut réfléchir.
Il n'entend pas être - pas encore - le vassal du maire de Neuilly. Il veut, enfin, se mettre à son compte. Pour Sarkozy, l'affaire est entendue : qui ne
dit mot consent. C'est la double méprise. Lorsqu'il apprend la candidature de Fillon, Sarkozy éructe contre cet « indécrottable faux-cul »...
Il n'y a pas qu'une différence de style entre les deux hommes, mais de culture. Nourri au lait gaulliste, spécialiste de la défense, fin connaisseur des
institutions de la V e, Fillon batailla contre Maastricht, tandis que Sarkozy a toujours été un européen convaincu. Féru d'histoire comme son mentor Séguin,
l'ancien ministre des Affaires sociales a souvent eu des doutes sur la pertinence des choix politiques du nouveau président. « Le problème de Nicolas,
c'est qu'il n'intègre pas l'histoire de la France, ses strates superposées , ses familles de pensée , ses luttes souvent violentes » , observe-t-il un
jour alors que Sarkozy vient de proposer de réformer la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat. Manière contournée de reprendre à son compte
la formule de Raymond Aron à propos de Giscard : « Cet homme ne sait pas que l'histoire est tragique. »
On aurait pourtant tort de croire qu'entre le nouveau président et son Premier ministre c'est l'alliance de la carpe et du lapin. Fillon a longtemps masqué
sous son étiquette de gaulliste social de vraies convictions libérales. Il avait, voici plus de dix ans, convaincu Séguin, suffoqué, de la nécessité de
la réforme de France Télécom. Et puis, surtout, les deux hommes partagent la même volonté de revanche sur Chirac.
Comme Sarkozy, mais pour des raisons différentes, la carrière de Fillon s'est faite - jusqu'en 2002 en tout cas - sans ou malgré l'ancien président de
la République. Fillon a cru, un court moment, que Chirac avait raison sur le rythme des réformes à engager après sa réélection. Mais très vite il estime
s'être trompé et rejoint l'analyse de Sarkozy, partisan d'une guerre éclair. C'est le début de leur rapprochement et de leur association pour la bataille
de 2007. Fillon qui a rallié Sarkozy voici deux ans sous les lazzis - « il s'est vendu trop tôt » - juge au contraire qu'il a eu le nez creux.
Conscient de sa valeur intellectuelle au point d'avoir parfois fait preuve de vanité (« On ne retiendra que mes réformes »), il a mis sa puissance de travail,
son esprit de synthèse au service du projet Sarkozy. Non sans lui faire part, en tête à tête, de ses désaccords si besoin. Vassal mais pas béni-oui-oui.
 

 Carole Barjon
Le Nouvel Observateur

Et maintenant!

Vendredi 18 mai 2007
 
La chronique de Jacques Julliard
 

Réinventer la gauche
Pour le PS tel que François Mitterrand l'avait restructuré en 1971 au congrès d'Epinay, c'est aujourd'hui le bout de la route. Le défi qui se présente
désormais à la gauche française est le suivant : accepter l'économie de marché pour l'orienter dans le sens de la justice sociale
 

Ala fin de sa campagne, Nicolas Sarkozy a proclamé sa volonté d'en finir avec Mai-68. Les « événements », comme on disait alors, ont été pour la gauche
une grande victoire intellectuelle et sociale mais, conjointement, une grande défaite politique. « L'esprit de Mai » gagna les esprits et la société, tandis
que les législatives de juin 1968, suivies, en 1969, de l'élection de Georges Pompidou à la présidence, donnèrent pour treize ans à la droite la totalité
du pouvoir politique.
 
LA STRATÉGIE D'EPINAY
 
C'est pour conjurer ce sort contraire que François Mitterrand, au congrès d'Epinay ( 1971 ), lança la grande offensive stratégique qui allait le conduire
à l'Elysée dix ans plus tard ( 1981 ). Cette stratégie d' « union de la gauche », matérialisée par un programme commun avec le Parti communiste, réunissait
deux formations d'importance comparable dont l'objectif proclamé était de travailler ensemble, tandis que l'objectif caché était de s'entre-détruire, comme
la suite le montrera. En attendant : à gauche toute ! On allait nationaliser les banques et une partie des grands groupes industriels.
Mais cette union de la gauche ne pouvait produire tous ses effets que grâce à la désunion de la droite. Déjà divisée entre gaullistes, giscardiens et centristes,
elle vit surgir sur son flanc droit, aux européennes de 1984, un Front national à plus de 10 % ; puis, grâce à la proportionnelle introduite par François
Mitterrand, 35 députés lepénistes entrèrent au Parlement en 1986 ; et en 1988, Jean-Marie Le Pen obtint 14, 37 % des voix à la présidentielle. Dans tous
les scrutins, la droite modérée était handicapée ; c'était pour la gauche une formidable rente de situation qui permettait de compenser son affaiblissement
global, dû au recul continu du Parti communiste. A la mort de Mitterrand ( 1996 ), l'union de la gauche est elle-même moribonde et la formule de la « gauche
plurielle » n'est qu'un cache-misère élaboré en catastrophe par Lionel Jospin pour faire face aux responsabilités gouvernementales qui lui échoient ( 1997-2002
).
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LE CYCLE DE GRIBOUILLE
 
Surgit alors, au sein du cycle d'Epinay, une sorte de sous-cycle gauchiste marqué par trois événements majeurs : les grèves de novembre-décembre 1995,
la non-qualification de Jospin pour le second tour de la présidentielle de 2002, le non au référendum
de 2005. Ces trois événements se révèlent désastreux. Les grèves de 1995, engagées sur des objectifs sociaux catégoriels et conservateurs ( contre toute
réforme de la Sécurité sociale et des régimes spéciaux de retraite ), installent durablement le mouvement social dans l'immobilisme et dans l'impuissance.
Le naufrage de Jospin produit dans le PS et dans toute la gauche un traumatisme dont ils ne se sont jamais relevés. Le non au référendum, que l'extrême-gauche
interprète comme une poussée de radicalité révolutionnaire, n'est en réalité qu'une bouffée d'isolationnisme et de nationalisme. Dans tous les cas, l'extrême-gauche
a joué contre la gauche ; s'agissant d'elle, c'est de sous-cycle de Gribouille qu'il faudrait parler.
Une des pires conséquences de ce cycle, c'est l'hégémonie intellectuelle quasi absolue que l'extrême-gauche a exercée sur la gauche de gouvernement pendant
cette période. Qu'il s'agisse d'insécurité, de chômage, d'immigration, de fiscalité, de moeurs, voire d'écologie, la gauche ne s'appartient plus à elle-même
; l'alignement systématique sur le plus-disant est la règle. Le PS est à gauche et même à gauche du bon sens, comme disait Lénine. Il ne s'agit pas de
plaire à ses électeurs mais de complaire à Bové, Besancenot et consorts. Ceux-ci ont compris ce mécanisme mental de soumission et ne cessent de faire monter
les enchères. Il n'est pire social-démocratie qu'une social-démocratie qui a honte d'elle-même. Les dérives de Laurent Fabius et même, à un moment donné,
de Dominique Strauss-Kahn sont à cet égard exemplaires.
Début du flash Macromédia
Fin du flash Macromédia
Début du flash Macromédia
Fin du flash Macromédia
 
Cette politique sous influence a eu des effets désastreux. Derrière les rodomontades sur « la montée des luttes », on ne percevait pas que la gauche était
en train de se vider de sa substance, une partie des couches populaires émigrant sur la pointe des pieds vers Sarkozy, et les bobos vers la nébuleuse Bayrou.
Résultat : une gauche, toutes tendances confondues, réduite le 22 avril dernier à 36, 44 % des suffrages, guère plus du tiers du corps électoral. Il fallait
aux éléphants roses un sacré culot et une rare indécence pour venir, au soir du scrutin, accabler Ségolène Royal, elle qui, avec ses qualités et ses défauts,
avait sauvé la gauche de la déroute et lui avait redonné le goût de vivre.
Nous en sommes là : le cycle d'Epinay et le sous-cycle de Gribouille s'achèvent au même moment, en un même lieu. Plus d'union de la gauche parce qu'il
n'y a plus personne à qui s'unir ; plus de substitut gauchiste parce que les gauchistes se sont totalement déconsidérés par leur irréa- lisme, leurs divisions
et leurs magouilles bureaucratiques.
Alors, pratiquer l'ouverture au centre ? Attendons de voir si le centre existera. Rien n'est moins sûr. S'il parvient à échapper au rouleau compresseur
d'une loi électorale bipolarisante, ce sera sous la forme d'un petit parti, analogue aux libéraux allemands ou anglais. En ce cas, il n'y aurait aucun
inconvénient à faire avec lui des alliances électorales.
 
LA RECONSTRUCTION
D ' UNE IDENTITÉ
 
Mais l'essentiel n'est pas là. Il est dans la reconstitution d'une identité socialiste. Ecartons le leurre des programmes : depuis le temps que le PS en
bricole, nous savons bien qu'ils ont pour but non d'être appliqués mais de servir d'enjeu aux joutes internes entre les prétendants.
Ecartons aussi le mirage de la socialdémocratie, qui correspond à une phase aujourd'hui dépassée du développement des idées sociales. La social-démocratie,
telle qu'elle a existé dans l'Europe centrale et septentrionale, reposait sur deux piliers : l'Etat-providence et l'alliance étroite entre un Parti socialiste
dominant et un puissant mouvement syndical unifié. Trop tard ! L'Etat-providence est en crise, le mouvement syndical français est faible et divisé. Pour
longtemps encore, on peut le craindre.
Alors que faire ? Par quoi commencer ? Par le plus douloureux pour tout appareil bureaucratique, c'est-à-dire la reprise du contact avec le monde extérieur.
Les bureaucraties sont prêtes à n'importe quel effort, à n'importe quel sacrifice pour éviter de réfléchir à des frais nouveaux, à partir des leçons du
réel. Si le monde extérieur disparaissait, combien faudrait-il de temps au bureau du Parti socialiste pour s'en apercevoir ? Réponse : cinq ans, le temps
qui sépare deux élections générales. Programmes, alliances, ces deux mamelles de la socialbureaucratie, ont pour unique fonction d'éviter de réfléchir
à partir de l'expérience.
Pourquoi croyez-vous que nous avons ici soutenu résolument Ségolène Royal dans sa démarche présidentielle ? Parce que, la modernisation du Parti socialiste
étant une priorité, la méthode de la candidate - attaquer le parti de l'extérieur, avec l'aide des simples citoyens - était, à l'expérience, la seule capable
d'ébranler les colonnes du temple. S'appuyer sur l'opinion des gens était la seule manière de s'opposer au dogme. La « démocratie participative » était,
entre autres choses, un exercice de pédagogie élémentaire en direction des éléphants. Si le Parti socialiste avait davantage consulté sa base - par exemple,
à propos des 35 heures qui conduisaient à faire l'impasse sur la question des salaires -, il se serait gardé de vouloir faire le bonheur des citoyens contre
leur gré. S'il avait davantage écouté ses électeurs, il aurait compris que la sécurité n'est pas un fantasme de petites gens affolés par les diatribes
de Le Pen ou de Sarkozy mais un besoin élémentaire, qui n'est pas satisfait. Et ainsi de suite. Aujourd'hui, la majorité des ouvriers votent à droite et
à l'extrême-droite. La honte en retombe-t-elle sur eux ou sur le Parti socialiste ?
 
SOCIALISME DE MARCHÉ
 
Il n'est pas de dogme qui tienne contre l'évolution des sociétés et des mentalités. Aussi bien, la modernisation que nous appelons de nos voeux ne passe
pas par de grandes joutes doctrinales entre la réforme et la révolution, entre l'économie de marché et... Et quoi, au fait ? Rien ! Il n'y a pas aujourd'hui
d'alternative sérieuse au marché. Du grand combat entre le capitalisme et le socialisme, conclu en 1989 par l'effondrement de celui-ci, le seul vrai vainqueur
est le marché, c'est-à-dire la régulation de l'économie par la loi de l'offre et de la demande. C'est pour n'avoir jamais voulu entreprendre une critique
rigoureuse du stalinisme et de l'économie socialiste que la gauche est aujourd'hui dans une impasse. Elle flotte entre deux systèmes, l'un dont elle n'ose
plus se réclamer, l'autre qu'elle n'ose pas adopter.
Cette question est au coeur de l'actualité la plus brûlante. On a dit tant de fois que le Parti socialiste avait fait, était en train de faire ou sur le
point de faire l'actualisation doctrinale correspondant à sa clientèle et à ses pratiques gouvernementales, son Bad Godesberg, en somme, que le scepticisme
est grand sur sa capacité à profiter de l'échec pour se renouveler. Pourtant, la situation presse. La gauche ne bénéficiera pas avec Sarkozy de l'espèce
de neutralité axiologique de l'ère Chirac. Le PS a un problème de doctrine, un problème de leadership, un problème d'identité : est-il le parti du peuple
ou celui de la nouvelle bourgeoisie salariée ? Pour espérer gagner dans un système démocratique fondé sur la loi majoritaire, il doit être les deux. Il
doit, pour ce faire, être le parti du compromis social entre les couches populaires et cette nouvelle bourgeoisie. Un effort théorique est donc nécessaire.
 
Le socialisme de demain sera un socialisme de marché. Il devra donc se préoccuper de la production des richesses autant que de leur distribution. C'est
le mérite de Dominique Strauss-Kahn que de l'avoir souligné à maintes reprises. La répartition actuelle des rôles - à la droite la production, à la gauche
la redistribution - place nécessairement cette dernière dans un état de subordination permanente, qui va de la philosophie de l'assistance ( la gauche
modérée ) à une éthique de la révolte ( la gauche radicale ). Tout cela ne fait pas une politique.
La gauche française est porteuse de valeurs démocratiques de liberté et de solidarité. C'est pourquoi nous sommes viscéralement attachés à elle. Mais,
cent ans après le congrès du Globe ( 1905 ) qui vit l'unification du socialisme français, la gauche a besoin d'être refondée en profondeur à partir d'une
critique rigoureuse de la société actuelle et de son fonctionnement. Or je constate qu'au chapitre de l'économie elle n'a pratiquement rien à dire. Le
défi qui se présente à elle est donc le suivant : pour orienter l'économie de marché dans le sens de la justice sociale, il ne faut pas mégoter. Pour la
maîtriser, il faut d'abord l'accepter. Non, le marché n'est pas synonyme d'ultralibéralisme ( 1 ). Une économie sociale de marché, voilà, pour la gauche,
la seule voie d'avenir. Le cycle d'Epinay, qui jouait dans l'ambiguïté aux marges du socialisme et du capitalisme, est donc terminé. Il s'agit bel et bien,
pour la gauche d'aujourd'hui, de lui survivre.
( 1 ) Un mot bien mal choisi. Je me résous à l'employer pour être compris sans périphrases .
 
 Refondation de la gauche écrivez-nous
 
C'est le troisième échec successif de la gauche à l'élection présidentielle. Au-delà des conséquences politiques directes et des discussions d'états-majors,
il convient de réfléchir sur le fond pour reconstruire une gauche qui gagne. Qui ne cède rien sur sa vocation à garantir les solidarités. Mais qui affronte
aussi sans faux-fuyants la nouvelle donne de la mondialisation. « Le Nouvel Observateur », qui défend depuis toujours les options sociales-démocrates d'une
gauche moderne, est le lieu naturel du débat. Sans concession. Débat qui fasse appel aux idées mais aussi aux expériences professionnelles des uns et des
autres. A la lumière des solutions mises en oeuvre chez nos voisins européens. A vos plumes ! A vos claviers !
parole @ nouvelobs. com ou 10, place de la Bourse, 75002 Paris.
 
 Jacques Julliard

Discrimination au travail: l'OIT met les pieds dans le plat!

Jeudi 17 mai 2007
 
 L'OIT pointe du doigt
de nouvelles discriminations
 
Dans un rapport sur l'emploi publié jeudi, l'organisation internationale du travail constate de nouvelles formes de discrimination, plus subtiles, envers
les handicapés, les malades, ou les homosexuels.
 
 (c) Reuters
 
Les personnes handicapées, homosexuelles ou vivant avec le virus du SIDA subissent de nouvelles formes plus subtiles de discrimination en matière d'emploi,
souligne l'Organisation internationale du travail (OIT) dans un rapport publié jeudi 10 mai.
 
Malgré des progrès, le sexe, la couleur de la peau et la religion continuent à déterminer la manière dont les personnes sont traitées sur le marché du travail
et dans le lieu où elles exercent leur activité professionnelle, souligne l'OIT dans son rapport sur les conditions de travail dans le monde. Les femmes
sont particulièrement victimes de discriminations.
 
"Il est frappant de voir la discrimination présente partout dans le monde, indépendamment de la richesse ou de la pauvreté d'un pays ou de son système politique",
souligne Manuela Tomei, auteure du rapport de 127 pages. "La discrimination est quelque chose que la société ne peut plus tolérer."
 
 Les femmes, principales victimes de discrimination
 
 Alors que de plus en plus de femmes entrent sur le marché du travail dans le monde, elles restent partout moins payées que les hommes à emploi égal. Elles
continuent également à se heurter à un "plafond de verre" qui restreint leur accès aux plus hautes fonctions.
 
"De nombreux pays collectent des statistiques sur le salaire selon le sexe mais ne les publient pas", car ils estiment que ce n'est pas important, souligne
Manuela Tomei. "C'est très courant en Asie."
 
Citant des chiffres de 2004, le rapport note que les femmes gagnent au moins 30% de moins que les hommes dans les emplois manufacturés en Asie. Il existe
également un écart important en Europe, où elles gagnent dans ces mêmes emplois moins de 80% du salaire des hommes dans une dizaine de pays dont l'Allemagne,
l'Autriche, la Grande-Bretagne, l'Irlande et la Suisse.
 
Les employeurs dans le monde trouvent également des moyens subtils d'établir des discriminations sur la base de la couleur de la peau ou de l'origine ethnique,
selon Manuela Tomei.
 
 Homosexualité : illégale dans 80 pays
 
 "Le terme 'bonne présentation' peut simplement signifier un teint clair ou une grande taille, excluant de fait certains groupes raciaux", explique-t-elle.
"L'exigence de taille est une autre forme indirecte (de discrimination). Il n'est pas nécessaire d'avoir une certaine taille pour être réceptionniste ou
vendre des livres."
 
Les discriminations contre les homosexuels "n'ont été reconnues que récemment comme intolérables" par de nombreux pays, souligne Mme Tomei. Elle souligne
toutefois que l'homosexualité reste illégale dans près de 80 pays et passible de "châtiments corporels, voire de la peine de mort".
 
L'utilisation de tests de dépistage du SIDA est "extrêmement répandue" pour sélectionner des candidats à des emplois, malgré les lois interdisant de telles
pratiques, souligne Manuela Tomei. "De nombreuses personnes sont soumises à des tests sur le SIDA sans même le savoir", ajoute-t-elle.
 

Le dépistage génétique, une pratique inquiétante
 
Autre pratique de plus en plus inquiétante, le dépistage génétique, que les employeurs utilise parfois pour éliminer des candidats qui présenteraient des
prédispositions à des maladies génétiques, souligne le rapport. Les "modes de vie mauvais pour la santé" sont également un critère utilisé pour établir
une discrimination contre les fumeurs ou les personnes obèses.
 
Par ailleurs, le rapport note que des améliorations simples sur le lieu de travail, comme des claviers braille ou l'usage du langage des signes le plus
rudimentaire, pourraient améliorer les chances de nombreuses personnes atteintes de cécité ou de surdité d'accéder à l'emploi dans le monde. (AP)

vers une nouvelle gauche

Mercredi 16 mai 2007
 
Vers une nouvelle gauche ? le dEbat dans «LibEration»

Le complexe de Janus
Le discours schizophrénique du Parti socialiste lui fait perdre du sens et... l'élection.
Par Michel ONFRAY
Michel Onfray philosophe.
Le Parti socialiste souffre du complexe de Janus, le dieu romain aux deux visages, un mal contracté il y a un quart de siècle au contact de François Mitterrand,
qui fut, dans sa vie privée comme dans sa vie publique et politique, l'homme à double face : vichyste et résistant, décoré de la francisque et dévot du
tombeau de Jaurès, mari de Danièle et père de Mazarine, militant de la rupture avec le capitalisme et président entiché de Bernard Tapie, amateur des romans
de Chardonne le collaborationniste et promoteur des colonnes de Buren, leader laïc socialiste et sauveur de l'école confessionnelle, etc.
Depuis la conversion du militant de gauche en président de la République rattrapé par la rudesse de l'économie de marché en 1983, le Parti socialiste effectue
le grand écart entre un «verbe de gauche»  qui l'oppose à la droite et une «geste libérale»  très proche de celle des adversaires déclarés... Pour les
besoins de la cause, on entretient l'illusion d'une bipartition factice entre droite et gauche quand la réelle ligne de partage se trace entre libéraux
et antilibéraux, un trait qui coupe en deux la droite et la gauche.
Ainsi, le changement qu'on nous propose depuis la fin politique de Mitterrand, douze ans donc, entre Chirac et Jospin deux fois, Sarkozy et Royal une fois,
met en présence deux modalités assez semblables de la gestion libérale du capitalisme européen. Sur l'essentiel, pas de grosses différences, la séparation
s'effectue sur le style, le symbolique et la pensée magique qui affirme de gauche un parti qui le dit, mais le montre peu. Cette schizophrénie fatigue
le peuple de gauche et réjouit les libéraux de tout poil, autrement dit elle blesse et désespère les plus exposés à la brutalité libérale et ravit les
élites. Ce mal socialiste travaille le PS avec une aile droite ­ DSK, Fabius avant 2002 ­ et une aile gauche ­ Emmanuelli, Fabius après 2002... Le parti
parle avec la voix d'un François Hollande qui a le «Verbe de gauche», mais à chaque fois légitime la «geste libérale» ­ de droite donc. Ainsi avec Jospin,
grand privatiseur devant Blum, qui a tourné l'arme vers sa tempe présidentielle en affirmant : «Mon programme n'est pas socialiste.» Cet homme fut le symptôme
trop visible de ce mal socialiste que, pour cette raison, les électeurs ont écarté du second tour.
Le même complexe de Janus a travaillé le parti lors du choix de la candidature avec une cristallisation sur trois noms : DSK, qui veut réconcilier la «parole
de gauche» et la «geste libérale » au profit d'une franche social-démocratie : parole libérale, geste libérale, donc politique de droite ; Fabius nouvelle
manière, qui souhaite résoudre la fracture ontologique du parti au profit de l'aile gauche, un projet dans lequel il est le moins crédible des hommes,
tout son passé politique témoignant de son rôle majeur dans le creusement de ce sillon schizophrénique pendant plus de vingt ans ; et Ségolène Royal, qui
se proposait d'amplifier la fracture, de creuser encore l'abîme et d'être à la fois la «parole» et la «geste de gauche» avec Chevènement à ses côtés, et
en même temps et la «parole de gauche» et la «geste libérale» avec Cohn-Bendit en héros, aux côtés des Kouchner, Rocard et autres vieux briscards de la
gauche de droite.
Cette schizophrénie affichée de Ségolène Royal a donc donné, pendant le seul premier tour, un éloge de la Marseillaise, du drapeau tricolore, de l'ordre
juste, de la maison de correction comme traitement des questions sociales, de la trilogie Travail, Famille, Patrie pour séduire les tenants de Chevènement
et, simultanément, un éloge de Blair, un désir affiché de supprimer la carte scolaire, une panoplie faite pour séduire les bobos ­ féminitude, écologitude,
modernitude, centritude... ­ pour disposer dans son escarcelle des dévots de Cohn-Bendit.
Et puis, entre les deux tours, il y eut par pur opportunisme politique, et au vu de l'arithmétique du premier tour, un véritable ralliement de Ségolène
Royal à François Bayrou, homme de droite s'il en est un depuis trente ans, mais qui, par tactique électorale et personnelle, avait joué la carte du ni
droite ni gauche : proposition de partager son temps de parole avec lui, médiatisation d'une réconciliation faite sur le seul programme «Tout sauf Sarkozy»,
annonce qu'il pourrait être son Premier ministre, qu'elle envisageait de gouverner avec le centre et même de nommer des ministres UDF... Vérités cyniques,
mais fautes politiques majeures pour un véritable électeur de gauche.
Ce ralliement fut un coup de couteau dans le dos de ceux qui portent la parole de gauche et se réclament de sa geste, au PS comme ailleurs dans toute la
gauche, y compris antilibérale. Dès lors, aux abois, le PS, par la seule voix de Royal, annonçait une nécessaire refondation, mais avec le centre et la
droite. La gauche du PS et la gauche de gauche, ne pesant rien électoralement, étaient ainsi purement et simplement jetées aux poubelles de l'histoire.
Royal paya sa dette dans la monnaie symbolique du «verbe de gauche» en meeting ­ merci Arlette, merci Olivier, merci Dominique, etc. ­, offrit des missions
­ à Bové par exemple ­ et tourna le dos aux électeurs de ceux-là en croyant que flatter dans le sens du poil les leaders de ces courants suffirait pour
se mettre dans la poche la voix de leurs électeurs... Puis elle avoue sans fausse honte son ralliement à la «geste libérale» de Bayrou. Mauvais calculs...
On connaît la suite.
La solution passe par la refondation des gauches : une parole et une geste réconciliées, la fin de la schizophrénie. Ce qui suppose une gauche gouvernementale
plus soucieuse d'idéaux socialistes, de visions du monde nouvelles, d'utopies alternatives, de pensées libertaires inédites, en même temps qu'une gauche
contestataire plus soucieuse de gestion, de travail en commun ­ une démarche que Foucault, Derrida et Bourdieu en leurs temps n'avaient pas exclue.
Le PCF, qui dans cette perspective tient la meilleure place par son souci des idéaux et sa capacité à gérer, gagnerait à changer de génération, à mettre
à la retraite idéologique les cadres qui travaillaient déjà avec Georges Marchais, et en ont conservé quelques mauvaises habitudes, pour pousser en avant
une jeune génération et un programme moderne, puis peser à gauche sur un Parti socialiste très tenté par une résolution de sa schizophrénie au seul profit
d'un centre social-démocrate. Au travail !