14 juin 2007

Sarkozy joue l'ouverture, Fillon manie l'insulte

Jeudi 14 juin 2007
 
La grande inquisition de Fillon
Coutumier d'attaques anti-PS, il estime que la vraie gauche, c'est la droite.
Par Alain AUFFRAY
Ne pas se fier aux apparences. Entre le bouillant Sarkozy et le placide Fillon, le plus brutal n'est pas toujours celui auquel on pense. Lundi soir, à Lyon,
le Premier ministre en campagne a cogné sur la gauche bien plus fort que son mentor. Entouré des quatorze candidats UMP du Rhône (que des mâles), il a
, depuis la tribune du centre des congrès, fustigé «l'imposture morale» d'une «gauche des grandes âmes sèches, qui pratique la justice sociale comme on
offre un caramel mou du bout des doigts, à la sortie des kermesses dominicales».  
Violentes charges. François Hollande n'a pas trouvé ça drôle. Il s'est inquiété hier de ce «grave dérapage de la part du Premier ministre de la France,
qui doit accepter qu'il y ait des gens qui ne pensent pas comme lui». Comme s'il devait corriger son allure de gentleman policé pour se mettre au diapason
de «la rupture», François Fillon truffe ses discours de violentes charges contre tous les adversaires du sarkozysme : le PS bien sûr, mais aussi Chirac
et les siens.
Le 29 mai, à Nice, il ridiculisait publiquement Jacques Chirac qui ne s'exprimait «que le 14 juillet et le 31 décembre», et célébrait la détermination de
son successeur à «agir autrement, autrement que ce qui a été fait depuis vingt-cinq ans, car les Français ne supportent plus les hésitations et les revirements». Au
cours du même meeting, il assenait que la gauche française «n'a pas seulement perdu une élection, elle a perdu la bataille des valeurs». 
Cette «gauche» dont il ne se lasse pas de faire le procès, François Fillon laisse entendre qu'elle n'a, à ses yeux, rien à voir avec la gauche, la vraie,
celle qui défend le progrès social. Dans le discours guerrier qu'il a prononcé le 22 mai devant des parlementaires de la majorité, il suggérait qu'en somme,
la vraie gauche serait passée... à droite. Ce que démontrerait, selon lui, l'accueil de Bernard Kouchner, Eric Besson, Martin Hirsch ou Jean-Pierre Jouyet
en attendant d'autres ralliements symboliques après les législatives. «L'élection de Nicolas Sarkozy bouscule tout, y compris les vieux clivages politiques
qui plaisent tellement à la gauche, assurait le chef du gouvernement aux députés et sénateurs réunis dans le parc de Matignon. Le Parti socialiste hurle
au débauchage et à la traîtrise, parce qu'il sait, au fond de lui-même, que cette ouverture révèle sa vacuité intellectuelle et son conservatisme politique.
La gauche s'énerve parce qu'elle sent que nous sommes en train de bousculer les frontières idéologiques et partisanes derrière lesquelles elle prospérait
au chaud.» Célébrant déjà sa victoire annoncée, il aime à moquer les socialistes qui, pour remonter la pente électorale, espéreraient «une vieille droite,
crispée et dogmatique», et se retrouveraient confrontés à un centre «moderne et conquérant». 
Front populaire. Dans les faits, Fillon n'a pas attendu Sarkozy pour dénoncer ce qu'il considère comme la trahison des socialistes français. Derrière son
ex-mentor Philippe Seguin, il a animé au sein du RPR un courant social républicain qui dispute à la gauche le monopole de ses «valeurs». Inspirateur de
cette sensibilité : Henri Guaino, plume de Sarkozy et grand pourfendeur de la «pensée unique» incarnée en 1995 par Edouard Balladur dont le principal lieutenant
était... Nicolas Sarkozy. «Je crois à la nécessité d'un big bang politique car les clivages actuels sont dépassés», relevait déjà Fillon en 2001. Visant
notamment Nicolas Sarkozy, il mettait à l'époque en garde contre une «dérive droitière» de l'UMP en gestation. Devenu un an plus tard ministre des Affaires
sociales de Raffarin, il s'était illustré lors du débat sur la réforme des retraites par une charge bien plus lourde que celle qui lui est reprochée aujourd'hui
: il avait cru bon pointer «la responsabilité du Front populaire dans l'effondrement de la nation» en juin 1940. A l'époque où déjà, aux yeux de Fillon,
la gauche n'était donc que trahison