12 mai 2007

Pour rétablir la vérité!

samedi 12 mai 2007
 
Léon Blum a été accueilli par la famille de l'industriel en 1947, et non à son retour de Buchenwald.
Bolloré ou le sens des mots
Par Antoine MALAMOUD
QUOTIDIEN : samedi 12 mai 2007
Antoine Malamoud arrière-petit-fils de Léon Blum.
Pour justifier l'invitation de Nicolas Sarkozy sur son yacht, Vincent Bolloré déclarait, dans un communiqué daté du 9 mai, que sa famille avait pour tradition
d'accueillir les hommes politiques. Il citait plus précisément «Léon Blum, au retour de captivité». Ce communiqué a soulevé une polémique sur plusieurs
points. La vérité historique, tout d'abord. De retour de Buchenwald, après deux ans de captivité, le 14 mai 1945, Léon Blum retrouve son appartement dévasté.
Il est alors hébergé par Félix Gouin, président de l'Assemblée consultative, dans un appartement du palais du Luxembourg. Il peut ensuite, au cours de
l'été 1945, s'installer dans la maison de sa femme, à Jouy-en-Josas. Une éventuelle invitation par la famille de Vincent Bolloré, dont ni la famille de
Léon Blum ni les historiens n'ont relevé de traces, ne pouvait donc se situer à cette période.
Nous sommes reconnaissants à Vincent Bolloré d'avoir rendu publics les documents dont il disposait. Ces documents établissent que Léon Blum, qui n'occupait
alors plus aucune fonction publique, a rendu une visite privée à Gwen-Aël Bolloré, qu'il estimait en raison de sa conduite pendant la guerre, dans sa maison
familiale, à l'automne 1947 : en aucun cas il ne s'agissait d'accueillir Léon Blum, de «lui rendre service» en quelque sorte, à son retour de captivité.
En publiant ces documents, Vincent Bolloré reconnaît avoir commis une erreur historique dans son communiqué du 9 mai et valide, par là même, le bien-fondé
des rectificatifs émis par la famille de Léon Blum.
La vigueur de nos réactions trouve ensuite sa source dans la profonde confusion qui se dégage de ce communiqué. Il nous semble indécent de comparer l'invitation
luxueuse, mobilisant de considérables moyens, du président de la République nouvellement élu, afin qu'il se repose des fatigues d'une campagne électorale,
à l'accueil (même s'il avait eu lieu...) de Léon Blum, de retour de Buchenwald, où il avait passé deux ans, livré aux nazis par le régime de Vichy. Cette
confusion n'est pas anodine. Elle tend à faire accroire que les politiques, tous, et les grandes familles industrielles sont toujours du même monde et
que les premiers bénéficient, quoi qu'il advienne, des largesses des seconds. Cette instrumentalisation du nom et de la personne de Léon Blum, au service
de la défense des vacances offertes à M. Sarkozy, est injustifiable tant historiquement que moralement.
Homme d'Etat, socialiste, Léon Blum occupe une place particulière parmi les hommes politiques français du xxe siècle. Si sa mémoire n'appartient à personne,
contentons-nous de rappeler qu'il fut le Premier ministre du gouvernement du Front populaire, dont les lois servent toujours de socle au consensus social.
Qu'il fut toujours combattu, sur les plans politique et personnel, parfois de la façon la plus ordurière, sans que jamais sa probité ni son honnêteté n'aient
été prises en défaut.
 

Berlusconisation de la politique française...

Samedi 12 mai 2007
 
Médiatiques
«Yacht Story», première
Par Daniel SCHNEIDERMANN
QUOTIDIEN : vendredi 11 mai 2007
Donc, il aura fallu vingt ans. Vingt ans de télévision privée en France, pour que l'esthétique, les valeurs, les mythologies, les vedettes, le mode d'effraction
de la télévision privée finissent de se confondre avec ceux de la politique, s'installent au sommet de l'Etat, et inaugurent un «Yacht Story» inattendu
et discordant (palace mais jean, yacht de soixante mètres mais karaoké), dont l'effet de souffle n'est pas sans rappeler l'apparition du Loft Story de
M6.
Le casting ? Il n'y a que l'embarras du choix. Voyez Arthur (ancien producteur du Loft), Steevy (ancien candidat du Loft), Bigard, Clavier, Reno, Villeneuve,
à côté du président élu, sur ses tribunes, dans ses meetings, prêts à tout pour être dans le cadre : ce sont les visages des émissions qui font frissonner,
des films familiaux du dimanche soir, des concerts-événements au Stade de France. Rien que du majoritaire, de l'écrasant, du fracasseur de records, de
l'installé au sommet du podium, de l'exceptionnel. Voyez cette faune se mêler aux futurs ministres, comme sur les plateaux des samedis soirs de TF1. Voyez-la,
dans la nouvelle hiérarchie enfin assumée sans complexes, écraser les vieux politiques rasoirs et poussiéreux. Voyez Fabius, par exemple, au soir de la
défaite de Royal, interrompu sur TF1 parce que nous avons Johnny à l'instant même, chers téléspectateurs, il sort du Fouquet's, et nous n'allons tout de
même pas rater sa première réaction ! (Alors qu'aucune chaîne ne diffuse en direct la réaction de François Bayrou, arrivé troisième à la présidentielle.
Retourne donc dans ton Béarn, Bayrou !)
Les mythologies ? Elles se bousculent. Le petit garçon triste des beaux quartiers ( «Je suis parti de rien, j'étais au fond de la salle, rien ne m'a été
donné» ) devenu ce chef exigeant de «la firme», qui recrute les meilleurs, paie grassement, et n'admet pas l'erreur. Les yachts, jets privés, limousines
scintillantes, copains milliardaires et grands hôtels, et jusqu'à cette épouse fantasque qui s'épuise à ressembler à Jackie : c'est toute une imagerie
néokennedyenne de la presse de papier glacé que convoquent les premiers jours du président élu.
Le langage ? Ecoutez cette rhétorique unique qu'il va bien falloir apprendre à déchiffrer, ce mélange d'émotion dans la confidence ( «j'ai changé» ), de
compassion (je serai toujours aux côtés des «accidentés de la vie» ), d'effronterie ( «je ne m'excuserai pas» ), d'impudeur, d'insolence et de sincérité
provocante ( «pas seulement quand je me rase» ). Ecoutez cette voix de tueur et d'enfant étonné.
Les valeurs ? La télé, là encore. La juste récompense des efforts et du travail (TF1 et sa Star Ac). La vitupération de l'impôt (Pernaut et son «Combien
ça coûte ?» ). La plus extrême sévérité s'appliquant aux tricheries des humbles (Villeneuve et ses recyclages périodiques de la «France qui triche» ) plutôt
qu'à l'incivisme des autres (Johnny sanctifié, et rentrant triomphalement en France sur le pavois du bouclier fiscal). Le culte du succès pour le succès,
et de l'audience comme fin unique (les pages de pub annuelles dans la presse, pour célébrer les plus grosses audiences).
Reste l'essentiel : le mode d'effraction du sarkozysme présidentiel, la manière dont tout ce cortège s'impose dans les salons et dans les têtes les plus
réfractaires. Cette technique, c'est la transgression. Le sarkozysme s'impose par l'effroi et le choc, aussitôt autosoulignés par le sauvageon. «Oui, j'ose
parler de nation !» «Oui, j'ose dire qu'un voyou est un voyou !» «Oui, j'ose le palace, le jet privé et le yacht !» La transgression «décomplexée», la
rupture avec la «bienséance» habituelle. Toute réserve est condamnée d'avance : la transgression se nourrit de l'approbation populaire contre l'effroi
des élites. Qu'on se souvienne de l'apparition foudroyante du Loft et du haut-le-coeur polyphonique devant tant de vulgarité affichée : c'est ce haut-le-coeur
qui assura le succès durable de l'émission. La transgression a besoin de cet effroi, de la levée de boucliers des vertueux. Aussitôt qu'elle a allumé l'incendie,
regardez-la se parer de son innocence effarouchée. Pourquoi devrais-je m'interdire de parler de nation, d'identité nationale ? Pourquoi devrais-je m'interdire
d'appeler un voyou un voyou, et de dormir au Fouquet's ? Pourquoi devrais-je m'interdire de me reposer quelques jours avec ma famille dans mon yacht avec
karaoké ? La transgression qui ne semble avoir pour but que de faire la une. Hier, des médias nationaux, et demain, si possible, celle de Time et de CNN.
Sarkozy a-t-il construit sa mythologie en regardant TF1 ? Ou bien est-ce TF1 qui, en vingt ans, a préparé le public à l'avènement de Sarkozy ? Insoluble
question de l'oeuf et de la poule. Peu importe. Le spectacle est désormais à l'Elysée, comme le pouvoir était à la télé. Les deux lieux se confondent,
et sont interchangeables.
PS : Pendant ces longues journées d'installation de la nouvelle mythologie se faufila à la fin des JT une mince silhouette. Laure Manaudou filait en Italie,
à l'anglaise, vivre auprès de l'homme qu'elle aime. Nul ne connaît les sympathies politiques de Laure Manaudou. Mais cette évasion amoureuse de la championne,
même muette (ou parce que muette ?) apparaissait déjà comme une sorte de dissidence.

11 mai 2007

Blum, à la sauce Sarkozy...

Vendredi 11 mai 2007
 
Des descendants de Léon Blum, qui admettent que l'ancien président du Conseil socialiste ait pu séjourner dans la famille Bolloré
après la Seconde Guerre mondiale, dénoncent toutefois vendredi "la formidable instrumentalisation" de leur aïeul.
La polémique a débuté avec la croisière de Nicolas Sarkozy au large de Malte sur un luxueux yacht de Vincent Bolloré. Ce dernier avait justifié ce prêt
au futur président au nom de la "tradition" de sa famille qui avait déjà accueilli dans le passé, selon lui, "Léon Blum" ou "Mohammed V de retour (d'exil,
ndlr) de Madagascar (en 1955, ndlr) avant qu'il ne devienne roi du Maroc".
Dans un courrier envoyé à l'AFP, Christine Blum, la "petite nièce" de Léon Blum qui parle "au nom de sa tante, de ses cousins et de ses frères et soeurs",
affirme ne pas "mettre en doute la bonne foi" de M. Bolloré.
"Suite à un long entretien" avec lui et "aux documents qu'il a produits dans la presse" dont une photo, "il semble que cette visite ait bien eu lieu",
écrit Mme Blum, rappelant qu'il n'existe par ailleurs "aucune trace" de ce séjour dans "notre tradition familiale, dans les archives politiques ou dans
les nombreuses biographies des chercheurs".
Pour autant, les descendants de Blum "dénoncent la formidable instrumentalisation du nom, de la pensée et des actions de Léon Blum dans la campagne de
Nicolas Sarkozy".
"Pour ceux qui l'aurait oublié, Léon Blum fut (...) l'homme des 40 heures et des congés payés dont la droite disait qu'il allait ruiner la France... comme
Nicolas Sarkozy, citant Blum, annonce que les 35 heures ont ruiné la France !".
"Nous dénonçons la référence récurrente de Nicolas Sarkozy à Blum, qui a passé sa vie au service de son idéal de justice, convaincu que le socialisme était
l'avenir du monde, dans une campagne qui le moins qu'on puisse dire n'était pas franchement socialiste", poursuit Christine Blum.
La phrase de M. Bolloré juxtaposant Nicolas Sarkozy et Léon Blum "nous a choqués dans le contexte", explique-t-elle, concluant: "nous ne voulons plus que
son nom soit utilisé en dehors du contexte qui fut celui de sa vie, de ses engagements et de son époque".    

Mitterrand blog d'outre tombe!

Vendredi 11 mai 2007
 
derrière nous nous souvenions qu'il y a 26 ans, il nous fit réver, espérer, que l'on pouvait  changer la vie
aujourd'hui je vous invite à aller lire, puisqu'il blog depuis ...
 
 
 « Le résultat de ce soir m'oblige à prolonger mon séjour parmi vous, qui m'avez honoré de votre confiance, ici et maintenant." On le croyait revenu d'outre-tombe
à titre provisoire seulement, pour commenter une campagne présidentielle qui ne pouvait que l'aiguillonner. Mais François Mitterrand (mort le 8 janvier
1996) y a visiblement pris goût, et l'ancien président l'a annoncé dès le 6 mai au soir : il n'a pas l'intention, pour le moment du moins, de fermer son
blog.
 
 "Je mesure votre tristesse ce soir à raison de la dimension de vos espoirs. Gardez la foi dans la cause que vous servez. Grâce à vous, quelque chose vient
de commencer qui ne s'arrêtera pas de sitôt. Une formidable coalition du pouvoir en place et des forces de l'argent a contenu le mouvement populaire. Sa
victoire sera provisoire", écrit encore, de son refuge six pieds sous terre, François Mitterrand le soir du scrutin.
 
Depuis le 22 mars, l'ancien président publie ainsi tous les jours ou presque les sentiments et les analyses que lui inspirent les élections et les événement
politiques. Son
blog
 est intitulé "François Mitterrand 2007". Il est sobre, constitué de textes exclusivement, et provoque un très grand nombre de commentaires. En exergue,
cette simple sentence sur fond gris : "Je crois aux forces de l'esprit, je ne vous quitte pas..."
 
MOTS CHOISIS
 
Dans sa première note, il écrit : "Je me suis toujours considéré comme libre. Libre à l'égard des forces d'argent, libre à l'égard des "gaullistes", libre
à l'égard de la presse, (...) et même des... socialistes. Aujourd'hui comme hier, je dis ce que je veux, je fais ce que je veux, comme je le veux, au moment
où je le veux. Croyez-moi, être en accord avec soi-même, je ne connais pas de meilleur bulletin de santé, et si je me livre à cette petite précision, ce
jour, c'est que je redoute que certains, à gauche, ne se méprennent sur le sens de mon retour. Ils seront, comme toujours, surpris." La suite est de la
même veine, plus vraie que nature.
 
Qui se cache derrière ce Mitterrand d'outre-tombe ? Impossible de le savoir. L'illusion est en tout cas parfaite, la réflexion pertinente, et les mots choisis.
On jurerait qu'il s'agit bel et bien de l'ancien président, contrairement à un autre blog "post mortem" (
mitterrand.2007.over-blog.com
) qui veut lui faire écho mais se montre complaisant envers Nicolas Sarkozy.
 
François Mitterrand 2007 a promis, dès le 7 mai, de "parler sans détour, au risque de heurter ici et là les consciences" : "L'élection de Nicolas Sarkozy
à la tête de l'Etat français m'oblige à ne plus rien dissimuler de ce que je sais des uns et des autres. Plus que jamais, c'est le moment de tenir le langage
de la vérité, et je compte bien me tenir à cette ligne de conduite." Vite !
 
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francoismitterrand2007.hautetfort.com
 
Olivier Zilbertin
 
Article paru dans l'édition du 11.05.07.    

Les Sarkoboys!

Jeudi 10 mai 2007
 
2. LES BARONS
 
 
 
Alain Juppé , 62 ans La présidence de l'Assemblée nationale, le Quai-d'Orsay ou un grand ministère de l'Environnement, de l'Equipement et de l'Aménagement
du Territoire ? Sarkozy aimerait lui confier les Affaires étrangères mais lui laisse le choix. D'abord tenté par l'hôtel de Lassay par souci d'indépendance,
l'ancien Premier ministre pourrait finalement accepter un ministère.
Jean-Pierre Raffarin, 58 ans Dieu sait que Sarkozy en a fait baver à Raffarin du temps où ce dernier était à Matignon ! Pourtant Sarko reconnaît que Raffarin
est « très malin », et Raffarin est subjugué par la vitalité de Sarkozy. Pilier de la campagne malgré les réserves de Chirac, l'ancien Premier ministre
espère toucher les dividendes de sa loyauté : il vise la présidence de l'UMP.
Jean-Louis Borloo, 56 ans Jean-Louis Borloo a mis un temps infini à rallier Sarkozy, montrant son vrai visage : le ministre sortant de la Cohésion sociale
est d'abord soucieux de son propre destin ! Malgré leur origine commune - les deux hommes sont avocats -, Sarko l'a longtemps considéré comme un aimable
fumiste. Il a rectifié son jugement récemment, créditant Borloo de sa modernité.
Brice Hortefeux, 49 ans Le premier groupie. Brice Hortefeux a été ébloui à l'adolescence par un discours de Sarkozy devant les jeunes gaullistes. Il s'est
mis à son service, devenant indispensable. Dans la campagne, il a souffert d'une fatwa de Cécilia, qui n'a jamais admis sa proximité avec son mari. Il
s'est planté en défendant la proportionnelle. Il reste le vrai compagnon du nouveau président.
Philippe Séguin , 64 ans
Cette campagne aurait pu être la sienne : toute sa thématique y était. Le premier président de la Cour des Comptes est resté en bons termes avec Sarkozy,
son secrétaire général lorsqu'il était président du RPR. L'ancien ministre des Affaires sociales de Chirac pourrait reprendre du service au gouvernement.
Sarkozy dit à son propos : « Le talent ne se démode jamais. »
Edouard Balladur, 78 ans
La seule personne envers qui Sarkozy se reconnaît une dette. Il crédite Edouard Balladur d'avoir fait de lui un ministre « plein », en 1993, alors qu'il
n'était qu'une jeune pousse. Sarkozy a sincèrement admiré Balladur, tout en lui reprochant son manque de combativité. Il a rompu avec le balladurisme durant
la campagne, mais sans rompre avec son héraut.
 
 Sarkozyste converti François Fillon, 53 ans
 
Le superfavori pour Matignon. Fillon revient de loin. Séguiniste, il soutint Balladur ; revenu en grâce dans la chiraquie en 2002, il a longtemps été en
guerre contre Sarkozy. Mais après la Berezina des régionales de 2004, où il perd la présidence des Pays de Loire, il se convertit au sarkozysme, ce qui
lui vaudra d'être limogé sans ménagements du gouvernement en 2005 par Chirac et Villepin. Ses atouts : sa capacité de travail et de synthèse, sa solidité
intellectuelle, son expérience - il a été quatre fois ministre ( de Balladur, de Juppé et de Raffarin ) - et sa connaissance des affaires sociales, utile
lorsqu'il s'agira de négocier le service minimum dans les transports. Trop effacé ?  Encore un atout aux yeux d'un président qui veut gouverner.
 
 ET AUSSI..
 
Patrick Devedjian, député UMP, entretient des relations quasi fraternelles avec Sarkozy. Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, est le type même de sponsor
sympa : il ne veut pas être ministre. Philippe Douste-Blazy ne se tient jamais pour battu quand il s'agit d'entrer au gouvernement.  Valéry Giscard d'Estaing
sera le correspondant de Sarkozy au Conseil constitutionnel dont Pierre Mazeaud, juriste éminent, est le président sortant. Gérard Longuet est redevenu
proche de Sarkozy, comme sous Balladur.
 
 
Le Nouvel Observateur

Good Bye Tony!

Jeudi 10 mai 2007
 
Triste sortie pour Tony Blair
 

ILe temps, décidément, n'est pas galant homme. Pour le dixième anniversaire de son arrivée au pouvoir et à la veille d'annoncer le calendrier de son départ
du 10, Downing Street, Tony Blair a enregistré, à ses dernières élections régionales, une défaite spectaculaire. En Ecosse, où la « devolution » qu'il
a lui-même organisée a instauré une semi-autonomie, les indépendantistes du Scottish National Party ont étrillé les travaillistes qui dominaient depuis
1999 le Parlement autonome écossais. Vont-ils, comme prévu, organiser en 2010 un référendum sur l'indépendance totale ? Pour Gordon Brown, successeur putatif
de Blair au poste de Premier ministre et lui-même Ecossais pur jus, la défaite du Labour dans ce qui fut naguère un bastion est un affront et un mauvais
coup.
Pauvre Blair : vainqueur triomphal de trois élections successives, le rénovateur du Labour pensait quitter la scène politique en léguant à la Grande-Bretagne
un bilan historique : plein-emploi, croissance forte, intégration réussie dans la mondialisation avec, en prime, une pêche d'enfer qui attire de l'autre
côté de la Manche les talents du monde entier. Mieux, le blairisme, cette méthode pragmatique de gouvernement qui se soucie davantage d'efficacité que
de cohérence historique a fait école et inspire désormais les candidats rénovateurs. A gauche comme à droite : voir Ségo et Sarko.
Las, en présentant l'invasion de l'Irak comme une croisade morale, en sacrifiant une nouvelle fois à l'alliance privilégiée avec les Etats-Unis qui lui
a valu dans l'opinion le surnom de « poodle » ( caniche ) de Bush, Tony Blair avait terni une première fois son bilan et précipité son départ. L'échec
de la « devolution » écossaise avec, à la clé, une menace de séparatisme est un second coup porté à la légende. L'inventeur du New Labour méritait mieux
pour sa sortie.
 
 Jean-Gabriel Fredet
Le Nouvel Observateur

La France selon Sarkozy!

jeudi 10 mai 2007
 
De l'anti-chienlit à Johnny
 

La France selon Sarkozy
 

Pour cinq ans, la France aura son visage, cela va la changer. « On m'appelle Sarkozy l'Américain » , se vantait Nicolas Sarkozy lors d'une visite outre-Atlantique,
et aucun président avant lui n'a revendiqué à ce point une influence extérieure. Nicolas Sarkozy, fils et petit-fils d'immigrés hongrois et grec, enfant
des villes fasciné par l'énergie yankee, était le moins classiquement français des prétendants. Renvoyé à ses origines étrangères par Jean-Marie Le Pen,
Sarkozy a pourtant revendiqué sa part de France, démarrant sa campagne au Mont-Saint-Michel et s'avançant sur le terrain miné de l'identité nationale.
Influence des chantres du vieux pays - Max Gallo, Henri Guaino - qui ont rejoint cet atlantiste pro-européen, qui fustigeait chez George Bush « l'arrogance
française » ? Quête identitaire d'un homme qui se vivait comme un « beur hongrois » , un outsider dans une société bloquée ? Ou conversion obligée au roman
national ?
Pour comprendre où nous allons, regardons d'où il vient. De chez nous, malgré l'Amérique ! De l'histoire immédiate de la France des télés, des transistors
et de la pub ! Des années avant de se vendre comme le plus efficace des produits politiques, Nicolas Sarkozy fut le petit garçon sage des paquets de lessive
Bonux - dont son père était le publicitaire ! La France de Nicolas Sarkozy est tissée des rêves d'un enfant des villes, amateur de variétés, grandi dans
les années Pompidou, quand notre pays hésitait entre esprit d'entreprise et réaction autoritaire... Comme aujourd'hui, la crise en plus ! Nicolas Sarkozy
n'apprécie que les vainqueurs, mais il a gagné en revendiquant la parole des vaincus de la « France profonde et silencieuse » . Cette France qui rêve de
jadis et a peur de demain, qui déteste l'impôt et voudrait retrouver des banlieues sûres et moins colorées, et des élèves bien élevés, qui se lèvent quand
le maître entre dans la salle... Sarkozy l'Américain rendra-t-il cette France au présent ?
 
 ANQUETIL ET ARMSTRONG, GAGNER À TOUT PRIX
 
Dans les années 1960, la France du vélo a choisi Poulidor, l'éternel second. Sarkozy est du côté d'Anquetil, l'éternel premier. Evidemment, seule la gagne
est belle ! Etre vainqueur prouve que l'on a raison, quel qu'en soit le prix ! Aujourd'hui, le cycliste amateur Sarkozy roule avec le gentil scandaleux
Richard Virenque... Et est le dernier défenseur de Lance Armstrong, multivainqueur du Tour et plus que soupçonné de dopage ! Le champion américain a l'énergie
et la volonté, ces mots clés du sarkozysme. Souvent, Sarkozy se raconte comme un sportif en compétition, et finit par y croire... Le président est aussi
un enfant.
 
 L ' ANTI-CHIENLIT
 
A-t-il une gueule, ce môme qui manifeste à la tête des antigrévistes ? En 1976, Nicolas lance la contre-attaque contre la chienlit étudiante. Voilà le futur
de la droite ! Elle ne vient pas de nulle part, la charge du nouveau président contre Mai-68, ni le service minimum qu'il promet pour mettre au pas les
syndicats de fonctionnaires... Sarkozy est de droite, grande cuvée, grandi dans le RPR pur et dur des années Chirac. Repéré par « le grand », il sera son
double, avant de devenir son prédateur. Sarkozy a phagocyté l'UMP chiraquienne, comme Chirac avait mis à son service le mouvement gaulliste. Et il a systématisé
les postures chiraquiennes des années 1970-1980, avant les consensus : de droite, et durement, de la revanche idéologique, carrément. Il est allé chercher
la France silencieuse excédée de l'insécurité, de l'immigration et du délitement, et lui a dit ce qu'elle voulait entendre. Cette martingale l'a mené tout
près des frontières du FN, mais lui a permis d'entrer à l'Elysée. A quel prix pour la suite ?
 
« LA FRANCE NE DOIT PAS
AVOIR HONTE »
 
Un petit garçon tient son grand-père par la main, tandis que défile notre armée au 14-Juillet. Benedict Mallah initie le petit Nicolas à l'Histoire, et
aux flonflons de Sambre-et-Meuse. C'est ainsi, dit la légende, que Nicolas serait devenu gaulliste, par et pour son aïeul juif rescapé du nazisme... Estce
pour cela, pour cette part juive heureuse en France, que Sarkozy veut mettre un terme à la repentance, et dit à son pays qu'il n'a pas à rougir de son
passé ? Ou pour flatter l'envie d'oubli d'une France de droite qui ne veut plus connaître son histoire ? Etrangement, le président a embarqué Arno Klarsfeld,
héritier d'une famille vouée à la reconnaissance des crimes de Vichy. Une caution, pour clore les débats sur la colonisation ou l'esclavage, ces pierres
dans le jardin de la mémoire nationale ? Sarkozy, qui s'est fait photographier avec Aimé Césaire, ne pourra pas tricher avec le passé.
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JOHNNY , L ' AMERLOQUE
DE CHEZ NOUS
 
« J'ai tout donné » , lançait Nicolas Sarkozy à la fin de la campagne. Ce n'était pas du Sarko, c'était du Johnny ! « J'ai tout donné » , un documentaire
sur l'idole des jeunes de François Reichenbach, en 1973, dont le jeune Sarko s'est imprégné. Nicolas, gosse des transistors, apprenant par coeur les paroles
du pseudo-rock français... Et aujourd'hui, l'ex-idole soutient l'exgroupie. Qui se ressemble s'assemble ? Johnny, comme Sarko, c'est une imitation franchouille
de l'Amérique, des States en toc et bleu-blanc-rouge, comme si on y était... Croit-on. Le « rêve français », en somme, même si Johnny s'abrite en Suisse.
Mais Sarko et son bouclier fiscal, promis, rendront l'artiste à la France !
 
NETTOYER LES 4000
 
« Pas ici, la nuit, c'est trop dangereux », lui dit le conducteur, alors qu'il fait mine de descendre à la « Cité des 4000 ». En 1998, Sarkozy découvre
une réalité française qu'il ignore, lui, l'enfant de Neuilly. Il accompagne un bus de nuit en banlieue chaude, au coeur des territoires oubliés. C'est
ici, à La Courneuve, que son image basculera en mai 2005, quand il affirmera vouloir « nettoyer au Kärcher » un quartier rongé par les voyous, après la
mort d'un enfant de 11 ans, Sidi Ahmed. Entre-temps Sarkozy aura noué une relation rude et complexe avec les banlieues. Ayant appris la déshérence des
couches populaires, il en a fait l'axe de sa réinvention de la droite : une droite avec le peuple, puisqu'elle va lui rendre la paix. Pourtant, super-speedy,
le sécuritaire, miroir des flics et de la France assiégée, veut aussi accueillir les exclus. Il sera, jure-t-il, l'intégrateur de la France beur, en qui
il croit se reconnaître, lui qui fut un jeune homme si pressé. Il veut acclimater en France la discrimination positive made in USA et accorde à l'islam
une reconnaissance politique. Mais son communautarisme du vivre-ensemble fait long feu. La remontée des violences et ses positions tranchées l'enferment
dans la seule France blanche dont il porte la revanche. Electoralement, cette radicalisation lui a profité. Mais le président Sarkozy va devoir trouver
sa France pour tous.
 
 LA CONQUÊTE DE NEUILLY
 
Les Sarkozy se sont installés au bout de la ville en 1974. Une maman divorcée, ignorée de la bourgeoisie installée. Des incongrus. « Les gens qui habitent
Neuilly sont ceux qui se sont battus pour travailler plus que les autres », dira Sarkozy à Michel Denisot en 1995, célébrant Ali l'épicier marocain, Pascal
le pizzaiolo, Arthur le glacier arménien, Lu le cuisinier chinois... Et lui. L'autre côté de Neuilly ? Il en tirera argument pour justifier sa rage...
Jeune conseiller municipal, il sera sorti de la mairie le jour du mariage de Michel Sardou par un huissier qui l'avait pris pour un simple fan ! Il aura
sa revanche, des années plus tard, célébrant luimême un nouveau mariage du chanteur. Il aura appris. En 1983, il a monté la bourgeoisie contre le vulgaire
Pasqua pour lui voler la mairie ! Sa ville lui offrira une fausse idée de la France, abritée des maux de l'époque ; mais de vrais amis de Jacques Attali
au tandem Clavier-Reno, et puis sa femme : il tombera amoureux de Cécilia le jour où il célébrera son mariage avec Jacques Martin ! Converti aux cigares
par Edouard Balladur, adoubé par les patrons, « frère » d'Arnaud Lagardère et meilleur ami de Martin Bouygues, Nicolas Sarkozy, l'ex-apprenti fleuriste
qui trimait pour payer ses études, est définitivement du bon côté de la bourgeoisie.
 
 Claude Askolovitch
Le Nouvel Observateur

l'édito de Jean Daniel

Jeudi 10 mai 2007
 
L'éditorial de Jean Daniel
 

Le choc Sarkozy
 

Vous aurez donc soutenu Ségolène Royal ! - Toute autre attitude eût été indigne de notre histoire. - Vous n'avez aucun regret ? - Aucun. - Si c'était à
refaire ? - Je ne vois pas ce que j'aurais pu faire d'autre, sinon, à la rigueur, de nous être adressés davantage aux électeurs de François Bayrou. Non,
je ne vois pas, quand je pense à l'état dans lequel le Parti socialiste se trouvait il y a à peu près un an. Souvenons-nous : il était encore tout rouge
des traces qu'avaient laissées l'échec de Lionel Jospin en 2002 et les déchirements qui ont eu lieu lors du référendum pour le traité constitutionnel européen
de 2005. C'est alors que Ségolène est arrivée, déconcertant par sa détermination sereine et son charme lumineux. Personne ne soupçonnait qu'elle se préparait
depuis longtemps à affronter une compétition avec les siens. Personne ne pouvait se douter qu'elle s'y préparait seule, sans équipe, sans appuis, décidée
à déjouer les pièges, à éviter les tutelles et à s'affranchir des appareils.
Elle n'a d'ailleurs rien fait d'autre que de résister à tous. Elle a pris le risque d'augmenter le nombre de ses ennemis, la jalousie de ses rivaux, l'impatience
de ses aînés. Elle a fait son chemin dans la fameuse solitude du coureur de fond. Elle a fini par occuper le terrain socialiste, puis l'espace de la gauche.
Son parcours a eu des ratés, des accidents, des insuffisances. Elle a été parfois trop agressive lors du débat télévisé avec Nicolas Sarkozy. Elle a commis
une faute indiscutable à la veille du scrutin en prophétisant des émeutes en cas de victoire de son adversaire. Sur l'exigence de répartir des richesses
avant d'en créer, sur l'opportunité d'une VI e République comme sur le projet d'un nouveau référendum sur l'Europe, elle n'a pas été convaincante. Mais
elle aura dignement représenté la gauche dans un combat qui a passionné un peuple soudain mobilisé, politisé et motivé.
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Je ne crois pas, cependant, que les pressions archaïques du vieux Parti socialiste puissent expliquer à elles seules l'échec de Ségolène. Je crois qu'elle
n'a pas eu le temps de fourbir ses armes, d'ajuster son tir et de tirer les leçons de son expérience socialiste. Je crois enfin et surtout qu'elle s'est
trouvée en face d'une bête politique comme il y en a eu peu dans l'histoire de la République. Rarement un homme a manifesté pendant de si longues années
autant de frénétique énergie et de pugnacité obsessionnelle pour conquérir le pouvoir et de diabolique habileté pour faire oublier qu'il l'avait bel et
bien exercé. Ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, président de l'UMP, qui dit mieux ? On a dit de Ségolène qu'elle se croyait habitée. Elle l'était.
Lui, Sarkozy, pour aller jusqu'au bout d'une ambition dévastatrice, n'a cessé de combattre dans la fureur et la certitude.
Les deux candidats ont bien compris que l'on changeait de génération, que le style de gouvernance ne pouvait plus être le même et que chaque électeur prétendait
désormais se conduire en citoyen responsable. Ils ont dit leur désir de « refonder » leurs formations politiques respectives. Mais en dehors de références
communes et parfois surprenantes aux social-démocraties nordiques et à Tony Blair, ils ont voulu offrir deux visions radicalement différentes du monde
et de la politique. On peut dire, en un mot, que Sarkozy fonde sa volonté réformatrice sur la valeur du travail et sur la morale du mérite individuel («
travailler plus pour gagner plus »), tandis que Ségolène fonde la sienne sur l'élargissement et l'intensité du dialogue social pour apaiser les relations
conflictuelles entre l'Etat, les entreprises et les salariés, qui sont un obstacle au retour de la croissance.
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En dépit des 6, 7 millions d'électeurs qui ont voté pour François Bayrou, manifestant ainsi leur désir de voir la droite et la gauche coopérer au lieu
de s'affronter, les deux candidats se sont appliqués à montrer qu'il y avait bien un clivage important entre les deux traditions dont ils se réclamaient.
Mais alors que la gauche paraissait avoir confié à une femme seule le soin de réinventer et de mettre au point son projet, on s'est trouvé en présence
d'une droite homogène, structurée et cohérente, dont le porte-parole était à chaque moment précis, concret et brutalement limpide. Ce qui a été le plus
marquant dans la stratégie de Nicolas Sarkozy, c'est la façon très étudiée avec laquelle il a voulu séduire d'abord les partisans les moins extrémistes
de Le Pen et ensuite les nombreux éléments de la gauche embarrassés par les survivances de leur passé dogmatique.
Pour ce qui est du lepénisme, Sarkozy a su retenir tout ce qui n'était pas nécessairement choquant dans les questions que pose avec perfidie le Front national
et que beaucoup de Français de tous bords, qui exècrent Jean-Marie Le Pen et ses lieutenants, ne peuvent éviter de se poser dans leur intime. Qu'y aurait-il
d'indigne à vouloir être fier d'être français, à souhaiter que les immigrés aiment la France, à penser que nous avons le devoir de proportionner le nombre
de gens que l'on accueille aux possibilités matérielles que l'on a de les accueillir ? Ségolène Royal savait tout cela quand elle a fait l'éloge de la
famille, de l'identité nationale, de l'ordre et du travail. Mais elle n'a pas su ou pas pu inscrire sa révolution culturelle ( c'est bien de cela qu'il
s'agissait pour rajeunir et moderniser le Parti socialiste ) dans un projet économique concis et cohérent.
Là où la stratégie de Sarkozy a été le mieux et le plus perfidement théorisée, c'est quand il a critiqué Mai-68 en affectant de penser que nous étions
encore sous le règne de cet héritage. Non seulement il a voulu affirmer une droite décomplexée, déculpabilisée et offensive, mais il a voulu mettre en
contradiction la gauche avec elle-même. En s'appuyant sur les livres que de nombreux auteurs de gauche ont consacrés à certaines dérives de l'esprit libertaire
qui a inspiré Mai-68, il a voulu démontrer que la critique de ces dérives devait conduire à rallier une droite républicaine et rénovée. De quoi s'agit-il
? Essentiellement de l'autorité. Il est vrai que Mai- 68 était un procès de l'autorité sous toutes ses formes, donc un désaveu de toutes les hiérarchies.
Et il est vrai que cet esprit a ébranlé la nation, la justice, la famille et l'école. Lorsqu'on disait, par exemple, que le savoir était un pouvoir, on
enlevait aux professeurs tout le prestige nécessaire à la transmission de la connaissance. Mais ce sont des sociologues et des philosophes de gauche qui
ont entrepris, depuis, une révision de ce relativisme des valeurs. Sarkozy a cultivé ces sentiments communs à une majorité de Français pour échafauder
un procès oblique de l'idéologie décrétée toujours laxiste de la gauche.
Peu importe à M. Sarkozy que Mai-68 soit à l'origine de réformes décisives et bénéfiques comme celles qui devaient conduire à la libération des femmes
par le droit accordé à l'interruption volontaire de grossesse, et à des conquêtes dans bien d'autres domaines. Sans Mai-68, Giscard n'aurait pu prendre
aucune des mesures qui ont été saluées par la gauche et par « le Nouvel Obs » en particulier. Mais l'entreprise de Sarkozy va plus loin : il voudrait enlever
à la gauche son hégémonie culturelle en lui arrachant ses idoles, en mettant Jaurès, Blum et Camus dans un patrimoine commun, celui de toute la nation.
L'imposture se révèle lorsqu'on lit certains textes de Jaurès, de Blum ou de Camus. Mais c'est une imposture efficace pour enlever ses complexes à la bourgeoisie
de droite.
En fait, la stratégie de Sarkozy n'a pas seulement pour but de contester l'hégémonie culturelle héritée à la fois de Mai-68 et de la mort des idéologies,
elle est destinée à légitimer la transformation d'un sentiment national légitime en chauvinisme et à promouvoir le libéralisme comme pensée politique dominante.
Et c'est là que nous assistons à une régression dont les proportions peuvent très vite devenir alarmantes. Le vrai « choc Sarkozy », c'est celui-là. Il
incarne une synthèse entre un libéralisme économique jugé incontournable et un retour à l'ordre moral. Nous nous sommes refusés à diaboliser Nicolas Sarkozy.
Ce n'est pas pour céder sur ce point aujourd'hui. Mais il n'est pas faux de dire qu'il y a du Bush en lui. D'où la nécessité et l'urgence pour le Parti
socialiste de ne pas déserter le rôle de contre-pouvoir que sa défaite lui impose d'exercer devant un président qui concentre entre ses mains le Sénat,
le Conseil constitutionnel, le Conseil supérieur de l'Audiovisuel e le Conseil supérieur de la Magistrature.
 
 Jean Daniel
Le Nouvel Observateur
 
 

l'aprés campagne sera difficile!

    Jeudi 10 mai 2007
 
La chronique de Jacques Julliard
 

Feu sur le quartier général !
Ségolène Royal a tout fait pour sauver la gauche du désastre, mais l'archaïsme des caciques du PS a été le plus fort
 

Encore battue, et bien battue ! Depuis les débuts de la V e République ( 1958 ), soit presque un demi-siècle, la gauche n'aura porté à la présidence qu'un
seul de ses champions, François Mitterrand, contre cinq à la droite : de Gaulle, Pompidou, Giscard, Chirac, Sarkozy. A la fin du mandat de ce dernier,
en 2012, elle n'aura occupé l'Elysée que quatorze ans sur cinquante-quatre. Pourquoi ? Parce qu'elle est minoritaire, répondrait M. de La Palice. Mais
pourquoi est-elle minoritaire ?
- Parce qu'il y a un écart béant entre les positions de ses chefs et les aspirations de son électorat.
- Parce que la gauche est trop à gauche pour s'élargir vers le centre, seul lieu où elle pourrait gagner des renforts. En dépit de François Bayrou, le
centre vient de refluer vers la droite. En dépit de Ségolène Royal, l'archaïsme de ses positions de base a rebuté les centristes.
- Parce que le PS est mené par de grands bourgeois humanistes et humanitaires qui tendent la main aux exclus par-dessus leur électorat populaire d'ouvriers,
d'employés, de fonctionnaires et de petits bourgeois.
- Parce que le PS est devenu, pour les premiers, synonyme d'alourdissement de la fiscalité et, pour les travailleurs, de stagnation des salaires à cause
des sacrées 35 heures.
- Parce que le programme du PS sacrifie systématiquement la production des richesses à leur répartition. Ce mélange de christianisme social et de gauchisme
altermondialiste constitue un excellent programme d'opposition, mais ne parviendra jamais à rassembler la majorité des électeurs. Il est fait pour un régime
de despotisme éclairé, non de démocratie d'opinion.
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Regardons les choses en face. Depuis le début de sa campagne, il a fallu à Ségolène Royal, pour gagner un minimum de crédibilité, ruser avec les positions
de son parti, les contourner, parfois les contredire, le plus souvent les édulcorer. Sur la sécurité, les 35 heures, la carte scolaire, les salaires, la
valeur travail, le hiatus entre la princesse du peuple et les cardinaux roses a été patent. Ségolène n'a dû sa désignation qu'à l'appoint des adhérents
à 20 euros, en révolte contre les apparatchiks. Ce que l'on a appelé le flou de ses positions n'était que l'effet des contradictions entre le programme
de son parti et les aspirations de ses électeurs. Ce tiraillement permanent l'a empêchée de développer un programme social-démocrate cohérent.
Depuis 2005, les grandes intelligences du PS n'ont cessé de développer des analyses stupides. Interprétant à tort le non au référendum comme une poussée
de l'extrême-gauche, alors que ce n'était qu'une bouffée de protectionnisme et de nationalisme, une véritable surenchère tint lieu d'organisation du débat
dans le parti. On vit Fabius courir derrière Bové, DSK derrière Fabius, et Hollande derrière DSK, dans une course à la radicalité qui comprenait la généralisation
des 35 heures, la hausse des impôts, la re-nationalisation provisoire des grandes entreprises, la régularisation de tous les sans-papiers, et j'en passe.
On donna l'hégémonie intellectuelle sur la gauche à un faux paysan à moustaches qui, à chaque fois, remettait une thune dans le bastringue. Tout cela est
bien mou, bien insuffisant, clamait-il. L'Attila des OGM vient de se retrouver avec 1, 32 % des voix parce que les concierges de l'immeuble ont plus de
bon sens que les professeurs au Collège de France, mais le mal est fait.
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Et maintenant quel avenir pour Ségolène Royal ? On ne la remerciera jamais assez d'avoir évité à la gauche l'humiliation d'une deuxième élimination, qui
lui pendait au nez, au premier tour de la présidentielle. On veut espérer que dans les semaines à venir tous les chefs du parti auront la dignité, à défaut
de dignité l'intelligence, à défaut d'intelligence l'instinct de survie pour faire bloc autour de Ségolène Royal et de François Hollande. Qui, de ce couple
étonnant ou de Dominique Strauss-Kahn, conduira la modernisation intellectuelle du parti, dont le besoin est devenu criant ? Toutes ces questions se poseront
après les législatives, car il s'agit d'abord d'y faire bonne figure et d'empêcher un seul homme, un seul parti de s'emparer de tous les leviers de commande
politiques, économiques, financiers et médiatiques de la société française. Mais il ne sera que temps, ensuite, pour le Parti socialiste de s'engager dans
la voie ouverte par sa candidate. Sinon, si rien ne bouge, tout sera en place pour la prochaine déroute, programmée pour 2012.
 
 Jacques Julliard
Le Nouvel Observateur

le piège des legislatives pour Bayrou!

Jeudi 10 mai 2007
 
Bayrou : le piège des législatives
 
 
 
Le soir du premier tour de l'élection présidentielle, François Bayrou, avec ses 18, 5 %, apparaissait comme le champion incontesté du centre. Au soir du
second tour, il n'est plus que le leader d'une petite fraction du centre : la quasi-totalité des parlementaires UDF ont appelé à voter Sarkozy, faisant
fi de l'hostilité viscérale de leur président envers le candidat UMP. Pis : aux prochaines élections législatives, ils devraient se ranger sous la bannière
« majorité présidentielle » et déserter le mouvement démocrate qui devrait prendre la place de l'UDF.
Et pourtant François Bayrou continue de croire qu'il est dans le sens de l'histoire. Construire un centre indépendant : telle est la tâche à laquelle il
se consacre depuis 2002. Tel sera son objectif aux prochaines élections législatives. Qu'importe à ses yeux s'il perd en route des parlementaires trop
pressés d'aller à la soupe. Foi de Bayrou : il y aura des candidats démocrates dans toutes les circonscriptions, et ces candidats feront un score substantiel.
Après le premier tour, le président de l'UDF a fait un rêve. Sur la foi de ses propres résultats, il a cru qu'il pourrait contraindre l'UMP et le PS à
plus de 400 triangulaires. C'est très exagéré, mais le troisième homme de la politique française est convaincu que l'élan qu'il a suscité à la présidentielle
va, si ce n'est s'amplifier, du moins se confirmer aux législatives.
Au moins au premier tour. Car il aura ensuite à gérer, comme à la présidentielle, un second tour délicat. Avec qui passer des alliances pour avoir in fine
un groupe à l'Assemblée nationale ? Afin de marquer son indépendance, Bayrou aimerait pouvoir signer des accords, ici avec la gauche, là avec l'UMP. Difficile
d'imaginer que les deux partis dominants se prêtent au petit jeu des alliances à la carte. Sauf s'ils y trouvaient leur profit...
Pour François Bayrou, c'est une sorte de malédiction : à chaque fois qu'il se présente à l'élection présidentielle, il déclenche un puissant exode d'élus
UDF vers l'UMP. En 2002, c'était normal : il avait fait un score médiocre ( 6, 8 % ). En 2007, cela peut paraître plus surprenant : il a triplé son score.
Mais le scrutin majoritaire a une logique impitoyable : le centre n'a pas encore atteint la taille critique qui lui permettrait de prospérer. François
Bayrou ou le Sisyphe de la politique française...
 
 Hervé Algalarrondo
Le Nouvel Observateur

Ceux qui ont le pouvoir!

. LES DÉCIDEURS
 
 
 
L'ami en béton
 
Martin Bouygues, 55 ans Un intime de Nicolas Sarkozy depuis plus de vingt ans : le PDG du groupe Bouygues, et actionnaire principal de TF 1, fut même son
témoin lors de son mariage avec Cécilia. Entre habitants de Neuilly, on sympathise... surtout quand on peut se rendre service. L'avocat d'affaires q u'est
aussi Nicolas Sarkozy a ainsi travaillé pour le groupe Bouygues, quand il n'était pas au gouvernement. Son élection aura des conséquences essentielles
pour l'avenir de son ami Martin. Celui-ci était devenu le principal actionnaire du groupe Alstom lors du dernier passage de Nicolas Sarkozy à Bercy, et
il est maintenant intéressé par la prise de contrôle d'Areva et de la filière du nucléaire civil. Pour se payer Areva, Martin serait prêt à vendre sa division
de téléphonie mobile.
 
 ET AUSSI
 
François Pinault a même fait du vélo avec Sarkozy. Mais les deux hommes se sont ( un peu ) éloignés ; Patrick Kron , le sauveur d'Alstom, a l'oreille du
nouveau président. Son rêve : s'associer à Bouygues pour démanteler Areva ; Jean-Claude Dassier , le patron de LCI, est peutêtre le plus sarkozyste des
dirigeants de TF 1... Nicolas Beytout , le directeur du « Figaro », n'est pas moins sarkozyste, et certains l'annoncent à Bercy. La proximité du président
avec Stéphane Courbit , le patron d'Endemol France, confirme sa fascination pour la télé.
 
 Henri de Castries, 52 ans Cet aristocrate passé par HEC et l'ENA s'est hissé à la tête d'Axa en 2000, sous la houlette de son mentor, Claude Bébéar, le
parrain du capitalisme français. Malgré ses allures lisses, ce catholique pratiquant, amateur de chasse et d'histoire, s'est imposé comme un poids lourd
du CAC 40. Il a fait partie des patrons les plus consultés par Sarkozy durant la campagne.
Arnaud Lagardère , 46 ans Nicolas ? « C'est mon frère », assure Arnaud. C'est vrai qu'ils se rendent des services : Nicolas dénoue le dossier « héritage
» d'Arnaud, qui renvoie le patron de la rédaction de « Paris Match » qui énerve Nicolas. Mais le gros morceau est à venir : Arnaud Lagardère veut vendre
sa participation de 7, 5 % dans EADS. A l'Elysée de donner le feu vert.
Jean-Pierre Elkabbach, 69 ans Que se passe-t-il à Europe 1 ? L'audience n'est pas au top, et l'ambiance interne est encore pire. Serait-ce la méthode Elkabbach
qui est contestée ? Nicolas Sarkozy avait joué un sale tour à la crédibilité de la station en révélant que son patron « JPE » - qui dirige par ailleurs
la chaîne Public Sénat - lui avait demandé son avis avant d'engager une journaliste...
Antoine Bernheim, 82 ans Fils d'un marchand de biens parisien, l'ancien associé gérant de Lazard, qui a redressé la compagnie d'assurances italienne Generali,
est au coeur des réseaux de Sarkozy dans le monde économique. Le nouveau président ne cache pas son respect pour ce vieux lion des affaires, qu'il a invité
à son 50 e anniversaire. Bernheim entretient avec Sarkozy un lien quasi filial.
Anne Lauvergeon, 47 ans Les Américains la classent régulièrement en tête des palmarès des « femmes les plus puissantes de la planète ». Silhouette de star,
CV de crack, cette normalienne passée par l'Ecole des Mines de Paris pilote Areva, poids lourd mondial du nucléaire. Ancien sherpa de Mitterrand, soutenue
par Chirac, elle a bluffé Sarkozy, qui la veut dans son gouvernement.
Bernard Arnault, 58 ans L'autre témoin de Sarkozy lors de son mariage avec Cécilia... Le nouveau président goûte les patrons du CAC 40. Les Sarkozy et
les Arnault ont fait autrefois plusieurs voyages ensemble. Malgré des rumeurs d'éloignement, Arnault était là quand, le 14 janvier au soir, le futur président
a réuni l'ensemble de ses proches après son premier meeting de candidat.
 
 

au règne de la vacuité, il est aisé de passer pour un intellectuel!

7. LES INTELLOS
 
 
 
Max Gallo, 75 ans Chevènementiste en 2002, le voici sarkozyste, poursuivant son évolution à droite. Le grand Max, jusqu'ici simplement patriote, a redécouvert
l'épopée chrétienne et décrit désormais la République comme la fille aînée de l'Eglise ! Il a souflé à Sarkozy quelques envolées nationales. Mais supporterait-il
une rechute busho-atlantiste de son champion ?
Nicolas Baverez, 46 ans Entre libéralisme et gaullisme, il est devenu le contempteur du déclin français, cette maladie dont Sarkozy doit nous guérir. Baverez
a longtemps été le tenant d'une droite populaire... Le voici conseiller de l'ami des patrons ! Il rage contre le déclin industriel français comme un colbertiste
classique, mais croit plus à une relance libérale qu'au rôle moteur de l'Etat.
Alain Finkielkraut, 57 ans Encore une prise de guerre, même si « Finki » n'a pas appelé formellement au vote Sarkozy. Fâché avec la gauche et la modernité,
Finkielkraut a trouvé en Sarkozy l'antisoixante-huitard un lecteur et un défenseur :
« Il fait honneur à l'intelligence française »,
avait déclaré Sarkozy lors de la polémique sur l'équipe de France « black-black-black ».
Georges-Marc Benamou, 50 ans Mitterrandolâtre sous Mitterrand, le voici sarkozyste sous Sarkozy. Le journaliste, archétype de l'opportuniste pour ses nombreux
détracteurs, vient de la gauche caviar et atlantiste : un courant séduit par Sarkozy. Mais il est d'autres raisons moins nobles : Claude Guéant a soutenu
auprès de France 3 l'excellent Benamou, producteur de « la France en chansons »...
Alain Minc, 58 ans Sarkozy et Minc, c'est une longue histoire, depuis les années Balladur. Mais cette histoire est-elle cohérente ? Minc, poète de la mondialisation
heureuse et gardien du cercle de la raison, avait théorisé l'alternance entre gauche raisonnable et droite modérée... Le Sarkozy qu'il appuie est franchement
de droite. Mais entre l'ami des grands patrons et leur conseiller émérite, va-t-on chipoter ?
Jacques Attali, 64 ans « Découvreur » de Ségolène Royal, il n'a peut-être pas voté Nicolas Sarkozy, mais il est son ami et voisin à Neuilly. Supporter
des deux candidats, l'ex-maire du palais mitterrandiste était sûr de retrouver ses entrées à l'Elysée. Ce défenseur du microcrédit, de l'écologie, du dialogue
méditerranéen et de la réduction de la dette va raconter le futur à son ami président.
 
 L'atlantisme au coeur
 
André Glucksmann, 69 ans Si un intellectuel français se rapproche du modèle néoconservateur américain, c'est lui, « Glucks », venu de l'extrême-gauche et
finissant à droite au nom du combat pour la liberté. L'ancien mao jadis défenseur des dissidents soviétiques, aujourd'hui du Darfour et de la Tchétchénie,
théorise la supériorité morale et politique d'un Occident décrit comme le territoire des droits de l'homme. L'atlantisme du nouveau président va droit
au coeur de Glucksmann, qui avait soutenu l'intervention américaine en Irak, et rompu avec une gauche marquée par le tiers-mondisme. Sarkozy, pendant la
campagne, a valorisé cette belle prise de guerre au camp ennemi ! Mais le prophète n'a pas l'étoffe d'un philosophe de cour. Pourra-t-il longtemps rester
sarkozyste ?
 
 ET AUSSI..
 
Maurice Druon , poète gaulliste, chantre de la Résistance, un label de qualité « mon général » pour le président ! José Frèches , écrivain prolifique et
griot internautique de Sarkozy. Patrick Buisson , analyste et journaliste politique que Sarkozy estime. Jean d'Ormesson , inaltérable plume de droite,
pour qui le nouveau président a beaucoup d'affection.

La Cour du Président!

6. LES PEOPLE
 
 
 
Johnny Hallyday, 63 ans Avec Johnny, Sarkozy s'offre un morceau d'histoire de France, de chiraquisme et de « Paris Match ». La gaffe de l'idole des jeunes,
exilé fiscal en Suisse, n'a pas démonté Sarkozy, qui a promis publiquement à son ami de lui donner envie de revenir, dans une France guérie de l'inquisition
fiscale ! Le futur bouclier fiscal s'appellera-t-il « amendement Johnny » ?
Jean Reno, 58 ans Plus qu'un people, un pote. Sarkozy fut témoin à son mariage, et ces deux-là partagent soirées et vacances. Leurs physiques les séparent,
mais leur ressemblance est quasi philosophique : Jean Reno est enfant d'immigré, il a tourné aux Etats-Unis, apprécie l'efficacité des machines américaines,
et n'a pas peur en France de défendre le cinéma populaire. Cela rappelle quelqu'un ?
Jean-Marie Bigard, 53 ans L'immortel poète du « Lâcher de salopes » est aussi capable de tendresse et d'engagements humanitaires. Et puis cet enfant de
Robert Lamoureux plaît au grand public ! Tout Sarkozy, en somme... A Bercy, lors du dernier meeting parisien de son ami Nicolas, il a « beaufisé » à plaisir
(« J'ai déjà bourré Bercy ») avant de lui rendre un hommage gouailleur.
Faudel, 28 ans Un petit prince du raï, ami du grand méchant loup des cités ? Cela fait un moment que Faudel appuie Sarkozy : il l'avait même encouragé
lors des émeutes de banlieue. Sa chanson « Mon pays » est le cri du coeur d'un enfant d'immigrés qui aime la France et ne la quittera pas. « J'écoute Faudel
sur mon iPod quand je suis fatigué », jure Sarkozy. Une preuve par la musique !
Fabrice Luchini, 51 ans
Cela fait longtemps qu'ils se pratiquent. Depuis Balladur, Sarkozy avait même emmené son sage Premier ministre à un spectacle du poèteacteur, jadis garçon
coiffeur ! C'est une rencontre paradoxale, tant Luchini a tout pour être une icône de la gauche artistique... Sauf son côté anar, sans doute, qui l'amène
vers l'homme de l'ordre !
Arno Klarsfeld, 41 ans
C'est une affection qu'on a cru utilitaire : Sarkozy, via Arno, pouvait acheter la marque Klarsfeld, défenseurs de la mémoire depuis deux générations !
Mais Klarsfeld, sincère et provocateur à la fois, est plus qu'une caution juive... Après les lois mémorielles, les sanspapiers et les sans-abri, Sarkozy
l'a missionné pour une étude sur l'écologie et les transports !
 
 Le genre survitaminé
 
Christian Clavier, 55 ans
C'est de Neuilly que tout est parti, le fief des grands petits hommes, celui qui fait rire les Français et celui qui va les présider... Sarkozy et Clavier
sont amis, sans surexposer leur relation. Clavier ne donne pas dans la proclamation politique, mais il est là, fidèle, présent, et nul ne l'ignore. La
relation privée, très forte, fait écho à des images superposables. Ces deux-là s'assemblent et se ressemblent dans le genre speedéssurvitaminés ! Au surplus,
Clavier et Sarkozy sont tous deux adeptes de l'efficacité sans fausse honte, et des grands moyens pour les besoins de la cause. Les grimaces et gags surabondants
de Clavier, roi des blockbusters franchouilles, renvoient aux démesures des meetings sarkozystes.
 
 ET AUSSI..
 
Basile Boli , héros de l'OM, sportif de gauche depuis toujours, rallié à l'énergie sarkozyenne. Bernard Tapie , jadis patron de Boli à Marseille et inventeur
du mitterrando-populisme. Enrico Macias et Roger Hanin , transfuges du mitterrandisme show-biz-pied-noir. Gilbert Montagné , rescapé de la disco des années
1980. Arthur ou le succès d'audience de la télé du copain Martin Bouygues. Véronique Genest ou la fliquette de TF 1 s'en va chez Speedy. Doc Gynéco et
Steevy Boulay , les gags, aujourd'hui sortis de l'affiche.

Les amis du Président!

Jeudi 10 mai 2007
 
5. LES AMIS
 
 
 
Le publicitaire fantaisiste
 
Jean-Michel Goudard, 67 ans Le lien entre eux s'est d'abord appelé Chirac. Père et fille. Au début des années 1990, Jean-Michel Goudard était le communicant
de Chirac ; Sarkozy, le directeur de sa cellule présidentielle. Et tous deux ont été les témoins de mariage de Claude Chirac. Quand Sarkozy a rejoint Balladur,
Goudard est resté avec Chirac. Mais ils ne se sont jamais quittés. Goudard est fasciné par le formidable appétit de Sarkozy, Sarkozy adore la fantaisie
de Goudard, publicitaire hors norme, plus manager que créatif, qui a tout naturellement rejoint son équipe en début de campagne. Il y tient un rôle clé
et discret : Cécilia a voulu placer ses propres hommes de communication. Mais l'amitié entre Sarkozy et Goudard est indestructible : depuis quinze ans,
elle résiste à tout.
 
 ET AUSSI..
 
Jacques Chancel est un vieux compagnon du président. C'est dans la maison pyrénéenne de l'ex-animateur du « Grand Echiquier » que Sarkozy a croisé pour
la dernière fois François Bayrou. Arnaud Claude est depuis de longues années l'associé de Sarkozy, au sein d'un cabinet d'avocats d'affaires. Alain Carignon
est un ami personnel du président, qui n'a jamais laissé tomber sa femme du temps où l'ancien ministre était en prison. Jacques Séguéla , bien qu'il ait
« le coeur à gauche », a finalement opté pour son pote Sarkozy.
 
 Nicolas Bazire, 49 ans Ils ont été les deux Nicolas de Balladur, l'un à Matignon, comme directeur de cabinet, l'autre à Bercy, comme ministre du Budget.
Depuis, Bazire et Sarkozy n'ont jamais cessé de se voir. Bazire est devenu l'un des proches collaborateurs de Bernard Arnault, un autre ami de Sarkozy.
Les deux Nicolas partagent toujours la même complicité, la même ambition vorace.
Thierry Herzog, 51 ans Avocat lui-même, Sarkozy a beaucoup d'amis avocats. Le meilleur d'entre eux est sans doute son propre avocat, celui qui l'a défendu
dans l'affaire Clearstream, Thierry Herzog. Les deux hommes sont de vieux potes, qui partagent la passion de la chanson française et du football. Ils se
voyaient à La Baule, où Herzog a une maison, du temps où Sarkozy y passait ses vacances.
Pierre Charon, 56 ans Les imitations et les bons mots de ce vieux complice ont le don de faire rire Sarkozy. On l'a beaucoup vu à ses côtés pendant l'été
et l'automne 2005 lorsque Cécilia était partie. Cet ancien conseiller de Chaban-Delmas, proche de Balladur, gère les réseaux d'influence de Sarkozy notamment
dans le show-biz. Il distille aussi dans les médias des confidences calculées. Un spécialiste de l'intox.
Patrick Balkany, 58 ans Il y a quelques mois, Balkany, voulant bien faire, s'était laissé aller à commenter publiquement les aventures du couple Sarkozy,
s'attirant une volée de bois vert de son ami... Mais la vieille relation perdure, entre ces deux fils d'immigrés hongrois, ces deux Rastignac des Hauts-de-Seine.
Ralenti par ses affaires, Balkany est devenu un obligé de son copain, qui a attiré toute la lumière.
Bernard Laporte, 42 ans Le nouveau président aime le sport et les sportifs. Très tôt, il a cultivé leur amitié. Certains se sont éloignés, comme Henri
Leconte, d'autres ont pris leur place, comme Bernard Laporte. Le sélectionneur de l'équipe de France de rugby était dans les tribunes de Bercy lors du
meeting du candidat UMP. Sarkozy apprécie sa faconde, même s'il est lui-même plus foot que rugby.
Didier Barbelivien, 53 ans La variété française est une autre passion de Sarkozy. Il peut passer des heures à chanter des vieux tubes avec des amis. Son
amitié avec Didier Barbelivien est déjà ancienne. Ces derniers temps, Cécilia s'est employée à l'éloigner : trop proche, Barbelivien a vécu en direct les
difficultés du couple. Mais le lien avec Sarko subsiste, insubmersible.

les femmes du Président!

4. LES FEMMES
 
 
 
Andrée Sarkozy, 81 ans Comme beaucoup d'hommes politiques, Sarkozy est un fils à maman. Son père, ayant vite déserté le domicile conjugal, le jeune Nicolas
s'est senti proche de sa mère, Andrée, dont il partage, à la différence de ses frères, la petite taille. Aujourd'hui encore, il joint tous les jours au
téléphone « Dadu » : c'est le surnom de cette femme de caractère.
Bernadette Chirac, 74 ans La « bonne fée », comme l'avait un jour appelée Sarkozy, n'a pas manqué à sa parole. Elle avait promis de le soutenir, elle l'a
fait. Non sans s'être fait prier : face au soutien minimal accordé par son mari, Bernadette Chirac ne pouvait en faire trop. Femme de droite, elle voulait
certes faire gagner son camp. Mais elle pensait aussi à préserver l'avenir.
Rachida Dati, 41 ans Elle est la révélation de la campagne. Cette fille d'immigrés pauvres - père algérien, mère marocaine, onze frères et soeurs - devenue
magistrate a su se faire accepter par la droite, depuis ce jour de 1986 où, étudiante de 20 ans, elle convainquait le vétéran gaulliste Albin Chalandon
de lancer sa carrière. Elle est aujourd'hui au coeur de la victoire.
Simone Veil, 79 ans C'est une vraie copine, et on ne le savait pas. Nicolas Sarkozy et Simone Veil ont à plusieurs reprises étalé leur complicité durant
la campagne. L'ancienne ministre de la Justice a certes critiqué le ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale prôné par le candidat UMP. Mais
sans ménager pour autant ses critiques contre François Bayrou.
Yasmina Reza, 47 ans Ils ont en commun d'avoir des origines hongroises. Avant la campagne, Sarkozy ne connaissait pas Yasmina Reza. Mais il a tout de suite
accepté que l'auteur d' « Art » le suive partout pour raconter sa prise de l'Elysée. Yasmina Reza a eu accès à toutes les réunions, même les plus confidentielles.
Son livre s'annonce comme le best-seller de la rentrée.
Elodie Grégoire , 40 ans Elle est toujours là. Reporter-photographe à l'agence Gamma, elle a suivi le ministre de l'Intérieur puis le candidat, depuis
son arrivée Place-Beauvau. Sarkozy lui a ouvert les portes de ses réunions restreintes, de sa vie familiale. Elodie Grégoire sait saisir un regard, un
geste. De ses photos, très prisées par la presse magazine, elle tirera bientôt un livre.
 
 Intermittente de l'Elysée ?
 
Cécilia Sarkozy, 49 ans Cécilia Sarkozy sera-t-elle la première dame de France ? La question peut paraître incongrue puisque son mari vient d'être élu à
l'Elysée. Mais Cécilia a tout fait pour entretenir le mystère durant cette campagne. Pratiquement invisible, souvent absente, parfois même à l'étranger,
elle a néanmoins tenu sa place, blacklistant les uns, promouvant les autres. A-t-elle envie de prendre la suite de Bernadette Chirac ? Elle affirmait que
non, du temps où son couple fonctionnait bien. Maintenant que celui-ci traverse une période de tensions, son choix est une interrogation.  Il se pourrait
que Cécilia se conduise en intermittente de l'Elysée, un jour là, un jour ailleurs, s'efforçant de vivre par elle-même, pas seulement à travers son mari
de président.
 
 ET AUSSI..
 
Rama Yade , administratrice du Sénat d'origine sénégalaise, est de l'aveu même de Sarkozy une des révélations de la campagne. Nadine Morano , députée UMP,
a été mise au piquet pour excès de tempérament. Le nouveau président, qui l'aime bien, la repêchera-t-il ? Marie-H élène Debart a longtemps écrit les discours
du maire de Neuilly avant de suivre les affaires corses place Beauvau.  Chantal Jouano est passée des Hauts-de-Seine à la cellule études de la campagne.
Conrada de la Brosse est la meilleure amie de Cécilia.

A eux les marocains!

3. LES MINISTRABLES
 
 
 
Michèle Alliot-Marie , 60 ans C'est ce qui s'appelle vendre chèrement sa peau. MAM a tout fait pour que l'élection de Sarkozy ne soit pas synonyme pour
elle de préretraite, mais de promotion. Son objectif : Matignon. Elle n'y parviendra pas : Sarkozy n'a jamais caché son peu d'estime pour elle. Mais il
l'a ménagée, pendant la campagne, et son statut de femme devrait faire le reste.
Christine Boutin, 63 ans Encore une femme qui a su gérer son statut. Christine Boutin a failli être candidate à l'Elysée, comme en 2002. Elle y a finalement
renoncé. En échange de quoi ? Beaucoup l'attendent au gouvernement, sur le contingent féminin. L'ancienne pourfendeuse du Pacs a amélioré son image, montrant
sur des dossiers comme les prisons une vraie sensibilité sociale.
Christian Blanc, 65 ans L'ancien directeur de cabinet de Michel Rocard a eu sa période Bayrou : il est encore député apparenté UDF des Yvelines. Mais il
a fait partie des centristes qui ont rallié Sarkozy dès le premier tour. Le nouveau président éprouve une réelle estime pour lui. Le vrai problème pour
Christian Blanc est qu'il y a pléthore de parlementaires UDF candidats au gouvernement.
Christine Albanel, 51 ans La présidente du château de Versailles est une vieille amie de Sarkozy. Ils se sont rencontrés au début des années 1990, dans
l'équipe chiraquienne. Mais tandis que Sarko « trahissait » pour Balladur, Christine Albanel est restée la « plume » de Chirac. En début de campagne, le
poste de la Culture paraissait promis à cette femme très vive, à l'intelligence aiguë.
Valérie Pecresse, 39 ans L'une des femmes les plus prometteuses de l'UMP. Longtemps étiquetée chiraquienne - elle fut de 1998 à 2002 conseillère à l'Elysée
chargée de la prospective -, elle a su se faire admettre dans l'équipe Sarkozy par sa connaissance des dossiers. Audelà d'un solide cursus - HEC, ENA...
-, elle a à son actif une mission d'information remarquée sur la famille.
Maurice Leroy, 48 ans Voilà un « bayrouiste » très sarko-compatible. Maurice Leroy a une carrière politique très sinueuse : d'abord communiste, puis proche
de Pasqua, il est devenu député UDF du Loir-et-Cher. Sa culture « stalinienne » l'a conduit à dénoncer avec virulence pendant longtemps les UDF qui regardaient
un peu trop vers l'UMP. Mai, il ne résistera pas à un appel de Sarkozy.
 
 La tentation de Bercy
 
Xavier Bertrand, 42 ans Un professionnel et un ambitieux comme les aime Sarkozy. L'ex-ministre de la Santé, devenu l'un des porte-parole du candidat, a
su séduire Sarkozy en lui apportant son soutien dès le mois d'octobre. Elu député de l'UMP en 2002, cet agent général d'assurances a fait une carrière
nationale éclair : poussé par Alain Juppé, il anime le débat sur les retraites et devient secrétaire d'Etat en 2004. Mais il est entré au RPR il y a vingt
ans dans l'Aisne, dont il est le secrétaire départemental. Rond, gros travailleur, il a longtemps cultivé une bonhomie qui ne trompe plus personne à l'UMP.
A la manière de son nouveau champion, il ne cache plus son désir d'aller beaucoup plus haut. Un ministère ?  Sûrement. Bercy ? Il laisse dire.
 
 ET AUSSI..
 
Eric Besson , le transfuge du PS, pourrait être récompensé de s'être mis si servilement au service de Sarkozy.  Hervé Morin , le président du groupe UDF,
serait une prise de choix pour l'UMP. Roselyne Bachelot est aussi bien vue par Fillon que par Sarkozy. Nathalie Kosciusko-Morizet a souvent accompagné
le candidat UMP en fin de campagne... André Santini , UDF, pourrait se voir remercier d'avoir soutenu Sarkozy dès le premier tour. Richard Descoings, le
directeur de Sciences-Po est également cité.

La Garde rapprochée!

mercrdci 9 mai 2007
 
1. LA GARDE RAPPROCHEE
 
 
 
ET AUSSI..
 
Christian Estrosi a longtemps été le premier des députés sarkozistes. Il pourrait devenir président du groupe UMP à l'Assemblée. Roger Karoutchi , sénateur,
ami de trente ans de Sarkozy et de surcroît bien vu par Cécilia, est le diplomate du nouveau président. David Martinon , poussé par Cécilia, a été le chef
de cabinet du candidat. Sans convaincre.  Lui aussi poussé par Cécilia, François de la Brosse a animé le site internet de Sarkozy. Jérôme Peyrat a été
le mécanicien de la campagne, comme il était celui de l'UMP.
 
 Henri Guaino, 50 ans
Jaurès et de Gaulle dans les discours de Sarkozy, c'est lui. En 1995, cet économiste féru d'histoire, proche de Séguin et de Pasqua, pourfendeur de la
pensée unique (balladurienne), avait contribué au succès de Chirac. Il a cette fois mis son talent et sa plume au service de Sarkozy, qui aimerait le garder
à l'Elysée. Guaino préférerait la direction d'une grande entreprise comme EDF.
 
Laurent Solly, 37 ans
C'est le plus jeune des Sarko boys. Repéré par Cécilia Sarkozy en 2004, ce sous-préfet a vite grimpé les échelons. Chef de cabinet du ministre de l'Intérieur
en 2004, il a été le directeur adjoint de sa campagne présidentielle. Sarkozy apprécie sa rapidité, son efficacité, sa discrétion. Sa spécialité : les
sondages, qu'il décortique chaque jour. Il devrait suivre son boss à l'Elysée.
 
Franck Louvrier, 39 ans
De loin le mec le plus sympa de l'équipe Sarko. Ça tombe bien : il est en charge des relations avec les journalistes. Rond, jovial,  Franck Louvrier ne
se crispe que lorsque son patron est à cran. Entré en politique dans le sillage d'Elisabeth Hubert, ministre de la Santé en 1995, au service de Sarkozy
depuis 1999, il est devenu incontournable.
 
Emmanuelle Mignon, 39 ans
Sarkozy l'a dénichée en appelant dès son arrivée Place-Beauvau le vice-président du Conseil d'Etat : « Quel est ton meilleur élément ? » C'était elle.
Il a fait de cette énarque frottée au scoutisme et diplômée de l'Essec sa conseillère juridique, sa plume et sa directrice des études à l'UMP. Travailleuse
forcenée, cette libérale a inspiré les projets législatifs et présidentiels.
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François Sarkozy, 47 ans
Autant Nicolas Sarkozy entretient des relations orageuses avec son frère aîné Guillaume, un temps vice-président du Medef, autant il se sent proche de
François, un pédiatre devenu manager. C'est chez lui que Sarkozy a reçu ses amis, le soir de son discours « fondateur » du 14 janvier, et c'est dans sa
maison du Midi qu'il s'est parfois réfugié pendant la campagne.
 
Frédéric Lefebvre, 44 ans
Le champion toutes catégories des relations avec le Parlement. Pilier de la bande des Hauts-de-Seine (il est adjoint au maire de Garches), il travaille
avec Sarkozy depuis le ministère du Budget en 1993. A la fois respecté et craint par les députés, il manie la carotte et le bâton. Il a plaidé – en vain
– pour que l'UMP soit aussi le siège de campagne. Il aura sa place à l'Elysée.
 
Respecté à droite comme à gauche
Claude Guéant, 62 ans
C'est l'homme de la confiance absolue. « Précieux  », dit de lui Nicolas Sarkozy, qui l'a connu à la fin des années 1980. Guéant était alors secrétaire
général de la préfecture des Hauts-de-Seine avant de devenir directeur adjoint du cabinet du ministre de l'Intérieur Charles Pasqua. Ce haut fonctionnaire
respecté à droite comme à gauche a dirigé les cabinets de Sarkozy depuis 2002. Très vite ce dernier lui a tout délégué, au point de lui laisser tenir la
Place-Beauvau tandis qu'il se comportait déjà en candidat. Directeur de la campagne malgré les réticences de certains, qui redoutaient son inexpérience
politique, il a su calmer les uns, écouter les autres. Sa règle : « Déléguer à condition de tout savoir. » Il devrait être secrétaire général de l'Elysée.
 
 

La cote de Sarkozy mise à Malte!

Mercredi 9 mai 2007
 
élu depuis trois jours
 
Sarkozy à Malte: 17 années de Smic et 36 années de RMI, selon l'Apeis (chômeurs)
PRÉSIDENTIELLE-FRANCE-MALTE-PRÉSIDENT-CHÔMEURS - 09/05/2007 15h09 - AFP
 

PARIS, 9 mai 2007 (AFP) - L'association de défense des chômeurs et précaires Apeis a jugé mercredi que Nicolas Sarkozy "affiche la couleur" pour son mandat,
avec ses trois jours à bord d'un yacht qui représentent "environ 17 années de salaires pour un smicard et 36 années de revenus pour un Rmiste".
Le président élu a envoyé "un message clair à ses amis naturels grands patrons, actionnaires et millionnaires en leur signifiant qu'il est bel et bien
des leurs" et un "message indirect aux salariés" qui "signifie je vous ai bien eus, nous ne sommes pas du même camp".
"Travailler plus pour gagner plus est le slogan principal du candidat Sarkozy; ses trois jours de repos, certes bien mérités après la campagne électorale,
ont coûté au bas mot 200.000 euros, ça en fait des heures supplémentaires", souligne l'association.
L'Apeis estime que les Français vont "collectivement et individuellement payer cher cette victoire de Nicolas Sarkozy: dès qu'il sera bien reposé, il va
s'attaquer au code du travail, au service minimum, aux droits des salariés et des chômeurs".
Le Smic mensuel brut s'élève à 1.254,28 euros depuis le 1er juillet 2006, le Revenu minimum d'insertion (RMI) à 440,86 euros pour une personne seule.

la rupture c'ets eux!

Mercredi 9 mai 2007
 
Aujourd'hui, ce sont eux qui incarnent la fameuse « rupture »
 

LES 1OO DE SARKOZY
 

C'est la prochaine équipe de France : dans quelques jours, ces hommes et ces femmes vont gouverner l'Hexagone. La fameuse « rupture », ce sont eux qui
vont l'incarner.
Dans cette équipe victorieuse, deux hommes se détachent : Claude Guéant et François Fillon. Ils devraient être les deux piliers du nouveau régime. Le premier
est un préfet qui a dirigé tous les cabinets de Nicolas Sarkozy depuis 2002 et qui est appelé à devenir secrétaire général de l'Elysée. Le second a fait
toutes les écuries de la droite. Fillon a été successivement séguiniste, balladurien, chiraquien avant de devenir sarkozyste. Aujourd'hui, il est le premier
d'entre eux et, comme tel, il devrait être nommé Premier ministre.
Guéant et Fillon ont en commun d'être des personnages discrets, plus réputés pour leur expérience que pour leur flamboyance. On le sait : la lumière sera
sur Sarkozy lui-même. Autant Jacques Chirac a été un président sous-exposé, qui ne communiquait avec les Français que deux fois par an, le 14 juillet et
le 31 décembre, autant Nicolas Sarkozy compte se surexposer, multiplier les conférences de presse et les messages à la nation. Guéant, Fillon et leurs
acolytes n'en vont pas moins avoir une mission essentielle : celle de mettre en musique la parole sarkozyenne.
Pour la première fois en France, un gouvernement, resserré - 15 ministres seulement dans un premier temps, jusqu'aux législatives -, sera paritaire. Il
y a aura donc parmi les nouveaux visages du gouvernement d'assez nombreuses femmes. Mais tout ne sera pas neuf dans ce gouvernement. Paradoxalement, il
pourrait compter en son sein les deux grandes figures du chiraquisme triomphant de 1995, Alain Juppé et Philippe Séguin. C'est ainsi : le nouveau président
aime les « vieux » et fait profession de ne pas dédaigner le talent. Au point qu'il cultive des amitiés transpartisanes avec des personnalités comme Jacques
Attali ou Yasmina Reza. Célèbres ou inconnus, sexas ou quadras, politiques ou people, intellos ou patrons, voici les 100 qui composent la phalange sarkozyenne.
Ils ont gagné. Pour eux, les difficultés commencent.
 
Dossier réalisé par HERVÉ ALGALARRONDO, CLAUDE ASKOLOVITCH, CAROLE BARJON, CLAUDE SOULA, NATACHA TATU et la DOCUMENTATION du « NOUVEL OBSERVATEUR ».
 
 Hervé Algalarrondo
Le Nouvel Observateur

Un regard prospectif!

Mardi 8 mai 2007
 
Benoît Hamon, Entretien dans le journal 20 Minutes. | 7 mai 2007
 

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Quel est votre sentiment à la lecture des résultats ?
 
On ne s'attendait pas à une défaite aussi nette. C'est une grosse déception, surtout si on se retourne sur le scénario « successful » qui aurait dû être
le notre. Victoire aux régionales, mouvements sociaux d'importance, crises gouvernementales, CPE… Si on ajoute Le Pen et Bayrou pour troubler le jeu, on
aurait quand même dû être favori.
 

Mais on s'est heurté aux conséquences, qu'on a peut-être sous-estimées, d'un travail très ancien de la droite sur la société française. Un combat gagné
sur la dialectique, qui a imposé des définitions au peuple sur des mots tels que mérite, travail, sécurité, immigration, et qui a rendu nos réponses infructueuses.
 
Quel avenir désormais pour le PS ?
 
Il faut nous inscrire dans la construction d'un grand parti de gauche avec une base électorale à 30/35%. La tâche qui est la nôtre, c'est de ne pas tomber
dans l'euphorie des 47%, ni dans la déprime post-47%. Pour cela, on doit s'adresser à ceux qui font vivre la gauche, du PCF à la LCR en passant par les
Verts. Il nous faut mettre de la clarté dans tout ça, dans nos débats et relancer les bases d'un grand projet de gauche.
 
Que pensez-vous de l'attitude de Ségolène Royal et de son discours d'après-résultat, à l'opposé de Jospin en 2002 ?
 
Jospin avait permis une chose en se retirant : il réglait de fait la question de la responsabilité de la défaite. Là, on doit se poser la question du diagnostic
et se demander qu'est-ce qui justifie la défaite ? On ne peut pas demander à Ségolène Royal de sortir de la campagne dès ce soir, mais le Premier secrétaire
va devoir prendre ses responsabilités et rebondir tous ensemble, collectivement. Il faut se faire à l'idée que le parti pour lequel on militait n'existe
plus.
 
Quelle stratégie adopter pour les législatives ?
 
Il faut défendre l'idée que les Français doivent donner des contre-pouvoirs puissants pour éviter que Sarkozy puisse tomber dans les excès que l'on redoute.
Sincèrement, on ne va pas chercher la grande révolution démocratique en cinq semaines. J'espère qu'il n'y aura pas de confusion avec un éventuel renversement
d'alliance.
 
L'ouverture au centre ne vous semble pas crédible ?
 
Si on avait gagné, on pouvait se poser la question. Dès lors qu'on a paumé… Franchement, si nos candidats doivent se traîner un débat sur les alliances
avec l'UDF durant toute la campagne, on ne s'en sortira pas. Je n'imagine pas DSK vouloir faire émerger un centre fort, car il sait comme moi que le parti
de Bayrou n'a comme seul objectif d'être présent au second tour en 2012 face à Sarkozy. On va quand même pas lui donner un coup de pouce pour ça…
 
Propos recueillis par Stéphane ALLIES

le sacre

Mardi 8 mai 2007
 
Depuis le temps qu'il en rêvait...
La longue marche du président Sarko
L'élection du candidat de l'UMP est à la fois le triomphe d'un homme, le fruit d'une stratégie audacieuse et l'aboutissement de la reconstruction d'une
vraie droite en France. Pour gagner, Sarkozy a su faire oublier ses trois anciens mentors : Pasqua, Balladur et surtout... Chirac. Comment célébrer l'alliance
majoritaire des très riches et des classes populaires ? C'est la clé d'une victoire imaginée dès le lendemain de la présidentielle de 2002. Un récit de
Carole Barjon
 

Cest une victoire éclatante, presque un triomphe. Un choc pour la France. Pour ceux qui l'attendaient aussi bien que pour ceux qui le redoutaient. 53 %
! Dans ce chiffre, il y a tout l'espoir des uns et la colère des autres. Ce score dessine le visage d'une nouvelle France politique : une droite plébiscitée
et populaire face à une gauche amère, désavouée par le peuple.
Sarkozy-le-rouleau-compresseur a tout écrasé sur son passage. En un dimanche, tout semble avoir été oublié. La violence du personnage, les pressions sur
la presse que l'on dénonçait quelques semaines plus tôt, la menace de main mise sur tous les leviers de l'Etat. Son score est inespéré pour un candidat
issu de la majorité sortante. Depuis que la Cinquième existe, on n'avait jamais vu ça. Dans le livre des records, Sarkozy s'approche du niveau des plus
grands : de Gaulle ( 55, 2 % en 1965 ) et Mitterrand ( 54, 01 en 1988 ) Après douze ans de pouvoir chiraquien et cinq ans au gouvernement, le candidat
de l'UMP était logiquement promis aux enfers de l'opposition, conformément à la loi de l'alternance. Seul Giscard, sorte d'accident de l'histoire, avait
réussi à incarner le changement dans la continuité, en 1974, mais après une campagne éclair due à la mort de Pompidou.
Sarkozy a réussi, après presque cinq ans au gouvernement, à gagner une élection dans laquelle la gauche disposait de formidables atouts. Un véritable tour
de force qui efface toutes les humiliations du passé, la défaite avec Balladur en 1993, son échec personnel aux élections européennes de 1999. Ultime satisfaction
: ce vote, comme l'a noté le sociologue Jean Viard qui parle de « vote restructurant » , n'est pas - pour la première fois depuis longtemps - un choix
par défaut mais un vote d'adhésion.
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Ce sacre, c'est l'aboutissement d'une longue marche vers le pouvoir entamée à la fin des années 1970, à l'époque où, à cet ami qui lui prédisait une carrière
de ministre, Sarkozy répliquait : « Non, président de la République » . Il l'a toujours dit : « Ceux qui réussissent sont ceux qui le veulent plus que
les autres. Et moi, j'en ai plus envie que d'autres . » De cette profession de foi, il a fait sa marque de fabrique. Sarkozy-la-gagne. Un jour qu'il commentait
l'engagement résolu du « Nouvel Observateur » en faveur du référendum constitutionnel européen de 2005, il a eu ce mot qui dit tout : « Vous avez défendu
vos idées , oui, mais vous avez perdu ! » Du Sarkozy tout craché. La culture du résultat, la réussite, le succès, c'est cela qui compte d'abord. Que valent
les idées si on ne les fait pas passer ?
Ses convictions, il en a, à vrai dire, peu changé sur le fond. Chabaniste à ses débuts, il fut chiraquien puis balladurien. Il a souvent changé de mentor,
pas de parti. Après la présidentielle de 1974, sollicité pour rejoindre les troupes du nouveau pouvoir giscardien, le jeune Sarkozy décline l'invitation
: « Non merci. Je ne vais pas à la soupe ». Son interlocuteur, Hugues Dewavrin, alors jeune-giscardien, qui avait tenté cette mission impossible, en est
resté bluffé, convaincu après cela qu'avec un tel tempérament « le petit Nicolas » parviendrait un jour aux sommets de l'Etat.
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Sarkozy a gagné seul. Seul contre tous : contre la gauche, contre le Front national, contre Chirac. Dès l'origine, il savait qu'il lui faudrait rassembler,
réaliser la synthèse du gaullisme du pompidolisme et... du mitterrandisme. Il avait deux obsessions : remiser au vestiaire le képi de Pasqua et la chaise
à porteurs de Balladur. Il a réussi parce qu'il a neutralisé ses trois pères en politique : Pasqua, Balladur et Chirac. Il a battu le premier, effacé le
deuxième et vampirisé le troisième. Sur le papier, c'est aussi simple que ça. En pratique, ce fut une tout autre histoire...
« Cette campagne, il la gagnera ou la perdra seul » , assurait-on ces derniers mois à son quartier général parisien de la rue d'Enghien, alors qu'il n'entendait
déjà plus personne. Sarkozy n'a écouté que ses intuitions et son expérience, accumulée depuis des années. Place Beauvau, il possédait une petite armoire
dans laquelle il avait enfermé ses petits secrets. Depuis le début de sa carrière, mais plus encore depuis l'échec de Balladur en 1993, il a gardé tout
ce qui pouvait lui servir un jour : des notations per- sonnelles sur les hommes, des impressions de la rue, de la vie quotidienne, de ce qui fonctionne
ou non dans la société, l'administration, les magasins ou les entreprises, des idées griffonnées à la va-vite, une dépêche AFP, un communiqué, un petit
article de la presse régionale, la relation d'un fait divers, les récriminations des uns et des autres. Bref, tout ce qu'il jugeait significatif de l'état
d'esprit de la population ou de son évolution.
« On s'est tous juré , un jour ou l'autre , de noter ce qui ne marche pas, ce qu'on pourrait améliorer . La plupart du temps, on oublie » , racontait-il,
voici quelques années. Pas lui. Il a tout conservé. Scrupuleusement. Pour pouvoir, le moment venu, étayer ses démonstrations par des exemples, des détails
concrets. C'est dire qu'il est fin prêt lorsqu'il est désigné candidat en janvier 2007.
Car c'est en 2002 que Sarkozy a réellement entamé sa campagne présidentielle. Lorsque Chirac réélu lui donne le choix entre Bercy ou le ministère de l'Intérieur,
il n'hésite pas. C'est place Beauvau, il le sent, qu'il sera en phase avec les aspirations du pays. C'est de là, en luttant contre l'insécurité et l'immigration,
qu'il pourra le mieux réduire le Front national - « Le Pen, je vais le bouffer » , disait-il - et mettre la gauche face à ses contradictions.
Pari tenu. Au premier tour, le 22 avril dernier, il a pulvérisé le Front national. Au second, il a confirmé sa percée dans des secteurs traditionnellement
acquis à la gauche. Certes, le fond de son électorat reste celui le la droite de toujours : les personnes âgées dont le poids est aujourd'hui décisif au
sein de la société française, les hauts revenus ainsi que les artisans, les petits commerçants, agriculteurs. Mais tout de même : il a rallié le vote ouvrier,
notamment dans le Nord et le Pas-de-Calais. Il a atteint son but : attirer les catégories populaires dans le giron de la droite républicaine.
C'était son objectif depuis 2002. Quelques semaines avant la réélection de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy signe avec Henri Guaino - devenu aujourd'hui
la « plume » de ses discours - une tribune dans « le Monde » intitulée « Pour en finir avec un mythe ». Tout l'esprit de sa future campagne y figure déjà.
Il y fustige « le stéréotype d'une gauche soi-disant morale qui aurait le monopole de la justice sociale et du sens de l'Etat » qui a « déserté le terrain
de la souffrance sociale pour celui des revendications identitaires » . « Laissez dormir la gauche de Jaurès et de Léon Blum » , conclut alors le duo Sarko-Guaino.
Déjà.
Au fond, pour Sarkozy l'élimination de Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle, le 21 avril 2002, n'avait rien d'un accident. Il en fait depuis
longtemps l'analyse.
« La gauche est enfermée dans ses vieux schémas » , observait-il peu après la réélection de Chirac. Sarkozy a beaucoup d'appétit et l'es- prit large...
Il veut séduire les catégories populaires mais aussi les classes moyennes et même l'élite intellectuelle, même les « bobos ».
« C'est aussi vous que je veux convaincre » , lance-t-il ainsi un jour au « Nouvel Observateur », alors qu'il est au zénith dans les sondages. Mais pour
désarçonner la gauche, il doit lui donner des gages. D'où ses prise de position en faveur de l'abolition de la double peine pour les étrangers en situation
irrégulière - qu'il fera voter - ou du vote des étrangers aux élections locales - qu'il avancera un temps avant de l'abandonner prudemment en cours de
campagne pour ne pas trop heurter les électeurs frontistes.
Dès son arrivée place Beauvau, le futur président a pris la gauche à revers. Avec son assentiment. A Sangatte, lorsqu'il va ordonner la fermeture du centre
de réfugiés, on le voit bras dessus, bras dessous avec Jack Lang, devenu plus tard porte-parole de la candidate socialiste. Guy Bedos, Pierre Arditi et
même Bertrand Tavernier, lui apportent leur soutien. Il jubile. Il est sûr d'être dans la bonne direction. Et pas seulement sur le terrain de l'insécurité
ou de l'immigration.
Car Sarkozy n'a jamais pensé que le silence de l'opinion face, par exemple, aux grèves à répétition dans les transports valait approbation. Il n'a jamais
cru, sauf pour les retraites et le CPE, à la thèse des grèves par procuration en vogue depuis les mouvements de 1995. « Quelle bêtise ! disait-il. Les
gens ne disent rien parce qu'ils sont civilisés et démocrates . Mais ils n'en pensent pas moins. Et à la fin ils votent » . Et de conclure souvent : «
La gauche persiste dans l'erreur . Tant mieux pour moi » .
Mêmes certitudes après les élections régionales de 2004. Pour le ministre de l'Intérieur d'alors, la Berezina de la droite ne signifie en rien une adhésion
du peuple français à la gauche ou au PS. Les satisfecit que s'accorde alors le premier secrétaire du PS François Hollande lui semblent « à côté de la plaque
» . A ses yeux, les résultats expriment surtout un double rejet : celui de Jean-Pierre Raffarin et donc de Jacques Chirac qui a maintenu le Premier ministre
à son poste envers et contre tout.
La séquence des émeutes de novembre 2005 ne fait que le conforter dans son analyse. « Heureusement pour nous, la gauche n'a rien compris. Elle conserve
ses réflexes » , observe alors, un mois après les événements, Patrick Devedjian qui redoutait pourtant encore une mue du Parti socialiste : « Si le PS
se blairise, s'il se modernise en économie et évolue sur l'insécurité et l'immigration , nous sommes morts » . A l'époque, Sarkozy décrypte ainsi la situation
: « La gauche ne veut pas comprendre que les gens ne me rendent pas responsable des violences. Ils pensent que c'est d'abord la société qui est violente
et ils me font crédit d'essayer de lutter contre. Oui, ils me font crédit . La gauche n'arrive pas à intégrer ça . C'est pourtant ce qui se passe » .
Lorsque surviendront, fin mars 2007, les violences de la gare du Nord, probablement l'un des tournants de cette campagne présidentielle, il n'a pas changé
d'avis et bondit sur l'occasion que lui offre la première réaction de Ségolène Royal. Comme il avait sauté quelques semaines auparavant sur l'occasion
de prendre à contre-pied François Hollande au moment de l'arrestation de Cesare Battisti, n'oubliant pas que le premier secrétaire du PS était allé visiter
en prison cet ancien membre des PAC ( Prolétaires Armés pour le Communisme ) réfugié en France.
Une analyse de longue date donc, qui vaut pour la gauche mais aussi pour Chirac. Sarkozy n'a pas oublié qu'au début des émeutes de 2005 le président de
la République et les siens avient entonné à mivoix l'air favori de l'opposition : « Sarkozy facteur de désordre ».
De quoi Nicolas Sarkozy est-il aujourd'hui le plus fier ? Est-ce d'avoir vaincu la gauche, d'avoir réduit le FN ou d'avoir enfoncé Chirac ? Les trois sans
doute. Mais tout de même ! Quelle incroyable revanche pour le pestiféré, « le traître » de 1995 sifflé ensuite à Vincennes par le conseil national du RPR
! Quelle claque magistrale pour Chirac, « abonné » depuis 1988 à ses 20 % au premier tour, ce fameux noyau dur qu'il n'a jamais su ou pu élargir. Chirac
qui n'a cessé de répéter que Sarkozy n'était « pas un rassembleur » . Chirac tétanisé par son échec à l'élection présidentielle de 1988 et dont la carrière
se sera faite parallèlement à la montée du FN et malgré elle. Chirac dont il pense que la droite - aussi bien son électorat que ses élus - ne lui a jamais
vraiment pardonné la dissolution de 1997.
Chirac devant lequel il a dû mettre un genou à terre, après la trahison de 1993, lorsqu'il a remis les pieds pour la première fois à l'Elysée, à l'occasion
de la cérémonie des voeux du Nouvel An en 1996. Chirac qui ne l'a pas nommé à Matignon en 2002 et ne lui a proposé « que » l'Intérieur. Il lui avait alors
dit, bravache : « Pourquoi me faites-vous confiance pour être votre numéro deux puisque vous ne me faites pas confiance pour être votre numéro un ? » Chirac
qui l'a tenu en lisière pendant cinq ans. Chirac enfin « qui s'est complètement trompé » sur son analyse des résultats de l'élection de 2002. « Ah, ça
oui. C'était même notre objectif de le démontrer . C'est comme ça qu'on a construit la campagne » , souligne aujourd'hui un proche du nouveau président.
 
Dès le 21 avril 2002, la divergence d'analyse entre Chirac et Sarkozy est en effet patente. Le premier s'engage sur un discours à tous les républicains.
Le second pense, en revanche, qu'il faut élargir la majorité, répondre à « l'immense sentiment d'exaspération du peuple » mais ne renoncer en rien au programme
de la droite, selon lui, validé malgré tout lors de ce premier tour. Pour Sarkozy il faut profiter du fait que la gauche est décapitée pour mener, très
vite, quelques réformes difficiles comme celle des retraites, de l'école ou l'instauration du service minimum.
C'est de cette conviction que Chirac s'est trompé qu'il tire la certitude qu'il devra, lui, incarner la « rupture ». Il le martèle alors à ses proches
:
« Si je suis le candidat de la continuité , je suis mort » . Il multiplie donc les provocs en France comme à l'étranger, en Chine ou aux Etats-Unis. Partout
dans le monde, il n'a pas de mots assez durs, en privé, sur la présidence de Chirac. Au point que les diplomates se renseignent auprès de leurs autres
sources :
« Mais qu'est-ce qui se passe en France ? »
Lorsqu'il critiquera, sur le sol américain, la politique de la France sur l'Irak, la question de son départ est posée dans le premier cercle chiraquien.
« Il aurait fallu le virer à ce moment-là , dit un ancien ministre, mais Chirac a eu peur » .
Du coup, Sarkozy se croit tout permis. A l'approche du référendum européen de 2005 et alors que la victoire du non paraît inéluctable, il confie : « Il
y a un ressentiment incroyable contre Chirac » . Puis il se pince les lèvres de crainte d'en dire trop. Mais il va quand même jusqu'à comparer son président,
un jour de 14-Juillet, à « Louis XVI en train de monter ses serrures à Versailles tandis que la France gronde »...
Quand Sarkozy dénonce, pendant toute sa campagne présidentielle, « l'inertie » et « l'immobilisme » , il désigne le PS et sa candidate mais c'est aussi
à Chirac qu'il pense. Il estime avoir tellement bien réussi à se différencier de ce dernier qu'il se permet de jouer franc jeu à la télévision lorsqu'on
l'interroge sur son bilan et ses échecs ( la Corse ou l'augmentation des violences contre les personnes ). « Je parie sur l'intelligence des Français ,
dit-il. Les gens ne sont pas bêtes . Ils savent bien qu'on ne résout pas tout d'un coup de baguette magique. Ils me laissent une chance parce que je désigne
les objectifs qui sont aussi les leurs, parce que je parle de leurs problèmes comme eux » .
Reste à incarner cette rupture mais sans effrayer le bourgeois. Première étape : faire oublier Balladur. Sarkozy est un homme qui sait tirer les leçons
de ses échecs passés. La campagne de Balladur qui fut aussi la sienne, il l'a disséquée, décortiquée, analysée sous toutes les coutures. « L'erreur de
Balladur est d'être resté immobile , accroché à son bilan gouvernemental , a-t-il souvent expliqué. Il n'a pas su être audacieux » . Et, ajoutait-il en
confidence : « Il n'a pas assez donné de lui-même . Dans une campagne, il faut se donner. »
Autre enseignement : les balladuriens, et notamment le clan Sarkozy, ont donné d'eux une image détestable à l'époque, notamment au Parlement avec le fameux
« t'es avec nous ou contre nous ? » , prononcé sur un ton menaçant. Depuis son arrivée place Beauvau, Sarkozy s'est employé cette fois, sinon à séduire
les parlementaires - ceux de l'UMP comme ceux de l'UDF - du moins à les convaincre du bien-fondé de sa stratégie. « Le ralliement massif des députés UDF
entre les deux tours n'est pas le fruit du hasard , observe Frédéric Lefebvre, conseiller parlementaire de Sarkozy. On travaille avec eux depuis des années
. »
Soit. Disons plutôt que les députés ont compris d'eux-mêmes où se trouvait la puissance. Et on sait que Sarkozy ne plaisante pas avec les rapports de force...
 
Deuxième étape : opérer une métamorphose à la hauteur de l'enjeu présidentiel. « J'ai changé ... » Pour cela, il s'en remet à Henri Guaino, le véritable
artisan de la victoire de Sarkozy. Sarkozy a plusieurs fois croisé la route, ou plutôt le fer, de cet économiste gaulliste féru d'histoire. Souverainiste,
séguiniste, pasquaïen, Guaino est, sous l'ère Balladur, le chantre de « l'autre politique » qui donne des boutons à l'ancien Premier ministre. Il apportera
sa pierre au projet présidentiel de Chirac en 1995 et à la fameuse « fracture sociale ».
Sarkozy est alors ministre du Budget puis porte-parole du candidat Balladur. Tout les oppose donc. Ils se revoient au RPR lorsque Séguin en prend la tête
et apprennent à s'apprécier. Mais ils ne se rencontrent vraiment qu'à la veille de la présidentielle de 2002 lorsqu'ils décident d'écrire ensemble leur
tribune dans « le Monde ». Au début de l'année 2006, Guaino vient trouver Sarkozy.
« Tu ne seras jamais élu si tu es un candidat libéral , atlantiste et communautaire , lui dit-il. Aux Français , tu dois parler de la France. Je peux t'y
aider » . Quelques mois plus tard, Sarkozy prononce à Nîmes un discours remarqué sur la France. Depuis, Guaino est devenu son unique parolier. Jaurès (
dont le nom fut prononcé 27 fois à Toulouse ), Blum, de Gaulle, Jules Ferry, tout cela, c'est Guaino. L'ancien commissaire au Plan a ramené la République,
la France et la Nation dans la campagne. La mue du candidat est telle qu'il y croit lui-même. « J'ai changé... »
Retour sur terre au moment du débat de l'entre-deux-tours contre Ségolène Royal. Oublier Balladur ? Pas si facile apparemment. Tétanisé à l'idée de commettre
la faute, Sarkozy se cramponne. Et réduit le champ de ses réponses à leur plus simple expression. Plutôt petit bras que gaffeur ou roquet. C'est ainsi
qu'on passe de De Gaulle à Pompidou, de la France de Victor Hugo à celle de Balzac ( une France de propriétaires ). Sarkozy a fait la campagne déguisé
en Jean Jaurès. Voici que resurgit l'ancien ministre du Budget de Balladur. « Le seul objectif était d'éviter l'agressivité . Du coup, il a fonctionné
sur ses automatismes » . En effet. Mais qu'importe, pour lui, si Ségolène le double sur son propre terrain, celui du volontarisme. Tant pis s'il déçoit
un électorat séduit par son discours musclé ! Sarkozy estime qu'il pouvait se le permettre. Parce qu'il a commencé cette campagne il y a bien longtemps,
parce qu'il avait installé son personnage, parce qu'il avait déjà convaincu de sa poigne et de son autorité, il a fait le pari qu'il pouvait passer, l'espace
d'une joute télévisée, pour un demi-sel et que les Français, là encore, lui feraient crédit et comprendraient sa tactique.
Le candidat a surtout parié, en cette fin de campagne, sur l'échec de la stratégie de diabolisation - « Sarkozy pire que Le Pen » - menée par la gauche
et surtout l'extrêmegauche. Qui s'est levé pour condamner les propos de Le Pen le qualifiant de « candidat
venu de l'immigration , juif par sa mère ? », interroge un proche conseiller de Sarkozy. Pas grand-monde, à dire vrai. Il n'a pas échappé au président
de l'UMP, que, hormis une brève condamnation de Ségolène Royal ellemême un matin à la radio, la gauche avait été bien discrète sur le sujet. Il ne lui
a pas échappé qu'au Parti socialiste un simple communiqué de Faouzi Lamdaoui, obscur secrétaire national à l'Egalité et au Partenariat équitable, a dénoncé
« ces propos inacceptables » qui « relèvent de la xénophobie exprimée régulièrement par cet homme d'extrême-droite » , mais qu'il a ajouté : « Sarkozy
(...) est pris au piège de sa propre surenchère identitaire malsaine avec Jean-Marie Le Pen » . Sous-entendu : il ne l'a pas volé. Commentaire sur le moment
d'un proche conseiller du candidat : « Ce jour-là , la gauche a perdu son âme » . Le même s'indigne : « A part quelques éditorialistes ( NDLR : notamment
Jean Daniel dans " le Nouvel Observateur" ), qui, à gauche, se réjouit du recul historique de Jean-Marie Le Pen ? »
Voilà pourquoi Nicolas Sarkozy s'est senti autorisé à dénoncer à plusieurs reprises en fin de campagne « la faillite morale » et « la dérive sectaire d'une
petite gauche qui n'admet pas de pouvoir avoir tort » . En privé, il n'est pas en reste. « Ça me sert, confie-t-il à ses fidèles, la semaine dernière .
Les gens ne supportent plus le sectarisme » . Voilà pourquoi il pensait aussi obtenir une victoire franche, voire massive. Voilà pourquoi il apparaissait
aux siens étonnamment calme cette dernière semaine, songeant à se mettre au vert quelques jours avant de prendre ses fonctions le 16 mai.
« Oser être de droite » : c'était le titre d'une interview du député-maire de Neuilly aux « Echos » en 1998. Sarkozy a tenu son pari : rendre sa fierté
à une droite désormais décomplexée. Mais, déjà, les amis du nouveau président préviennent, comme s'il fallait se méfier de cette large victoire. « On ferait
une grave erreur de penser que c'est celle de la droite sur la gauche » , remarque Henri Guaino. C'est d'abord une victoire du volontarisme politique.
« On ne s'y trompe pas, c'est l'élection de la dernière chance, relève l'ex-ministre de la Santé Xavier Bertrand. La participation massive et le recul
du Front national sont un appel des Français aux partis de gouvernement . C'est comme s'ils nous avaient dit : bon, on essaie encore une fois. Après ,
si on ne répond pas aux attentes, on aura les extrêmes ».
Comment mieux dire que Sarkozy n'a pas droit à l'erreur ?
 
Carole Barjon
Le Nouvel Observateur