12 mai 2007

Pour rétablir la vérité!

samedi 12 mai 2007
 
Léon Blum a été accueilli par la famille de l'industriel en 1947, et non à son retour de Buchenwald.
Bolloré ou le sens des mots
Par Antoine MALAMOUD
QUOTIDIEN : samedi 12 mai 2007
Antoine Malamoud arrière-petit-fils de Léon Blum.
Pour justifier l'invitation de Nicolas Sarkozy sur son yacht, Vincent Bolloré déclarait, dans un communiqué daté du 9 mai, que sa famille avait pour tradition
d'accueillir les hommes politiques. Il citait plus précisément «Léon Blum, au retour de captivité». Ce communiqué a soulevé une polémique sur plusieurs
points. La vérité historique, tout d'abord. De retour de Buchenwald, après deux ans de captivité, le 14 mai 1945, Léon Blum retrouve son appartement dévasté.
Il est alors hébergé par Félix Gouin, président de l'Assemblée consultative, dans un appartement du palais du Luxembourg. Il peut ensuite, au cours de
l'été 1945, s'installer dans la maison de sa femme, à Jouy-en-Josas. Une éventuelle invitation par la famille de Vincent Bolloré, dont ni la famille de
Léon Blum ni les historiens n'ont relevé de traces, ne pouvait donc se situer à cette période.
Nous sommes reconnaissants à Vincent Bolloré d'avoir rendu publics les documents dont il disposait. Ces documents établissent que Léon Blum, qui n'occupait
alors plus aucune fonction publique, a rendu une visite privée à Gwen-Aël Bolloré, qu'il estimait en raison de sa conduite pendant la guerre, dans sa maison
familiale, à l'automne 1947 : en aucun cas il ne s'agissait d'accueillir Léon Blum, de «lui rendre service» en quelque sorte, à son retour de captivité.
En publiant ces documents, Vincent Bolloré reconnaît avoir commis une erreur historique dans son communiqué du 9 mai et valide, par là même, le bien-fondé
des rectificatifs émis par la famille de Léon Blum.
La vigueur de nos réactions trouve ensuite sa source dans la profonde confusion qui se dégage de ce communiqué. Il nous semble indécent de comparer l'invitation
luxueuse, mobilisant de considérables moyens, du président de la République nouvellement élu, afin qu'il se repose des fatigues d'une campagne électorale,
à l'accueil (même s'il avait eu lieu...) de Léon Blum, de retour de Buchenwald, où il avait passé deux ans, livré aux nazis par le régime de Vichy. Cette
confusion n'est pas anodine. Elle tend à faire accroire que les politiques, tous, et les grandes familles industrielles sont toujours du même monde et
que les premiers bénéficient, quoi qu'il advienne, des largesses des seconds. Cette instrumentalisation du nom et de la personne de Léon Blum, au service
de la défense des vacances offertes à M. Sarkozy, est injustifiable tant historiquement que moralement.
Homme d'Etat, socialiste, Léon Blum occupe une place particulière parmi les hommes politiques français du xxe siècle. Si sa mémoire n'appartient à personne,
contentons-nous de rappeler qu'il fut le Premier ministre du gouvernement du Front populaire, dont les lois servent toujours de socle au consensus social.
Qu'il fut toujours combattu, sur les plans politique et personnel, parfois de la façon la plus ordurière, sans que jamais sa probité ni son honnêteté n'aient
été prises en défaut.