15 mai 2007

Royale imposture!

Mardi 15 mai 2007
 
Celle que l'on a présentée comme un symbole de modernité n'est qu'un avatar du vieil appareil PS.
L'imposture Ségolène Royal
Par François LAFON
François Lafon, maître de conférences en histoire. Auteur de
Guy Mollet, itinéraire d'un socialiste controversé, Fayard, 2006.
 
Quelque chose de nouveau s'est levé et qui ne s'arrêtera pas.» Non, ces paroles prononcées au soir de sa défaite, Ségolène Royal n'en a pas la maternité.
Elles reprennent mot pour mot la déclaration de Mitterrand du 19 mai 1974 lors de l'élection de Giscard d'Estaing à la présidence de la République. Tout
serait ainsi dit. De même que l'échec de 1974 aurait préfiguré la victoire de 1981, celui de 2007 précéderait l'inéluctable victoire de 2012.
On reste confondu par une telle attitude, confortée par l'étonnante image de vainqueur que la candidate, pourtant très largement défaite, a arborée au soir
du scrutin. Car, autant le résultat de 1974 était porteur d'espérance, autant celui de 2007 traduit l'impuissance de la principale formation politique
de la gauche à gagner une élection. Au nom de la rénovation de la vie politique, le Parti socialiste s'est lancé dans des primaires où le people l'a emporté
sur la cohérence politique. Celle qu'on a osé présenter comme symbole de la modernité politique n'avait-elle pas été plébiscitée lors du vote interne par
tout ce que le vieil appareil socialiste compte de ringardise ? Il suffit pour s'en convaincre de se référer à ses résultats obtenus lors du scrutin interne
dans les fédérations les plus verrouillées du Nord, du Pas-de-Calais, de l'Hérault ou encore des Bouches-du-Rhône.
Dès lors, la prétendue rénovation n'est devenue qu'un simulacre sans consistance, et la campagne électorale a tourné au ridicule. Un coup contre les éléphants,
puis un autre coup, appel à l'aide dans leur direction. Un coup à gauche toute, puis un autre coup oeillade au centre. Quant au fond du discours, la place
exacerbée du JE laisse songeur. Je veux, je ferai, je déciderai. Dire qu'il fut un temps où la gauche s'opposait au pouvoir personnel au nom d'une volonté
collective qu'elle jugeait consubstantielle à l'idéal démocratique.
Certes, il serait injuste de tout mettre sur le dos de la candidate. Mais avoir prétendu faire du neuf avec du vieux, c'était déjà en soi une authentique
imposture. Il en est une autre qu'il convient d'empêcher à tout prix. C'est celle qui consisterait à rejouer le film à la prochaine séance. Pour l'éviter,
il est une condition certes non suffisante mais nécessaire : il faut d'abord célébrer les obsèques du Parti socialiste.
Refondation ne rime pas avec replâtrage. Il est temps de hâter le mouvement en débranchant le respirateur artificiel qui maintenait encore un semblant de
vie dans un parti fossilisé. Et de dire à Ségolène Royal, et à quelques autres, qu'elle n'est pas habilitée à l'assumer.
Car, désormais, grâce à elle, il reste le plus dur : à vivre concrètement cinq ans dans la France de Sarkozy.
 

 

un regard critique

Mardi 15 mai 2007
 
Point de vue
Comment on perd une élection, par Alexis Dalem
 
Si elle était désignée, sa défaite serait presque assurée." Cette phrase, je l'ai écrite dans un texte publié dans ces mêmes colonnes le 25 août 2006. J'y
expliquais que, malgré les sondages, qui n'ont aucune valeur prédictive à plusieurs mois du scrutin, l'équation personnelle et la ligne politique de Ségolène
Royal ne pouvaient conduire le Parti socialiste qu'à un échec.
 
internet
 

J'aurais préféré que les faits me donnent tort. En relisant ces lignes, le sentiment qui domine est celui d'un immense gâchis. Car cette élection était
imperdable pour la gauche. Imperdable parce que rarement le candidat de la droite a suscité une telle peur et un tel effet de vote "anti". Parce que jamais
depuis 1974 une majorité sortante n'a gagné l'élection présidentielle.
 
Parce que le souvenir du 21 avril 2002 a fortement mobilisé la gauche. Imperdable surtout parce que tout montrait une attente de gauche très forte dans
le pays. Un sondage Ipsos sorti des urnes du 22 avril révèle que, parmi les six thèmes qui ont le plus compté dans le choix des Français, cinq donnent
un avantage à la gauche (chômage, pouvoir d'achat, éducation, exclusion-pauvreté, retraites) contre un seulement à la droite, l'insécurité, dont le poids
dans la campagne a été bien moindre qu'en 2002.
 
Le candidat de la droite l'emporte, mais la France n'est pas à droite. La plupart des thèmes qui ont dominé le débat depuis des années sont de gauche :
demande de protection contre les déséquilibres de la mondialisation, demande d'une Europe plus sociale et plus démocratique ("non" au traité constitutionnel),
demande d'une protection sociale consolidée (mobilisation contre les réformes Fillon), demande d'un droit du travail protecteur (mobilisation contre le
contrat première embauche), demande de services publics garantis dans les quartiers comme dans les zones rurales, demande d'une nouvelle donne écologique,
demande d'une école de l'égalité réelle, demande d'un Etat fort, capable de réguler et de stimuler l'économie.
 
Alors pourquoi cet échec ? La principale raison, c'est Ségolène Royal elle-même, non sa personne, mais ses choix politiques. Tout autre candidat aurait
probablement fait mieux qu'elle.
 
Ces choix, ceux d'une ligne politique perdante, elle les a arrêtés le plus souvent seule, sans consulter son parti. Ségolène Royal a imposé une droitisation
des thématiques - ordre, sécurité, drapeau -, ce qui revenait à remettre au coeur du débat des thèmes favorables à la droite. Autant offrir directement
l'élection à l'adversaire ! Elle a privilégié le discours sur la méthode (la démocratie participative, le "renouvellement politique") et sur le sociétal,
qui sont des questions secondaires pour l'électorat.
 
Elle a délaissé les thèmes économiques et sociaux, l'enjeu européen et la mondialisation, alors qu'ils constituent la clef pour l'avenir, ce que les Français
savent bien. A tel point - grand paradoxe - que Nicolas Sarkozy a pu se présenter comme le candidat de la protection contre les "désordres du libéralisme".
Elle a opéré un déplacement vers le centre confirmé par l'offre d'alliance faite à François Bayrou, qui a jeté dans la perplexité de nombreux électeurs
de gauche.
 
La campagne brouillonne de Ségolène Royal, marquée par l'improvisation permanente, a permis à Nicolas Sarkozy d'apparaître comme le candidat de la crédibilité,
du rassemblement et surtout du changement, alors qu'il était le candidat de la majorité sortante. Cette campagne sans véritable ligne directrice a été
trop solitaire et trop personnalisée. Les impairs se sont multipliés et les propositions sont restées floues. "Nous en discuterons après." Mais les Français
ne votent pas pour des promesses de discussions !
 
Tout faux, en un mot. S'il y avait une leçon à tirer du 21 avril 2002, c'était qu'il fallait retrouver le chemin de l'électorat populaire. Ségolène Royal
a cru y parvenir en parlant d'ordre, de sécurité et de participation, alors que cet électorat attendait un vrai changement à gauche sur le terrain économique
et sociale, fondé sur des propositions précises. Résultat : sa campagne a eu un effet démobilisateur sur l'électorat de gauche. Elle n'a su rassembler
ni son camp, ni sa base électorale, ni créer une dynamique au-delà.
 
Les sondages sortis des urnes montrent que près de la moitié de ses électeurs n'a voté pour elle que par rejet de Nicolas Sarkozy. Face à un candidat moins
polarisant, son score aurait été encore plus faible. Contrairement à ce qu'elle prétend, elle n'a pas engagé le renouvellement de la gauche ; elle a approfondi
sa crise.
 
Le Parti socialiste doit accepter de tirer pleinement les conséquences de ce fiasco. Rien ne serait pire que de refuser, au nom de l'unité, d'analyser ses
raisons et d'opérer les remises en cause nécessaires. Faire ce travail est d'ailleurs le meilleur moyen pour préparer les législatives : montrer aux Français,
et avant tout aux électeurs de gauche, que l'on a compris leur message. Renouveler la politique, c'est d'abord cela : mettre chacun devant ses responsabilités.
 
Le parti a besoin d'une refondation autour d'une ligne authentiquement de gauche, d'une gauche concrète et d'avenir. C'est là l'enjeu de fond. Ségolène
Royal a imposé sa candidature à partir d'une critique du socialisme français qualifié d'"archaïque". Ce discours lui a valu le soutien d'une partie du
monde médiatique, intellectuel et culturel acquise à l'idéologie de la "troisième voie". Selon eux, le problème du PS français viendrait de ce qu'il n'a
pas réalisé son aggiornamento social-démocrate. Le résultat de cette élection contredit cette affirmation. Le socialisme du centre porté par Ségolène Royal
est mis en échec. Les Français ont préféré la présomption du changement avec Nicolas Sarkozy, si douloureux puisse-t-il être, au risque du statu quo avec
le social-centrisme de la candidate socialiste.
 
Face aux quatre grands enjeux actuels - persistance du chômage de masse, risque de décrochage économique de la France, précarisation généralisée de la société
et nouveaux périls environnementaux -, seul un projet de transformation à gauche peut être crédible. C'est ce projet renouvelé, en prise avec les enjeux
de demain, et enfin sérieux qu'il faut maintenant reconstruire.
 
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Alexis Dalem est chercheur en science politique et corédacteur en chef de la "Revue socialiste".

14 mai 2007

Un redécoupage gouvernemental préfigurant la modernisation de l'Etat?

Lundi 14 mai 2007
 
Il n'est pas encore président de la République. En attendant, il assure les fonctions de premier ministre. "C'est Sarkozy qui fait lui-même le gouvernement",
résume, lucide et sans état d'âme, un proche collaborateur de François Fillon, le futur premier ministre du futur président. Acte manqué ? Nicolas Sarkozy
doit passer le week-end dans la résidence des premiers ministres, le pavillon de la Lanterne dans le parc du château de Versailles. "Il m'a demandé si
c'était possible. J'ai accepté. Aucun problème", confie Dominique de Villepin. "Cela lui a été proposé par le premier ministre et il va accepter", corrige
un proche collaborateur du nouveau chef de l'Etat.
 
Depuis son retour de sa croisière au large de l'île de Malte, le président élu s'est installé rue Saint-Dominique, dans un bâtiment de la République, annexe
de Matignon, pour consulter et réfléchir à la constitution de son gouvernement. Car, pour son premier acte de président, Nicolas Sarkozy a choisi de frapper
fort. En redécoupant les ministères, il veut en profiter pour réformer l'Etat, éliminer les doublons, réduire le nombre de fonctionnaires. "Depuis 48 heures,
les grandes directions des ministères ont réalisé qu'elles vont se faire bouffer, on croule sous les contre-propositions", rigole un des artisans du "grand
redécoupage".
 
A titre d'exemple, une partie des douanes devrait rejoindre le ministère de l'intérieur (environ 10 000 agents sur 20 000), la direction du travail, qui
s'occupe des relations sociales et du droit du travail, va être rattachée à Bercy et au futur ministre de la croissance et de l'emploi. "Ça va permettre
à des dizaines de milliers de fonctionnaires de mieux appréhender la réalité économique", glisse un conseiller.
 
Mais aussi de découvrir quelquefois "leur double dans le ministère d'en face", ajoute-t-il. Car la forteresse Bercy a souvent doublonné l'organisation des
ministères dépensiers : "D'un côté un fonctionnaire qui dépense, de l'autre un fonctionnaire qui empêche de dépenser", résume un connaisseur des arcanes
de l'Etat. Une autre partie de Bercy - le Trésor, la dette et la macroéconomie - serait fusionnée avec les directions s'occupant de la Sécurité sociale,
notamment de l'élaboration de la loi de financement de la Sécurité sociale, le reste du ministère de la santé fusionnant avec les sports. Ce nouveau ministère
des "comptes" pourrait être confié à un UDF, en gage d'ouverture.
 
Des ministères importants pourraient disparaître, comme l'agriculture et la culture. Cette dernière serait rattachée à l'éducation nationale pour promouvoir
l'enseignement artistique à l'école.
 
L'immense ministère du développement durable, en cours de constitution, serait le prétexte à la réforme des grands corps d'ingénieurs de l'Etat. Regroupant
l'écologie, les transports, l'énergie et l'équipement, il suscite déjà l'opposition des corps des Mines, des Ponts, des Eaux et forêts, et des Télécoms,
qui se réservent les grandes directions et qui rechignent à perdre leur singularité. Jean-Pierre Raffarin qui a suggéré une solution alternative - regrouper
l'Europe et le développement durable - n'a pas été suivi.
 
"Il y aura beaucoup de surprises sur le périmètre des ministères, leur intitulé et le nom des titulaires...", met en garde un proche de François Fillon.
Sur le nom des ministères, les collaborateurs de Nicolas Sarkozy ont été invités à un large "brainstorming" tout au long du week-end pour que les intitulés
retenus soient parlants et indiquent une stratégie tout autant qu'un redécoupage. Quant aux noms des titulaires de ces futurs portefeuilles, dont la moitié
seront des femmes, les "fuites", organisées ou pas, vont se multiplier jusqu'à l'annonce de la composition du gouvernement, entre le 18 et le 21 mai. Une
chose est sûre : "Il nous faut des patrons très puissants politiquement pour imposer des restructurations qui vont faire grincer des dents", estime-t-on
dans l'entourage du futur exécutif. Selon un ministre sortant qui espère faire partie de la future équipe, "avec cette restructuration de l'Etat, on sera
en mesure de ne pas remplacer les départs à la retraite d'un fonctionnaire sur deux dès 2007."
 
Au moment de laisser les clés de Matignon à la future équipe, M. de Villepin, qui a été plusieurs fois en contact avec M. Sarkozy depuis son élection, confie
avoir été "frappé par sa détermination, sa volonté d'ouverture et de renouvellement". "Mais attendons pour connaître quel président il sera... l'exercice
du pouvoir n'est pas la conquête du pouvoir, ajoute-t-il. M. Sarkozy a tranché : ce sera l'option difficile.
 

Christophe Jakubyszyn
Article paru dans l'édition du 13.05.07

Ségolène en piste pour 2012, pour éviter la critique de sa campagne!

Lundi 14 mai 2007
 
Ségolène Royal souhaite que le candidat socialiste soit désigné dès la fin des législatives
Ségolène Royal a ouvert, samedi 12 mai à la Mutualité à Paris, le conseil national du Parti socialiste par un appel à l'"union" et à la "mobilisation". Devant
les quelques 300 membres du parlement du PS, présents pour tirer un premier bilan du scrutin et adopter une plate-forme programmatique pour les législatives,
Mme Royal a tout d'abord rappelé qu'elle était "disponible" et prête à participer à des réunions électorales, d'autant plus, a-t-elle rappelé, qu'elle
n'est pas elle-même candidate.
 
En marge de la réunion, elle a demandé à ce que le prochain candidat socialiste à l'Elysée soit "rapidement désigné après les législatives" et qu'ensuite,
s'engage l'élaboration du projet présidentiel de son parti. "Il faut que le candidat soit désigné beaucoup plus tôt, qu'il ne soit pas épuisé dans des
querelles et des conflits internes", a-t-elle préconisé. Il faut, a-t-elle encore recommandé, "que le projet soit fait avec le candidat ou la candidate
et pas avant. Il va falloir inverser et rendre cohérent le calendrier". Ceci pour amender un processus de désignation interne "qui a été destructeur d'une
certaine façon", a-t-elle poursuivi. Lors de sa campagne,  Mme Royal a été désignée le 16 novembre 2006, après l'adoption en juin du projet politique du
PS.
 
Pendant la campagne présidentielle qui vient de s'achever, "j'ai toujours eu, subi des critiques si ce n'est des trahisons", a ajouté la présidente de Poitou-Charentes."Pour
empêcher cela par rapport à la discipline dont a fait preuve l'UMP à toute épreuve, il faudra (...) que le parti fasse totalement bloc derrière", a-t-elle
insisté.
 
"LE MOMENT N'EST PAS VENU"
 
François Hollande a pour sa part annoncé que le calendrier pour la rénovation du Parti socialiste, et notamment la date du prochain congrès, serait fixé
après les élections législatives. "Ce qu'a dit Ségolène Royal ce matin, c'est qu'il faudrait désigner plus tôt notre candidat ou notre candidate. Je crois
qu'elle a raison. Quant à savoir quand, si ce sera au prochain congrès, nous ne pouvons pas le dire", a-t-il affirmé. "Nous n'en sommes pas là. Ce sera
sans doute dans la forme d'un congrès plutôt que d'une primaire. Mais le moment n'est pas venu", a-t-il ajouté,précisant qu'il était cependant favorable
à ce que le prochain premier secrétaire soit le candidat présidentiel. Deux congrès sont prévus d'ici 2012, l'un en 2008 et le suivant en principe trois
ans plus tard.
 
A sa sortie du conseil national, Laurent Fabius a de son côté demandé à ce que les socialistes se concentrent sur la bataille des législatives et non "à
des arrière-pensées". Pour lui, parler de calendrier est prématuré : "Ce que les gens veulent, c'est que les socialistes soient rassemblés, qu'il y ait
un vrai ancrage à gauche et en même temps une certaine nouveauté, une certaine novation." Avant l'ouverture du conseil, il avait demandé "que l'on pratique
un peu plus le 'nous' et un peu moins le 'je'", tout en mettant en garde contre une ouverture du PS au centre.
 
Avant l'ouverture du conseil national, le député strauss-kahnien Jean-Marie Le Guen avait également plaidé pour une "autre génération" à la tête du PS,
estimant néanmoins que le premier secrétaire pouvait rester en place jusqu'aux élections législatives. M. Le Guen a souligné que Dominique Strauss-Kahn
"n'est pas candidat au poste de premier secrétaire". "La question est bien plus grave que cela : elle est, pour les 12 à 18 mois à venir, celle de l'adaptation
de la doctrine et de la stratégie" du PS. Selon lui, "il y a une façon de diriger le PS qui a vécu : on a aujourd'hui une centaine de dirigeants et personne
ne fait rien".

Titine, un franc parlé!

Lundi 14 mai 2007
 
Martine AUBRY : "pour moi, un échec est toujours collectif".
 
Martine AUBRY était l'invitée de l'emission "
Le Franc Parler
" France-Inter/i-télé/Le Monde du lundi 7 mai 2007.
 
Stéphane PAOLI : Alors Martine Aubry, d'abord votre perception, la façon dont vous avez vécu la soirée d'hier ? Quelle image avez-vous de ce premier tour...
en fait de ce, pardon, du résultat de cette présidentielle d'hier soir ?
 
Martine AUBRY, maire de Lille : Eh bien, je crois d'abord une grande tristesse parce que j'ai pensé à toutes ces femmes, tous ces hommes que nous avons
rencontrés pendant toutes ces longues semaines et qui attendaient sans doute autre chose, plus de justice, des jeunes surtout qui se sont beaucoup mobilisés
et qui ont peur pour leur avenir. Donc évidemment une grande tristesse comme à chaque fois qu'on perd une bataille, mais surtout lorsque cette bataille
touche les hommes et les femmes. Et je voyais la tristesse qui était dans ma ville, même si nous y avons fait là un très bon score, et je pensais aussi
à tous ceux qui ont beaucoup souffert ces dernières années. Voilà. Ceci dit, il y a une victoire incontestable de Nicolas Sarkozy. Je tiens à la saluer
évidemment par tradition républicaine et aussi comme il se doit. Mais voilà.
 
Thomas HUGUES, i>Télé : Vous avez été touchée par son discours qui se voulait rassembleur avec des thèmes d'ouverture ?
 
Eh bien, disons qu'il a eu un discours qui n'était pas tout à fait en cohérence avec ce qu'il nous avait dit, notamment en fin de campagne, ou cette façon
justement de diviser les Français, de leur donner l'impression que c'est en se craignant, si je puis dire, les uns les autres et non pas en s'aidant, en
s'accompagnant, en ayant des règles communes, justes, qu'on allait réussir ensemble. J'ai préféré le discours effectivement du candidat élu président de
la République et j'espère que c'est cette tonalité-là qui va rester. Bien sûr, dans les premiers actes, je pense, parce que jusqu'aux législatives nous
aurons sans doute un Nicolas Sarkozy qui sera le plus ouvert possible. Mais j'espère aussi que ça continuera après parce que, même si j'en doute vu ce
qui a été fait depuis cinq ans, je pense que beaucoup de gens ont souffert et craignent de souffrir encore aujourd'hui.
 
Raphaëlle BAQUET, Le Monde : Mais vous parlez de tristesse et on a vu le contraire au fond, une Ségolène Royal radieuse, extatique, extrêmement souriante.
Comment vous interprétez ce décalage entre la candidate et effectivement les électeurs de gauche qui peut-être étaient très déçus ?
 
Vous savez, le soir d'une défaite, parce que c'est une défaite, chacun réagit comme il le peut et avec ses ressorts propres. Moi, je suis convaincue que
les valeurs qui sont les nôtres aujourd'hui, les valeurs de solidarité, le fait qu'on ne peut pas vraiment être libres s'il n'y a pas une égalité, on n'est
pas libre d'élever bien ses enfants lorsqu'on n'a pas un logement décent, lorsqu'ils n'ont pas accès à l'éducation, lorsqu'on n'a pas accès à la santé.
Je suis convaincue, moi, que nos valeurs, celle de solidarité aussi, ne pas opposer les personnes âgées aux jeunes, ceux qui viennent d'ailleurs et ceux
d'ici. Je suis convaincue que ce sont des valeurs qui permettent de répondre aux problèmes de notre société, de la loi du plus fort, du fric à tout coût,
de l'urgence. Je suis très triste de voir que nous n'avons pas su convaincre. Car c'est nous qui n'avons pas su convaincre que ces valeurs étaient aujourd'hui
meilleures pour chacun individuellement et pour nous tous collectivement. Voilà. Donc, ma réaction est de tristesse. Je pense que Ségolène Royal, d'abord
après une campagne extrêmement déterminée, est fatiguée, je dirais, bon, a vu aussi tous ceux qui étaient là qui l'applaudissaient. Et bon, je pense que...
 
Stéphane PAOLI : Mais Martine Aubry, là, il y a quelque chose qui nous a tous frappé hier soir, et on l'entendait d'ailleurs sur tous les plateaux, et notamment
sur celui de LCI et sur l'antenne de France inter : quelque chose a forcément changé au Parti Socialiste après cette présidentielle. On a entendu aussi,
et puisqu'on parlait d'une certaine détente, on a vu au contraire la, comment dire, la contraction et même un peu l'énervement de Dominique Strauss-Kahn
hier soir qui disait : "Je suis là pour relever l'enjeu de la social-démocratie." Qu'est-ce qui a changé déjà au Parti Socialiste, de votre point de vue ?
 

C'est notre troisième échec présidentiel. Il faut le dire. Donc nous nous devons de nous poser des questions. Pourquoi Sarkozy a gagné ? Il a gagné parce
qu'il a d'abord une cohérence idéologique qui ne l'a pas quitté, en allant peut-être parfois même un peu loin au-delà des limites normales, je dirais,
du discours qui peut être le sien. Deuxièmement, il a rassemblé. Il a su rassembler toutes les Droites. Bon, je dirais que, en creux, nous n'avons pas
su aujourd'hui démontrer que nos valeurs avaient une certaine modernité et qu'elles étaient mieux à même aujourd'hui d'affronter le monde d'aujourd'hui.
Et le monde d'aujourd'hui, c'est les SDF qui sont à côté de nous, c'est les salariés qui ne gagnent pas assez d'argent, ce sont les délocalisations mais
c'est aussi, je crois qu'il faut le dire parce qu'on n'en a pas beaucoup parlé pendant cette campagne, les terrorismes, les extrémismes qui naissent justement
des inégalités. Dans le fond, le succès de Nicolas Sarkozy, et je dirais en creux notre échec, c'est d'avoir pratiquement réussi à convaincre une majorité
de Français qu'on s'en sortait mieux seul qu'avec les autres. Moi, je n'y crois pas. Je crois qu'il faut une solidarité. La France et l'identité de la
France dont il a tant parlé, la France est une France humaniste, c'est une France solidaire et c'est une France du respect. Et quand je vois qu'on s'est
fait prendre, si je puis dire, un thème comme celui de la valeur travail, moi qui me bât depuis trente ans pour que chaque Français puisse travailler parce
que l'assistance, c'est la pire des choses, on n'existe plus, on a honte parfois même de soi-même, on n'est pas utile socialement. Le travail bien payé
avec de bonnes conditions de travail, le travail qui permet aux hommes et aux femmes de progresser, d'apprendre des choses, d'apporter toujours plus, ça
n'a jamais été qu'un thème de gauche. Et je vois moi, dans ma région qui est à gauche avec des travailleurs qui se sont battus sur le combat collectif,
etc, et bien aujourd'hui, voir Nicolas Sarkozy après un gouvernement qui n'a plus combattu le chômage, qui a mis le pouvoir d'achat à bas, dire et arriver
à convaincre qu'il est le candidat de la valorisation du travail, je me dis : nous n'avons pas été à la hauteur collectivement. Car pour moi, un échec
est toujours collectif.
 
Thomas HUGUES : Donc vous ne voulez pas pointer une responsabilité, c'est une faute collective ?
 
Non. Il faudra bien sûr faire des analyses beaucoup plus précises sur...
 
Stéphane PAOLI : Mais vous restez sur ce socle... pardon de vous couper la parole un instant, mais vous disiez les références aux valeurs, aux valeurs traditionnelles
de la Gauche, est-ce que ces valeurs doivent changer ? Doivent-elles évoluer ? Y a-t-il une nécessité à ce que le Parti Socialiste aujourd'hui s'ouvre,
j'allais dire, sur un monde tel qu'il fonctionne, et notamment s'agissant des enjeux de l'économie mondialisée ?
 
Voilà, je voudrais donner quelques exemples. Nos valeurs, est-ce les mêmes ? Moi, je dis : il n'y a pas de liberté sans égalité, il faut de la solidarité
et il faut des règles. Dans un monde où il n'y a plus de règles, c'est vrai à côté de chez nous quand on voit ce qu'il se passe par exemple sur la répartition
des salaires dans une entreprise, dans un monde où il n'y a plus de règles de répartition des richesses dans le monde, et bien, c'est la violence qui ensuite
est la seule réponse. Et la violence, c'est pas ça une société. Donc il faut des règles, du respect des uns, du respect des autres. Mais ces valeurs qui
sont les nôtres, nous devons les adapter et les moderniser. Je crois qu'aujourd'hui ce que demandent les Français, et c'est ça qu'il faut leur expliquer,
ils veulent des réponses qui portent sur eux individuellement. Nous devons montrer par exemple qu'il faut des protections collectives mais que ça doit
laisser une liberté aux individus, alors qu'auparavant c'était "Tous pareils". C'était un monde facile : on rentrait dans l'entreprise à 14 ans, on en
sortait à 60. Enfin je dis "facile"... simple. Aujourd'hui, chacun est différent, a des aspirations différentes. Montrer que pour la retraite, par exemple,
il doit y avoir des règles de protection pour ceux qui ont commencé à travailler tôt sur des emplois pénibles mais qu'on peut laisser une liberté individuelle
aux gens, et je crois que ça on ne l'a pas suffisamment fait. Dans la proposition par exemple sur la progression professionnelle tout au long de la vie,
enlever la possibilité aux gens de tomber dans un gouffre quand ils sont au chômage, leur donner la possibilité, notamment s'ils n'ont pas fait d'études
au départ, de faire une formation tout au long de leur vie, c'est la réconciliation entre des aspirations collectives et un choix individuel. Eh bien...
 
Stéphane PAOLI : Mais vous êtes tous d'accord là-dessus ? Vous sortez du bureau national, là, il y a quelques minutes à peine.
 
Oui, nous sommes tous d'accord pour dire que collectivement nous devons repenser à tout cela. De même qu'il ne faut pas jeter le rôle de l'État aux oubliettes.
L'État doit agir différemment qu'avant. Il ne doit plus entendre, il ne doit plus écouter les collectivités locales aussi. Mais l'État est le garant que
nous vivions bien dans une société. Et pour moi, l'État, ce n'est pas celui qui conforte le plus fort et qui se satisfait des plus faibles. Un projet présidentiel,
c'est quand même comment faire pour que chacun vive mieux dans notre société et que nous vivions bien tous ensemble. Et ce que je trouve triste aujourd'hui,
c'est que les valeurs de la Gauche, qui sont aussi celles de la France, celles qu'on attend de la France dans le monde, eh bien, nous n'avons pas réussi
à convaincre qu'elles étaient d'actualité pour répondre aux problèmes du monde, dont ceux de la mondialisation d'ailleurs.
 
Raphaëlle BAQUET : Mais attendez, vous aviez quand même un problème de départ. On se souvient tous, enfin nous journalistes politiques, quand le PS a fait
son projet, le projet socialiste, au fond aucun des dirigeants politiques du PS ne le trouvait bon. Vous étiez tous critiques - alors sauf vous puisque
vous en êtes l'initiatrice -...
 
Non, non ! J'en étais...
 
Raphaëlle BAQUET : ... mais tous critiques des 35 heures et on proposait dans le projet socialiste de les généraliser...
 
Ah, oui ! Oui.
 
Raphaëlle BAQUET : ... bref, il y avait une série de critiques qui n'était pas faite et le Parti Socialiste manifestement ne s'était pas rénové. Comment
cela se fait-il que vous n'ayez pas utilisé cette... ?
 
Permettez-moi un petit mot quand même sur les 35 heures, parce qu'un jour il faudra qu'on ait un débat long. La Droite, qui considère que les 35 heures
sont quand même la plus grande calamité de tous les siècles, ne les a pas remises en cause. Il faut quand même se poser la question. C'est peut-être parce
que 95% des Français qui sont aux 35 heures sont contents. C'est peut-être parce que les entreprises se sont modernisées et ont gagné en productivité.
C'est peut-être parce qu'on a créé 500 000 emplois. Alors il y a des difficultés, j'ai été la première à le dire, et il faut les traiter. Mais je crois
que c'est intéressant de voir qu'on est dans l'idéologie contre mais on ne l'a pas supprimée. Peut-être parce qu'on a supprimé les emplois jeunes et qu'on
a vu les désordres.
 
Raphaëlle BAQUET : Enfin la Gauche en tout cas est critique dans la coulisse et propose de continuer les 35 heures et de les généraliser en public.
 
Oui, enfin moi je ne sais pas. J'ai eu l'impression d'avoir toujours une certaine cohérence. Je pense que...
 
Thomas HUGUES : Mais au-delà des 35 heures, pourquoi cette rénovation ne s'est pas engagée plus tôt ?
 
Non, mais je crois que c'est là notre responsabilité.
 
Thomas HUGUES : Pourquoi ça ne s'est pas fait juste après 2002 ? C'était déjà un cataclysme pour le PS.
 
C'est là notre responsabilité collective. Depuis, il y a eu 2004. Nous gérons aujourd'hui des régions, la plupart, beaucoup de départements, des villes,
et je crois que ça se passe bien là où on est. Donc ça veut dire que chacun dans...
 
Thomas HUGUES : Mais ça veut dire que... excusez-moi...
 
Raphaëlle BAQUET : Est-ce que c'est collectif ou est-ce que c'est François Hollande ? Puisque maintenant la critique se dirige sur lui.
 
Attendez. Je pense que chacun va prendre sa part de responsabilité. Le patron du Parti Socialiste les prend lui-même. Mais c'est une responsabilité collective.
Moi, pourquoi je suis triste ? Parce que je ne crois pas en une société qui monte les gens les uns contre les autres, je ne crois pas qu'on doive faire
croire que les chômeurs ne veulent pas travailler, je ne crois pas que ceux qui sont dans des contrats à durée déterminée doivent envier ceux qui sont
en contrat à durée indéterminée, je ne crois pas qu'on doive faire peur aux personnes âgées. On a la chance d'avoir une espérance de vie immense, d'avoir
des personnes âgées dans notre ville... dans notre vie qui ne sont pas, comme parfois dans d'autres pays, mis dans des endroits particuliers. Nous avons
la chance d'avoir des jeunes qui veulent se battre pour avoir leur place dans la société. Eh bien, réconcilions-les au nom de valeurs et non pas en les
opposant et en leur faisant peur. Eh bien, là-dessus, nous n'avons pas assez travaillé des réponses d'aujourd'hui avec les valeurs qui sont toujours les
mêmes et qui, elles, n'ont pas changé. Voilà.
 
Thomas HUGUES : Mais je suis désolé de revenir à la question des personnes, peut-être des ego, mais quand même hier soir on a assisté à une sorte de guerre
des chefs. Dès 20h03 ou 20h04, Ségolène Royal s'impose, fait son discours et s'impose comme celle qui veut devenir la première opposante. Et quelques secondes
plus tard, Dominique Strauss-Kahn, sur le plateau de nos confrères de France 2, quand même est très critique sur la façon de mener la campagne. Donc comment
vous allez éviter...
 
Vous savez, là, nous avons changé. Nous sommes en train...
 
Thomas HUGUES : Comment vous allez éviter maintenant, là, dans les quelques semaines qui nous amèneront aux législatives, que cette guerre des chefs prenne
le dessus ?
 
Non, la guerre, elle n'aura pas lieu. Nous venons de sortir d'un bureau national où tout le monde était là. Nous savons que nous avons une responsabilité
collective, c'est celle de l'échec, même si après on pourra dire telle ou telle chose particulière. Elle est collective. Deuxièmement, nous avons une deuxième
responsabilité collective, c'est de faire en sorte qu'il y ait le maximum d'élus de gauche à l'Assemblée nationale pour rééquilibrer les pouvoirs et puis
peut-être aussi pour empêcher un certain nombre de choses, pour bien informer les Français, pour faire en sorte, comme quand on a lancé le CPE, les jeunes,
les syndicats, nous-mêmes l'opposition, d'empêcher les réformes qui n'iraient pas dans le sens d'une société maîtrisée et solidaire. Donc on est responsables
aujourd'hui pour aller dans ces élections législatives. Et il faut y aller collectif. Je crois que c'est bien ce qui est ressorti ce soir. Et je crois...
 
Stéphane PAOLI : Il y a juste une question quand même, parce que cette question du collectif, elle est... bon, très bien, on entend vos propos. Néanmoins,
quand on voit pourquoi aussi Nicolas Sarkozy a été élu, la façon dont il a été élu...
 
Mais c'est une présidence...
 
Stéphane PAOLI : ... c'est qu'on a posé la question du leadership aussi pour la Droite.
 
Oui, mais c'est une pré... excusez-moi de le dire...
 
Stéphane PAOLI : Quel pourrait être le leadership de la Gauche aujourd'hui ?
 
Pourquoi ça change aujourd'hui par rapport à avant-hier ? Et bien, parce qu'une élection présidentielle, c'est le rapport entre un homme/une femme et un
peuple. Nous avons choisi notre candidate donc c'est notre candidate. Nous la connaissons et elle a été totalement cohérente avec ce qu'elle est. Elle
a choisi... Non, mais c'est vrai, elle a choisi son style, ses priorités, ses idées qui parfois sont en décalage avec certaines des nôtres, parfois je
crois en lien avec la société. Parfois je ne le pense pas, mais ce n'est pas grave. C'était notre candidate, il fallait la respecter et on ne peut pas
dire qu'elle n'a pas mis sa patte à cette campagne. Voilà. Voilà, c'est bien, c'est comme ça. Maintenant...
 
Stéphane PAOLI : Non, mais ce qui m'intrigue, c'est le "c'était". Le reste-elle ?
 
Non, mais attendez...
 
Stéphane PAOLI : Incarne-t-elle aujourd'hui ce que... ?
 
C'était un candidat, ou une candidate, avec un peuple. C'est la présidentielle. C'est ce qu'a fait Sarkozy dans le fond, sauf qu'il a réussi à réunir quand
même tout le monde autour de lui dans son parti et toutes les Droites. Et ça, ça doit être une leçon pour nous. La deuxième chose que je veux dire, c'est
que maintenant on rentre dans le collectif.
 
Stéphane PAOLI : Oui, mais là le fait d'avoir été qualifié pour la finale, ça la place dans une autre catégorie maintenant au PS.
 
Non, moi, très franchement, je ne raisonne pas comme ça. Je pense qu'aujourd'hui Ségolène Royal est évidemment une des responsables du Parti Socialiste
comme d'autres qui se sont exprimés. Mais si nous...
 
Raphaëlle BAQUET : Donc elle est une parmi d'autres ?
 
Non, mais si on accepte de dire que la responsabilité n'est pas la sienne mais qu'elle est collective, et moi je le pense, et bien, il faut qu'elle accepte
elle aussi, et je crois qu'elle l'acceptera, d'être autour de la table avec nous pour faire comprendre aux Français encore une fois que ce n'est pas l'individualisme,
la loi du plus fort, qui régiront la société demain, mais que ce sont des valeurs plus... d'humanisme, de solidarité, qui d'ailleurs nous amènent à aller
au-delà même de la Gauche.
 
Thomas HUGUES : Mais excusez-moi, le leader... que je comprenne bien, le leader naturel du PS aujourd'hui, c'est pas Ségolène Royal pour vous ?
 
Moi, je pense que, dans une campagne législative, on a d'abord besoin de se serrer les coudes, hein, et d'avancer tous ensemble. Ensuite, il y a des instances
dans le Parti Socialiste qui nous permettront de travailler, de réfléchir, de voir pourquoi nous avons échoué, de voir pourquoi nous n'avons pas réussi
à convaincre, comment la France qui se ressent quand même fortement "liberté, égalité, fraternité" - c'est quand même quelque chose qui vient de notre
histoire, ce n'est pas venu par hasard -, comment peut-elle choisir aujourd'hui par la crainte peut-être plus la division, le repli sur soi ? Pourquoi
n'avons-nous pas, nous, su - car encore une fois, c'est notre responsabilité - montrer que ces valeurs étaient plus que jamais d'actualité ? Cette responsabilité
est collective, donc on doit être tous autour de la table, et en tout cas c'est ce qu'on va faire pour les législatives, en ayant un programme aussi relativement
précis. Je crois que dans le débat qui a eu lieu, les Français n'ont pas non plus compris, et c'est notre faute, que nos priorités, l'augmentation du pouvoir
d'achat, redonner la priorité au travail, je dis bien au travail et à l'emploi, avoir enfin un plan de rénovation de nos quartiers et du développement
du logement qui soit à la hauteur, que c'étaient nos priorités et les premières mesures.
 
Stéphane PAOLI : Est-ce que la tentation du Centre pour vous maintenant, avec le petit recul, vous apparaît comme une erreur tactique de la part de Ségolène
Royal ?
 
Non, je ne le crois pas. Je pense qu'elle a bien fait de débattre avec François Bayrou. Je crois qu'encore une fois, si nous ramenons la politique à ce
qu'elle devrait ne jamais quitter, c'est-à-dire : quel projet de société ? Comment voulons-nous vivre ensemble avec notre diversité dans la société d'aujourd'hui ?
Nous, en France, nous, porteurs de ces valeurs en Europe pour un autre monde, eh bien, nous devons effectivement nous ouvrir à tous ceux qui partagent
ces valeurs. Et...
 
Raphaëlle BAQUET : Mais est-ce que le PS doit changer d'alliés ? Car jusqu'ici, il s'alliait avec sa Gauche.
 
Le Parti Socialiste, il doit d'abord travailler en son sein de manière collective. Il doit ensuite s'ouvrir à toute la Gauche qui a aussi beaucoup bougé.
Bon, la Gauche, c'est quand même une histoire, une histoire qui a porté le progrès social pendant des années et qui aujourd'hui...
 
Raphaëlle BAQUET : D'accord. Mais une partie de la Gauche a disparu.
 
Oui.
 
Raphaëlle BAQUET : Le PC a disparu.
 
Ben, oui ! Ca, avec ceux qui ne sont pas là, nous ne ferons pas alliance. Mais je veux dire avec tous...
 
Raphaëlle BAQUET : Donc aujourd'hui, votre partenaire, est-ce que ce n'est pas le Centre ?
 
Non, non. Je crois que c'est d'abord - et d'ailleurs le Centre ne l'accepterait pas à juste titre -, c'est d'abord cela, et puis ensuite c'est évidemment
de s'ouvrir à tous ceux qui sont plus proches de nous que d'un autre modèle qu'on peut présenter. Et c'est la raison pour laquelle je pense que ce qu'avait
fait Ségolène Royal, je dirais, allait dans le bon sens. Elle a réuni toute la Gauche finalement, j'entends sur le plan politique, malheureusement pas
suffisamment les Français. Parce qu'encore une fois, nous n'avons pas montré la modernité, la force de nos valeurs. Et je reviens toujours là-dessus parce
que c'est ça quand même un projet de société et l'élection d'un président de la République.
 
Thomas HUGUES : Mais avec quel prolongement là pour les législatives ? Quelles alliances ?
 
Raphaëlle BAQUET : Est-ce que vous êtes opposée à des alliances électorales aux législatives avec le Centre ?
 
Thomas HUGUES : Concrètement.
 
Pour l'instant, nous n'en sommes pas là. Il y aura un premier tour.
 
Raphaëlle BAQUET : C'est dans quatre semaines.
 
Oui. Il y aura... non, mais il y aura un premier tour, hein, avec des candidats qui sont déjà connus et, je pense, qui iront à la bataille. Et puis ensuite,
je pense qu'il faudra regarder circonscription par circonscription. Le choix vient aussi de ceux qui sont au centre aujourd'hui et qui voudront, à un moment
donné, dire...
 
Raphaëlle BAQUET : Il va falloir poser la question à Marielle de Sarnez, hein.
 
Voilà.
 
Stéphane PAOLI : Mais et en dehors des enjeux de tactique qu'on comprend facilement pour une élection de cette importance, vous avez envie de quoi, vous ?
Jusqu'où la Gauche doit-elle aller aujourd'hui ? Et jusqu'où peut-elle s'ouvrir ou pas de votre point de vue ?
 
Moi, je ne me satisfait pas d'un pays qui pense que c'est en ayant peur, en aidant les plus forts à s'en sortir, en laissant sur le côté les autres, en
leur faisant croire que c'est de leur faute parce qu'on n'a pas les mêmes possibilités, on le sait, selon où l'on naît. Et pourtant je n'ai jamais été
pour l'assistance, j'ai toujours été pour le respect. C'est ce que je fais dans ma ville et je crois que les résultats et nos valeurs, je veux dire, qui
sont aujourd'hui partagées par 10% de plus de Lillois qu'auparavant, c'est peut-être aussi le fait que les gens sont prêts à comprendre ça si on les porte
haut. Et moi, ma conviction, c'est que dans le Centre en France, il y a des hommes et des femmes qui, comme nous, pensent qu'on ne s'en sort pas individuellement.
Une société, c'est le respect des règles, le respect des autres, la tolérance et en même temps de la justice. Voilà. Et je crois que Ségolène Royal avait
bien compris ça. Moi, plutôt que dire "un ordre juste", je dis "il n'y a pas d'ordre sans justice". Voilà. Autrement, c'est l'autoritarisme qui s'impose
du haut et ça finit toujours dans la violence, c'est ça qui m'inquiète. Voilà. Et bien, je pense qu'il y a beaucoup d'hommes et de femmes qui, jusqu'à
présent, se retrouvaient, disons, au Centre et qui partagent totalement ce point de vue. Eh bien...
 
Thomas HUGUES : Mais pour être un peu plus concret, dans le programme de François Bayrou, les points de convergence, ils étaient où d'après vous ?
 
Eh bien, d'abord sur la démocratisation de nos institutions. Parce que tout ça est quand même très lié. Faire en sorte qu'il y ait une opposition qui puisse
s'exprimer, qu'on ne soit pas dans une vision autoritaire, faire en sorte qu'il puisse y avoir toutes les... par un peu de proportionnelle, toutes les
tendances dans notre pays, que le Parlement ait un vrai rôle. Et ça, c'est quand même important. Toutes les grandes démocraties ont un Parlement où il
y a des grands débats. Regardez aux États-Unis sur la guerre, regardez Tony Blair actuellement. Nous, nous avons des chambres d'enregistrement d'un côté
ou de l'autre. La démocratie, ce n'est pas cela. Là, c'était un point tout à fait important ; le second, je crois quand même, sur tout ce qui est le travail
et la réussite individuelle. La réussite individuelle passe par des droits collectifs. Si on n'a pas accès à l'éducation, si on ne met pas des moyens différents
selon les enfants que l'on a en face de nous, on n'atteint pas ces objectifs. Donc tout ce qui est formation tout au long de la vie, qui est une nouvelle
façon aujourd'hui de traiter les problèmes de la précarité, de la... du chômage, pour aller vers une progression de chacun dans la vie, là-dessus, nous
avions une vision commune avec François Bayrou. Et je pense que ça fait partie quand même des priorités des Français. Pour le reste, je ne comprends pas
bien ce qu'il veut faire ou ce qu'il voulait faire sur le partage des richesses - chez nous, comme dans le monde, or c'est quand même un élément majeur.
Si les Français sont choqués quand certains patrons partent avec des stock-options importants après avoir mis leur entreprise en difficulté alors qu'on
propose 3 euros d'augmentation à des salariés, c'est parce que là aussi il faut des règles. Des règles, c'est pas seulement du juridisme, c'est, derrière,
de l'équité ; c'est aussi dire aux gens : "Nous vous demandons de respecter les règles mais nous aussi nous le faisons." Voilà. Le dernier point peut-être
que je voudrais dire là-dessus, c'est qu'il ne faut pas sous-estimer les Français. Je veux dire, cette formidable mobilisation, ça montre qu'ils veulent
dire comment ils veulent construire la France et le monde de demain. Je pense que la distance avec la politique s'est beaucoup réduite. Ils ont compris
l'enjeu de construire un projet commun. Seulement ils ont cru, je le crois vraiment, que Nicolas Sarkozy apportait plus de protection et de sécurité en
jouant chacun les uns à côté des autres qu'en jouant collectivement une solidarité, une autre organisation plus juste et donc plus forte de la société.
Voilà. Eh bien, c'est là notre erreur. Elle est importante, hein. Ca veut dire qu'il faut être capable de porter haut les valeurs, de ne pas avoir peur
de les porter. Voilà. De ne pas se dire : "Ah ! Les Français sont individualistes." Non. Ils veulent réussir. Ils veulent le bien de leurs enfants. Et
tant mieux ! Ils veulent bien vivre. Mais leur dire : "Vous ne le ferez pas contre vos voisins. Vous ne le ferez pas contre les étrangers. Vous ne le ferez
pas contre les personnes âgées quand vous êtes jeune ou contre les jeunes quand vous êtes âgé. Bon. Il y a aujourd'hui des nouvelles réponses à apporter.
Il y en avait d'ailleurs dans le programme présidentiel de Ségolène. Peut-être n'avons-nous pas été assez clairs pour pouvoir démontrer la cohérence de
tout ce projet. Parce que c'est, dans le fond, une cohérence.
 
Raphaëlle BAQUET : Est-ce que vous regrettez tout de même qu'aucun dirigeant socialiste n'ait été vu à côté de Ségolène Royal dans ses meetings ?
 
C'est le choix qu'elle a fait. Moi, encore une fois...
 
Raphaëlle BAQUET : Est-ce que c'était une erreur tactique ?
 
Moi, encore une fois, on a trop reproché à Lionel Jospin de s'être laissé porter et de n'avoir pas fait la campagne qui était la sienne. Voilà. Moi, je
pense que dès lors que Ségolène a été choisie, encore une fois elle a été ce que nous savons. Voilà. Et avec... Non, mais c'est vrai, avec aussi une détermination,
une force, des intuitions. Voilà. A partir de là, il fallait respecter. Et nous avons tous respecté le calendrier, la forme de la relation avec les Français
qu'elle souhaitait mettre, les priorités qu'elle voulait afficher, et nous avons tous fait campagne. Je crois, vraiment, tous - alors là, on ne peut rien
se reprocher - en parallèle, à côté, plus près selon ce qu'elle souhaitait. Mais c'est normal, quoi. C'est... Encore une fois, une présidentielle, c'est
le candidat ou la candidate qui choisit. Ca ne me gêne pas personnellement.
 
Stéphane PAOLI : Merci Martine Aubry d'avoir répondu à cette invitation du "Franc Parler".
 
Merci à vous.
 
Stéphane PAOLI : On a compris qu'il y avait quand même un gros travail de reconstru... enfin sinon de reconstruction en tout cas de réflexion au Parti Socialiste
qui commence.
 
Ah, oui ! Réflexion et rénovation, oui.

le renouveau de la gauche

dimanche 13 mai 2007
 
Vers une nouvelle gauche ? le dEbat dans «LibEration»
Le complexe de Janus
Le discours schizophrénique du Parti socialiste lui fait perdre du sens et... l'élection.
Par Michel ONFRAY
QUOTIDIEN : mercredi 9 mai 2007
Michel Onfray philosophe.
Le Parti socialiste souffre du complexe de Janus, le dieu romain aux deux visages, un mal contracté il y a un quart de siècle au contact de François Mitterrand,
qui fut, dans sa vie privée comme dans sa vie publique et politique, l'homme à double face : vichyste et résistant, décoré de la francisque et dévot du
tombeau de Jaurès, mari de Danièle et père de Mazarine, militant de la rupture avec le capitalisme et président entiché de Bernard Tapie, amateur des romans
de Chardonne le collaborationniste et promoteur des colonnes de Buren, leader laïc socialiste et sauveur de l'école confessionnelle, etc.
Depuis la conversion du militant de gauche en président de la République rattrapé par la rudesse de l'économie de marché en 1983, le Parti socialiste effectue
le grand écart entre un «verbe de gauche»  qui l'oppose à la droite et une «geste libérale»  très proche de celle des adversaires déclarés... Pour les
besoins de la cause, on entretient l'illusion d'une bipartition factice entre droite et gauche quand la réelle ligne de partage se trace entre libéraux
et antilibéraux, un trait qui coupe en deux la droite et la gauche.
Ainsi, le changement qu'on nous propose depuis la fin politique de Mitterrand, douze ans donc, entre Chirac et Jospin deux fois, Sarkozy et Royal une fois,
met en présence deux modalités assez semblables de la gestion libérale du capitalisme européen. Sur l'essentiel, pas de grosses différences, la séparation
s'effectue sur le style, le symbolique et la pensée magique qui affirme de gauche un parti qui le dit, mais le montre peu. Cette schizophrénie fatigue
le peuple de gauche et réjouit les libéraux de tout poil, autrement dit elle blesse et désespère les plus exposés à la brutalité libérale et ravit les
élites. Ce mal socialiste travaille le PS avec une aile droite ­ DSK, Fabius avant 2002 ­ et une aile gauche ­ Emmanuelli, Fabius après 2002... Le parti
parle avec la voix d'un François Hollande qui a le «Verbe de gauche», mais à chaque fois légitime la «geste libérale» ­ de droite donc. Ainsi avec Jospin,
grand privatiseur devant Blum, qui a tourné l'arme vers sa tempe présidentielle en affirmant : «Mon programme n'est pas socialiste.» Cet homme fut le symptôme
trop visible de ce mal socialiste que, pour cette raison, les électeurs ont écarté du second tour.
Le même complexe de Janus a travaillé le parti lors du choix de la candidature avec une cristallisation sur trois noms : DSK, qui veut réconcilier la «parole
de gauche» et la «geste libérale » au profit d'une franche social-démocratie : parole libérale, geste libérale, donc politique de droite ; Fabius nouvelle
manière, qui souhaite résoudre la fracture ontologique du parti au profit de l'aile gauche, un projet dans lequel il est le moins crédible des hommes,
tout son passé politique témoignant de son rôle majeur dans le creusement de ce sillon schizophrénique pendant plus de vingt ans ; et Ségolène Royal, qui
se proposait d'amplifier la fracture, de creuser encore l'abîme et d'être à la fois la «parole» et la «geste de gauche» avec Chevènement à ses côtés, et
en même temps et la «parole de gauche» et la «geste libérale» avec Cohn-Bendit en héros, aux côtés des Kouchner, Rocard et autres vieux briscards de la
gauche de droite.
Cette schizophrénie affichée de Ségolène Royal a donc donné, pendant le seul premier tour, un éloge de la Marseillaise, du drapeau tricolore, de l'ordre
juste, de la maison de correction comme traitement des questions sociales, de la trilogie Travail, Famille, Patrie pour séduire les tenants de Chevènement
et, simultanément, un éloge de Blair, un désir affiché de supprimer la carte scolaire, une panoplie faite pour séduire les bobos ­ féminitude, écologitude,
modernitude, centritude... ­ pour disposer dans son escarcelle des dévots de Cohn-Bendit.
Et puis, entre les deux tours, il y eut par pur opportunisme politique, et au vu de l'arithmétique du premier tour, un véritable ralliement de Ségolène
Royal à François Bayrou, homme de droite s'il en est un depuis trente ans, mais qui, par tactique électorale et personnelle, avait joué la carte du ni
droite ni gauche : proposition de partager son temps de parole avec lui, médiatisation d'une réconciliation faite sur le seul programme «Tout sauf Sarkozy»,
annonce qu'il pourrait être son Premier ministre, qu'elle envisageait de gouverner avec le centre et même de nommer des ministres UDF... Vérités cyniques,
mais fautes politiques majeures pour un véritable électeur de gauche.
Ce ralliement fut un coup de couteau dans le dos de ceux qui portent la parole de gauche et se réclament de sa geste, au PS comme ailleurs dans toute la
gauche, y compris antilibérale. Dès lors, aux abois, le PS, par la seule voix de Royal, annonçait une nécessaire refondation, mais avec le centre et la
droite. La gauche du PS et la gauche de gauche, ne pesant rien électoralement, étaient ainsi purement et simplement jetées aux poubelles de l'histoire.
Royal paya sa dette dans la monnaie symbolique du «verbe de gauche» en meeting ­ merci Arlette, merci Olivier, merci Dominique, etc. ­, offrit des missions
­ à Bové par exemple ­ et tourna le dos aux électeurs de ceux-là en croyant que flatter dans le sens du poil les leaders de ces courants suffirait pour
se mettre dans la poche la voix de leurs électeurs... Puis elle avoue sans fausse honte son ralliement à la «geste libérale» de Bayrou. Mauvais calculs...
On connaît la suite.
La solution passe par la refondation des gauches : une parole et une geste réconciliées, la fin de la schizophrénie. Ce qui suppose une gauche gouvernementale
plus soucieuse d'idéaux socialistes, de visions du monde nouvelles, d'utopies alternatives, de pensées libertaires inédites, en même temps qu'une gauche
contestataire plus soucieuse de gestion, de travail en commun ­ une démarche que Foucault, Derrida et Bourdieu en leurs temps n'avaient pas exclue.
Le PCF, qui dans cette perspective tient la meilleure place par son souci des idéaux et sa capacité à gérer, gagnerait à changer de génération, à mettre
à la retraite idéologique les cadres qui travaillaient déjà avec Georges Marchais, et en ont conservé quelques mauvaises habitudes, pour pousser en avant
une jeune génération et un programme moderne, puis peser à gauche sur un Parti socialiste très tenté par une résolution de sa schizophrénie au seul profit
d'un centre social-démocrate. Au travail !
 

où habite la gauche?

dimanche 13 mai2007
 
Présidentielle La bataille à gauche Jean-Pierre Chevènement souhaite voir naître un grand parti qui récupère les valeurs républicaines :
«La gauche doit savoir où elle habite»
Par Renaud DELY
QUOTIDIEN : mardi 8 mai 2007
Pilier de la campagne de Royal, Jean-Pierre Chevènement plaide pur un nouveau «grand parti de gauche rassembleur» qui n'exclue pas de nouer des alliances
au centre.
Cette défaite, c'est la faute de la candidate, de la stratégie, du projet ? 
Très clairement, ce n'est pas de la faute de la candidate, qui a donné le meilleur d'elle-même. C'est le résultat de l'état relatif de la gauche et de la
droite. Nicolas Sarkozy a su, depuis des années, détourner un certain nombre de valeurs républicaines : le travail ­ c'est un comble ! ­ l'effort, le mérite,
la nation même, valeurs que la gauche n'aurait jamais dû laisser choir. Notre candidate a cherché à les récupérer. Elle a insisté sur l'indissociabilité
des droits et des devoirs, le «gagnant-gagnant», le refus de l'assistanat. Mais elle ne pouvait, à elle seule, pallier en peu de mois l'insuffisance d'une
réflexion et d'une action collectives.
Une panne qui remonte au désastre du 21 avril 2002 ? 
Bien avant. Depuis la fin des années 80, le PS n'a pris aucune distance avec son tournant social-libéral. Il ne l'a ni critiqué, ni assumé. Il n'a pas fait
sa conversion républicaine, il a fait, sans le dire, sa conversion libérale. Les socialistes auraient pu prendre le temps de trier le bon grain de l'ivraie.
Mais, sous François Mitterrand, c'était le règne des «Commandements de Dieu». Puis vint l'époque d'un «droit d'inventaire» qui, de fait, n'a jamais été
exercé. Enfin, depuis le 21 avril 2002, la gauche s'est tétanisée. Il n'y a pas eu de critique réfléchie des années 1997- 2002. Cette période est devenue
taboue. Ségolène Royal a été amenée à faire des avancées qui étaient plutôt des échappés belles mais solitaires, sur des questions comme la République,
la nation, dont on ne parlait plus beaucoup à gauche depuis longtemps, la sécurité ou l'Education.
Avec «l'ordre juste», ou l'autorité, certains reprochent à Royal de s'être placée sur le terrain de l'adversaire... 
C'est une erreur fondamentale. Historiquement, ce sont des valeurs républicaines. Mai 68 a été un moment de l'Histoire mais il serait absurde de lui opposer
Jules Ferry. Moi-même, j'ai souhaité que l'école de la République relève les défis de la modernité dès que je suis devenu ministre de l'Education en 1984.
L'habileté de Sarkozy a été d'enfermer la gauche dans cette caricature de laxisme et d'esprit soixante-huitard. La gauche n'avait pourtant aucune raison
de se laisser ainsi «encager». Sarkozy a exploité abusivement les incidents de la gare du Nord en rejetant Ségolène Royal du côté des délinquants. Sarkozy
a amalgamé dans une sorte d'enclos les immigrés, les «assistés» et les délinquants, en dressant contre eux la masse des «honnêtes gens», comme on disait
au XIXe siècle. C'est la technique classique du bonapartisme : «Que les méchants tremblent et que les bons se rassurent !» 
Alors, sur quelles bases refonder la gauche ? 
Il faut que la gauche récupère la République, dont les valeurs sont aussi le travail, la liberté, la laïcité, le refus des communautarismes, le patriotisme,
etc. Elle doit se réapproprier le regard républicain, qui s'oppose au regard ethnique et voit dans l'autre ses qualités avant de voir s'il a le cheveu
crépu ou la tignasse blonde. Il est nécessaire de trouver ces «points justes» qui permettront à la gauche de reconquérir une hégémonie culturelle.
Redoutez-vous que les dirigeants du PS veuillent «rénover» la gauche en s'inspirant de Tony Blair ? 
Sur beaucoup de choses, Tony Blair n'a pas eu tout faux, par exemple sur les services publics. Et je l'ai moi aussi souvent cité : «Dur avec le crime, dur
avec les causes du crime.» Mais on ne peut pas importer en France le modèle britannique. Depuis deux siècles, le modèle français, c'est le modèle républicain.
La gauche doit se doter d'un projet ouvert à ceux qui se disent sociaux-démocrates, communistes, radicaux, démocrates, chrétiens progressistes et, bien
sûr, aux républicains de tradition socialiste, qui sont beaucoup plus nombreux que les adhérents du MRC.
Vous souhaitez un nouvel Epinay ? 
A terme, oui. Le cycle inauguré en 1971 s'est achevé. Il n'y a plus de bipolarité du monde. L'influence du PCF est résiduelle. Cela ne veut pas dire qu'il
faille plier devant la globalisation, la dictature de l'actionnariat, le capitalisme financier sans frontières. Il faut comprendre le monde pour le transformer.
La gauche française manquerait à sa vocation si elle n'était que gestionnaire. Il faut trouver le centre de gravité d'un grand parti de gauche, rassembleur,
qui renoue avec un débat d'idées qui nous a beaucoup manqué depuis une vingtaine d'années.
Ce parti pourrait-il se tourner vers le centre ? 
Il ne doit exclure aucune stratégie d'alliances, mais les alliances ne viennent qu'après. Avant de pratiquer l'ouverture, il faut savoir où l'on habite,
sinon l'on n'est qu'un camp volant. Je suis contre une gauche sans domicile fixe. Bâtir un nouveau parti réformiste ? Pourquoi pas. Mais avec une grille
de lecture du monde et la volonté de le changer.
Quel rôle doit jouer Royal ? 
Elle a un rôle évident. On ne rassemble pas impunément 17 millions d'électeurs. Mais je crois à la force de l'élaboration collective.
Vous souhaitez des états généraux de la gauche ? 
Pourquoi pas ? Mais il faut que ce genre de rendez-vous soit bien préparé. Quelle perspective pour la France dans la mondialisation ? Telle est la question
à laquelle la gauche doit répondre. Il y a dans la société française un bouillonnement qu'il faut savoir capter. Nous avons su le faire, sur un projet,
lors du congrès d'Epinay. Il faut le refaire. Pour ma part, j'y consacrerai mes efforts.
 

DSK:disponible pour une rénovation!

dimanche 13 mai 2007
 
Présidentielle La bataille à gauche Jean-Christophe Cambadélis, proche de DSK, dénonce un logiciel de gauche dépassé:
«Il faut construire un socialisme du réel»
Par Matthieu ECOIFFIER 
QUOTIDIEN : mardi 8 mai 2007
Jean-Christophe Cambadélis, député (PS) de Paris et proche de Dominique Strauss-Kahn, regrette que le PS n'ait «pas travaillé à une offre politique réaliste
et de gauche» depuis 2002.
Quel bilan tirez-vous du scrutin ? 
Notre campagne a été dynamique. Le rejet de Sarkozy a été fort, les meetings pleins et les militants nombreux. Ségolène a été déterminée. Et pourtant, au
premier tour, avec 35 %, jamais la gauche n'a été aussi faible depuis les années 60. Et pourtant, avec 46,9 % jamais la candidature de gauche n'a été aussi
basse au second tour. Et pourtant, la participation a été extrêmement forte. C'est la troisième élection présidentielle que nous perdons d'affilée. Nous
savons combien vont souffrir la France et les Français.
Où sont passés les électeurs de gauche ? 
Pas à la gauche du PS, que nous avons asséchée, ni dans l'abstention. Le logiciel de la gauche actuelle n'est plus majoritaire dans le pays. Si nous voulons
demain renouer avec la victoire et rendre l'espoir aux Français, il nous faut le rendre à nouveau majoritaire.
Pourquoi les électeurs ont-ils boudé le projet de Royal ? 
Certains ont cru que le rejet de la droite manifesté aux régionales de 2004 suffirait. Nous n'avons pas construit une opposition de projet, nous n'avons
pas répondu à la nécessité du temps présent. Et nous n'avons pas travaillé à une offre politique réaliste et de gauche, en tranchant les débats qui nous
ont opposés pendant les cinq dernières années.
La direction du PS fait-elle la politique de l'autruche ? 
D'abord et avant tout, j'attends que l'on dise que nous avons subi une défaite et que nous avons entendu le message du pays. On ne peut aller aux législatives
en proclamant : on a été bons, on est bons et on sera bons. Ensuite, il faut que nous engagions le processus de refondation de la gauche et que nous construisions
un socialisme réel, dans le réel, qui sera la maison du renouveau.
Cette «maison» s'ouvre-t-elle à l'UDF ? 
Elle est à bâtir et elle est à gauche. Arrêtons de faire de la tactique, de l'élaboration approximative, le regard rivé sur le score de la droite dans sa
ville. Revenons à l'identité de la gauche, changeons la gauche pour changer la France. François Bayrou n'a pas appelé à voter Ségolène Royal, cela nous
a coûté. Il va créer un nouveau parti. C'est à lui de se situer, pas à nous de quémander. Ne tombons pas dans la cuisine électorale. Affichons nos valeurs,
notre socialisme moderne, puis le temps de la bataille viendra.
Ne risquez-vous pas de faire fuir les antilibéraux ? 
La maison du renouveau proposée par Strauss-Kahn vise à rassembler tous ceux qui veulent changer la gauche et s'opposer au pouvoir qui se met en place et
qui inquiète.
Hollande doit-il rester aux manettes ? Et quid de Royal ? 
Ce n'est pas la question du jour. Les socialistes seront unis. François Hollande prendra ses responsabilités, et chaque leader du PS comme chaque militant
doit s'engager dans la bataille décisive des législatives. Ségolène y a toute sa place, elle a mené une bonne bataille, mais elle n'a pas gagné. On ne
peut pas transformer le plomb de la défaite en or de la victoire.
En la taclant dès dimanche, DSK ne s'est-il pas aliéné les nouveaux adhérents PS pro-Royal ? 
Dominique n'a pas critiqué des personnalités, il a mis en cause une démarche avortée, celle de la refondation du PS. Les nouveaux adhérents sont attentifs
à une nouvelle donne, ils ne sont la propriété de personne.
Le congrès du Parti socialiste doit-il être avancé ?
Il y a devant nous une rénovation des idées, de l'alliance et du discours, donc un renouveau du PS. Il faut que quelqu'un soit mandaté dans moins d'un an
pour accomplir ces trois défis.
 

Revue de presse :un regard critique sur les résultats de la Présidenteille

dimanche 13 mai 2007
 
Rebonds
 
Il faut sortir la perdante, mère-tape-dur pour les déviants et Notre-Dame-de-la-compréhension pour les tourments entrepreuneuriaux.
Pour en finir avec Calamity Sego
Par Luc LE VAILLANT
QUOTIDIEN : mardi 8 mai 2007
Par Luc Le Vaillant journaliste à «Libération»
Comme 47 % pour cent des Français, j'ai voté Ségolène Royal au second tour. Et c'est bien la première fois qu'en choisissant le-la candidat-e du PS, je
me suis senti patauger dans une mare d'amertume. A la limite, il ne me fut pas beaucoup plus compliqué de rallier Chirac pour faire obstacle à Le Pen,
tant cette fois la représentante de la gauche a hissé haut le drapeau sécuritaire, chanté fort l'hymne de l'ordre régressif, et tambouriné boum-boum des
discours aussi droitistes en matière économique que ceux de l'ex-ministre de l'Intérieur. D'où le besoin de tourner une page noire de la gauche électorale
en listant les calamités auxquelles avec Royal nous avons eu droit.
1) Calamité pour les valeurs de gauche. Le procès fait à Royal en inconséquence est ridicule. Non seulement, elle a des convictions, mais elles sont bien
ancrées et si elle a su en masquer certaines le temps de la campagne, il suffit de revenir aux origines pour en dépister les invariants. Pour faire court,
Royal a toujours été social-libérale en matière économique et néo-autoritaire dans le registre sociétal. Blairiste et pudibonde, si vous préférez. Ses
inclinations «protectrices», réponses au référendum 2005, n'ont pas pesé lourd quand il s'est agi d'aller draguer le démocrate chrétien. A contrario, la
gauche française a longtemps été égalitaire dans le champ collectif et «libérale» au sens américain, pour ne pas dire libertaire dans ce qui touche la
sphère privée. Les cent propositions négociées entre le parti et sa candidate pouvaient bien tenter l'alliance des contraires, la «femme libre» n'a pas
tardé à envoyer tout ça valser et à en revenir à ses marottes. Le pire, ce fut en matière de sécurité. Une leader de gauche réclamant plus de policiers,
où a-t-on vu jouer ça ? Ici, en France, vieux pays apeuré par ses enfants et ses cités, mais aussi douce nation épargnée par le moindre conflit majeur
depuis deux générations. Surtout, la dame, qui n'en a jamais démordu quant à l'encadrement militaire des jeunes délinquants, décrocha le pompon en condamnant
quasi à la prison à vie les criminels sexuels. Difficile ensuite de reprocher à Sarko ses dérapages génétiques, si c'est pour en rajouter dans le déterminisme,
en liquidant toute possibilité d'évolution, de résilience. Au sortir de cette brillante parade de mère-tape-dur pour les déviants et de Notre-Dame-de-la-compréhension
pour les tourments entrepreneuriaux, la gauche sombre à 47% et, surtout, perd la boule question valeurs. Avant, la gauche, c'était égalité et justice.
Désormais, ce serait ordre juste et sécurité durable. La défaite toujours, le déshonneur en supplément du jour.
2) Calamité pour le PS. Elle est étonnante, cette époque, qui méprise les organisations collectives et sacre les soi-disant rebelles, ces individus du sérail
qui se mettent en dehors pour mieux pleurnicher qu'on ne veut pas d'eux. Ce qui, dans une société émotive, leur permet de déclencher la compassion et de
rafler la mise. Les adhérents à 20 euros aimaient cette historiette bébête de la pauvre bergère méprisée, bottant les fesses des éléphants aux idées moribondes.
En récompense, Royal leur a offert sa démocratie participative, vaste entourloupe pailletée de jérémiades, qui n'a modifié en rien la vision des choses
d'une candidate au corpus d'idées déjà très structuré. Grâce aux sondages, Royal a également pris à la hussarde ce parti d'élus, promettant qu'elle seule
était capable de les maintenir en place. On voit où cela les a menés. Il va falloir aux députés aller à la bataille des législatives derrière une idéologue
très particulière, qui s'est acharnée à tailler en pièces leurs fondamentaux, pour mieux faire siens les principes de l'ennemi. Il va leur falloir suivre
une générale battue qui n'a cessé de les abandonner en rase campagne, tout à ses rêves gaulliens de femme providentielle. DSK ou Fabius auraient-ils fait
mieux ? Pas sûr, mais le mal de tête aurait été moindre. S'il est libéral en économie, DSK reste libertaire en matière de moeurs. Et Fabius a risqué le
suicide politique pour retrouver l'aval des catégories populaires. Quant à la génération montante ralliée à Royal, histoire d'en croquer enfin, à elle
de se mettre au clair avec ses convictions. Les habiletés tactiques (alliance avec le centre ou néogauche plurielle) viendront ensuite.
3) Calamité pour les femmes. Il était assez insupportable d'entendre en permanence la candidate de gauche se présenter «en tant que femme», «en tant que
mère de famille» . Différentialisme, segmentation de la société, affrontement d'un «genre» contre un autre. Cette approche sexiste de la présidentielle
était une mauvaise manière faite aux hommes et, surtout, aux femmes... La stricte égalité entre les sexes, qui ont chacun droit au masculin, au féminin
et à la présidence de la République, ne peut s'accommoder d'une candidate tirant argument de sa nature, quand toute l'ambition de la gauche a toujours
été de lutter contre l'état de... nature. En clair, ce n'est pas parce que c'est une femme et qu'elle dit des choses de droite, qu'elle lève des tabous.
On pourrait plutôt dire qu'elle les «refonde», qu'elle les «rénove», ces tabous de la droite réac de toujours. Sans compter qu'en matière internationale,
rêver de rejoindre Angela Merkel et Hillary Clinton, lors de G7 futurs, est une façon comme une autre de liquider les clivages politiques. Comme si les
dîners de filles pouvaient tenir lieu de vision du monde...
Alors, pour ne pas revivre ça, sortons la perdante. Afin que, demain, si défaite il y a, on n'ait pas en plus le sentiment d'avoir abjuré.
 

Sarkozy brouille les cartes et sollicitte les talents de lagauche!

Samedi 12 mai 2007
 
Hubert Védrine a été approché par Nicolas Sarkozy
 
Ancien ministre des affaires étrangères de Lionel Jospin, Hubert Védrine s'est rendu, vendredi 11 mai, dans les bureaux de Nicolas Sarkozy, rue Saint-Dominique,
à Paris. Le président élu lui a-t-il proposé un poste dans son gouvernement ? Des sources anonymes l'affirment, au grand dam des socialistes. Sans avoir
été directement associé au cercle des proches de Ségolène Royal pendant la campagne présidentielle, M. Védrine a néanmoins conseillé l'ex-candidate sur
la politique étrangère. Ainsi, le président de l'Institut François-Mitterrand a-t-il rédigé des notes pour le débat télévisé du 2 mai entre M. Sarkozy
et Mme Royal. "Monsieur Sarkozy, vous avez fait partie d'un gouvernement qui a laissé constamment élargir le champ d'action et les compétences de l'OTAN
sans explication, sans débat démocratique ni décision claire", a écrit l'ancien ministre. Et à propos du dossier européen Airbus : "Le gouvernement auquel
vous avez participé a ensuite tout gâché par copinage politique (soutien aux manoeuvres de Noël Forgeard). Il n'a eu depuis 2002 aucune réussite industrielle
à son actif." Contacté par Le Monde vendredi après-midi, M. Védrine n'a pas, dans l'immédiat, souhaité répondre.

Ségolène n'entend pas se faire voler la défaite, pour s'imposer comme leader de la gauche!

samedi 12 mai 2007
 
Ségolène Royal : "Les Français ont été fiers de leur candidate, ils attendent une suite"
 
l est urgent de mettre un couvercle sur une marmite qui bout, et les socialistes, réunis en conseil national, samedi 12 mai, à la Mutualité, à Paris, vont
s'y employer, le temps des législatives. La campagne est courte et chacun met en avant son esprit de "responsabilité". Mais après...
 
La première, Ségolène Royal prendra la parole pour remercier, souligner les thèmes de sa campagne qu'elle souhaite continuer à voir porter et dire sa "disponibilité
pour les échéances futures".
 
Recevant les journalistes qui ont suivi sa campagne, vendredi, dans ses bureaux du 282, boulevard Saint-Germain, à la veille d'en rendre les clés, l'ex-candidate
a d'emblée mis les choses au point : "On aura l'occasion de se revoir. La politique, ce n'est jamais fini, ça ne s'arrête jamais..." Première étape : les
législatives, pour lesquelles Mme Royal dit vouloir "s'engager pleinement" et "crouler sous les demandes" de soutien des candidats du PS. "Je serai bien
sûr très présente pour continuer le mouvement qui s'est déclenché avec la présidentielle", assure-t-elle. D'ailleurs, le grand meeting annoncé dès le soir
de la défaite aura bien lieu, comme un "rassemblement politique". Avec le parti ?, lui demande-t-on. Réponse : "On verra."
 
"PAS TROP DE DÉTAILS"
 
Au-delà, Mme Royal le dit tout net : "Je ne m'interdis rien." Et puis, ajoute-t-elle, "les Français ont été fiers de leur candidate, de la campagne, et
ils attendent une suite". Et aussi : "Je suis regardée comme l'une des leaders de l'opposition par l'opinion." Bien décidée à faire fructifier les 17 millions
de voix qui se sont portées sur elle au second tour de la présidentielle, et notamment dans les quartiers, Mme Royal envisage de constituer un "réseau"
avec des "antennes, des permanences" ouvertes dans les cités, via les cent associations qui ont soutenu sa candidature. Envisage-t-elle de prendre la direction
du PS ? "Je vous le dirai après les législatives, répond-elle. J'ai le sens des responsabilités, je ne brutalise pas les échéances." Mais il y a une chose
à laquelle Mme Royal ne peut se résoudre, c'est de prononcer le mot "défaite". "J'ai dit qu'on n'avait pas gagné", élude-t-elle.
 
Royal d'un côté, Hollande de l'autre : c'est l'affiche la plus attendue du week-end, la plus observée, la plus critiquée. Deuxième orateur, samedi, François
Hollande n'a pas l'intention de "rentrer dans trop de détails" sur les raisons de l'échec. Il brossera, à grands traits, la réussite de Nicolas Sarkozy
à fédérer les droites et l'inefficacité, cette fois, du vote sanction.
 
Le premier secrétaire du PS n'est pas plus disposé à laisser le débat sur le centre s'imposer. "Rien ne serait pire que de laisser un espace à gauche",
dit-il. Sans répondre aux attaques dont il est l'objet de la part de Dominique Strauss-Kahn, il a son idée pour la suite. "La ligne social-démocrate ne
peut pas être une ligne de refondation. C'est une vieille ligne."
 
Au PS, certains réfléchissent à la façon de poursuivre un partenariat poussé avec les radicaux de gauche, les chevénementistes, tout en attirant les communistes
et surtout les Verts vers lesquels lorgne François Bayrou. Cela pourrait prendre la forme, dans un premier temps, d'une structure intermédiaire, d'un "conseil
des gauches" - pas encore d'une UMP de gauche, mais...

Isabelle Mandraud