15 mai 2007

Royale imposture!

Mardi 15 mai 2007
 
Celle que l'on a présentée comme un symbole de modernité n'est qu'un avatar du vieil appareil PS.
L'imposture Ségolène Royal
Par François LAFON
François Lafon, maître de conférences en histoire. Auteur de
Guy Mollet, itinéraire d'un socialiste controversé, Fayard, 2006.
 
Quelque chose de nouveau s'est levé et qui ne s'arrêtera pas.» Non, ces paroles prononcées au soir de sa défaite, Ségolène Royal n'en a pas la maternité.
Elles reprennent mot pour mot la déclaration de Mitterrand du 19 mai 1974 lors de l'élection de Giscard d'Estaing à la présidence de la République. Tout
serait ainsi dit. De même que l'échec de 1974 aurait préfiguré la victoire de 1981, celui de 2007 précéderait l'inéluctable victoire de 2012.
On reste confondu par une telle attitude, confortée par l'étonnante image de vainqueur que la candidate, pourtant très largement défaite, a arborée au soir
du scrutin. Car, autant le résultat de 1974 était porteur d'espérance, autant celui de 2007 traduit l'impuissance de la principale formation politique
de la gauche à gagner une élection. Au nom de la rénovation de la vie politique, le Parti socialiste s'est lancé dans des primaires où le people l'a emporté
sur la cohérence politique. Celle qu'on a osé présenter comme symbole de la modernité politique n'avait-elle pas été plébiscitée lors du vote interne par
tout ce que le vieil appareil socialiste compte de ringardise ? Il suffit pour s'en convaincre de se référer à ses résultats obtenus lors du scrutin interne
dans les fédérations les plus verrouillées du Nord, du Pas-de-Calais, de l'Hérault ou encore des Bouches-du-Rhône.
Dès lors, la prétendue rénovation n'est devenue qu'un simulacre sans consistance, et la campagne électorale a tourné au ridicule. Un coup contre les éléphants,
puis un autre coup, appel à l'aide dans leur direction. Un coup à gauche toute, puis un autre coup oeillade au centre. Quant au fond du discours, la place
exacerbée du JE laisse songeur. Je veux, je ferai, je déciderai. Dire qu'il fut un temps où la gauche s'opposait au pouvoir personnel au nom d'une volonté
collective qu'elle jugeait consubstantielle à l'idéal démocratique.
Certes, il serait injuste de tout mettre sur le dos de la candidate. Mais avoir prétendu faire du neuf avec du vieux, c'était déjà en soi une authentique
imposture. Il en est une autre qu'il convient d'empêcher à tout prix. C'est celle qui consisterait à rejouer le film à la prochaine séance. Pour l'éviter,
il est une condition certes non suffisante mais nécessaire : il faut d'abord célébrer les obsèques du Parti socialiste.
Refondation ne rime pas avec replâtrage. Il est temps de hâter le mouvement en débranchant le respirateur artificiel qui maintenait encore un semblant de
vie dans un parti fossilisé. Et de dire à Ségolène Royal, et à quelques autres, qu'elle n'est pas habilitée à l'assumer.
Car, désormais, grâce à elle, il reste le plus dur : à vivre concrètement cinq ans dans la France de Sarkozy.
 

 

1 Commentaires :

At 12:08, Anonymous Anonyme a dit...

Bonjour,

voici le texte intégral que j'avais adressé à Libé
Sans doute, vous intéressera-t-il
François
L’imposture Ségolène Royal.

« Quelque chose de nouveau s’est levé et qui ne s’arrêtera pas ». Non, ces paroles prononcées au soir de sa défaite, Ségolène Royal n’en a pas la maternité. Elles reprennent mot pour mot la déclaration de François Mitterrand du 19 mai 1974 lors de l’élection de Valéry Giscard D’Estaing à la présidence de la République. Tout serait ainsi dit. De même que l’échec de 1974 aurait préfiguré la victoire de 1981, celui de 2007 précéderait l’inéluctable victoire de 2012.
On reste confondu par une telle attitude, confortée par l’étonnante image de vainqueur que la candidate, pourtant très largement défaite, a arboré au soir du scrutin.
Car, autant le résultat de 1974 était porteur d’espérance, autant celui de 2007 traduit l’impuissance de la principale formation politique de la gauche à gagner une élection sur le papier imperdable.
Au nom de la rénovation de la vie politique, le parti socialiste s’est lancé dans des primaires où le people l’a emporté sur la cohérence politique. Celle qu’on a osé présenter comme symbole de la modernité politique n’avait-elle pas été plébiscitée lors du vote interne par tout ce que le vieil appareil socialiste compte de ringardise ? Il suffit pour s’en convaincre de se référer à ses résultats obtenus lors du scrutin interne dans les fédérations les plus verrouillées du Nord, du Pas-de-Calais, de l’Hérault ou encore des Bouches-du-Rhône.
Dès lors, la prétendue rénovation n’est devenue qu’un simulacre sans consistance et la campagne électorale a tourné au ridicule.
Un coup contre les éléphants (devenus semble-t-il inutile sitôt qu’ils avaient assuré l’investiture interne), puis un autre coup, appel à l’aide dans leur direction. Un coup à gauche toute, puis un autre coup œillade au centre.
Quant au fond du discours, la place exacerbée du Je laisse songeur. Je veux, je ferai, je déciderai. Dire qu’il fut un temps où la gauche s’opposait au pouvoir personnel au nom d’une volonté collective qu’elle jugeait consubstantielle à l’idéal démocratique.
Le point culminant du désastre s’est déroulé au vu de tous, lors du débat télévisé d’entre deux tours.
Rien d’étonnant à ce qu’au terme du processus, la gauche ait connu l’une des défaites les plus cuisantes de son histoire.
Un an à peine après les grandes mobilisations populaires contre le CPE, la gauche a perdu sa troisième élection présidentielle consécutive. Après deux victoires de Jacques Chirac, elle doit subir le triomphe de Nicolas Sarkozy qui, face à ce vide sidéral, n’a eu aucune difficulté à donner l’illusion d’incarner le changement dans la compétence.
Tel est le constat désespérant.
Certes, il serait injuste de tout mettre sur le dos de la candidate. Mais avoir prétendu faire du neuf avec du vieux, c’était déjà en soi une authentique imposture.
Il en en est une autre qu’il convient d’empêcher à tout prix. C’est celle qui consisterait à rejouer le film à la prochaine séance. Pour l’éviter, il est une condition, certes non suffisante, mais nécessaire : il faut d’abord célébrer les obsèques du parti socialiste.
Son fonctionnement interne et son absence d’analyse des attentes de la société sont coresponsables du résultat.
Coresponsables aussi, ceux qui à sa tête ont préféré les accords d’appareil (ah la belle synthèse du congrès du Mans) et refusé d’entendre la protestation populaire à la suite du référendum de 2005.
Refondation ne rime pas avec replâtrage. Il est grand temps pour ceux qui croient encore en une gauche moderne de hâter le mouvement en débranchant le respirateur artificiel qui maintenait encore un semblant de vie dans un parti fossilisé. Et de dire clairement à Ségolène Royal, et à travers elle à quelques autres, qu’elle n’est pas habilitée à l’assumer.
Car, désormais, grâce à elle, il reste le plus dur : à vivre concrètement cinq ans dans la France de Nicolas Sarkozy.

François Lafon

Maître de conférences en Histoire
Auteur de Guy Mollet, itinéraire d’un socialiste controversé, Fayard, 2006

 

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