27 mai 2007

Les Communistes n'acceptent pas la récupération de Guy Môquet!

Jeudi 24 mai 2007
 
Politique
Guy Môquet, le courage d'un combat
 
Hommage . Le souvenir du jeune résistant communiste sera honoré. Sa dernière lettre à sa famille sera lue à tous les lycéens. Nicolas Sarkozy investit le
terrain de la mémoire...
 
La décision a été annoncée, mercredi, par le président de la République, aussitôt après son installation, lors d'une cérémonie d'hommage aux 35 jeunes résistants
fusillés à la Cascade du Bois de Boulogne (voir ci-contre). La dernière lettre du jeune résistant communiste Guy Môquet, fusillé par les Allemands le 22
octobre 1941, sera lue au début de chaque année scolaire dans tous les lycées de France. « Je crois essentiel d'expliquer à nos enfants ce qu'est un jeune
Français », a justifié Nicolas Sarkozy. « Soyez fiers de la France au nom de laquelle ils sont morts », a-t-il lancé à l'adresse des jeunes générations,
invoquant le souvenir de jeunes résistants « pour lesquels la France comptait davantage que leur parti ou leur église ».
 
exécuté par les nazis à dix-sept ans
 
Maintes fois évoqué par le chantre de « l'immigration choisie » et de « l'identité nationale » durant la campagne présidentielle, l'élève du lycée Carnot,
militant de la Jeunesse communiste, assassiné par les nazis à dix-sept ans, est donc honoré, aujourd'hui, par un président de la République soucieux d'effacer
son image d'homme de division. Trois grands résistants, Serge Ravanel, Daniel Cordier et Raymond Aubrac, tout en rappelant leur distance à l'égard de Nicolas
Sarkozy, se sont félicités de cette initiative, en souhaitant que le parcours du jeune résistant soit expliqué par les enseignants.
 
De la « liquidation de mai 68 » à l'exaltation de « l'esprit de la résistance » en passant par la légitimation des conquêtes coloniales, le nouveau chef
de l'État entend faire de l'histoire un terrain privilégié de son combat idéologique. Pour reprendre l'expression de Gérard Noiriel, Nicolas Sarkozy « consacre
les grands personnages qui ont fonction de le consacrer » (1). « Ce discours mémoriel, poursuit l'historien, a aussi pour but de fabriquer un consensus
occultant les rapports de pouvoir et les luttes sociales ». Le combat politique dans lequel s'inscrivait Guy Môquet est, effectivement, gommé dans le discours
du président de la République, au profit de l'exaltation de la seule « fierté de la France » qui aurait guidé, selon lui, le jeune résistant. Exit, la
lutte antifasciste, l'internationalisme, l'idéal d'émancipation humaine, d'égalité, de démocratie, qui l'animaient.
 
En outre, seule la responsabilité de « la Gestapo » est ici stigmatisée. Si l'historien Max Gallo l'a soulignée, en revanche, Nicolas Sarkozy passe totalement
sous silence la responsabilité de la police et du gouvernement de Vichy. L'évocation du rôle joué par des Français dans l'assassinat des jeunes résistants
honorés aurait terni le récit national héroïque et lisse que souhaite écrire le nouveau président de la République. Pourtant, ce sont bien des policiers
français, à la recherche de militants communistes clandestins, qui arrêtent Guy Môquet, le 13 octobre 1940, au métro Gare de l'Est. Avant de le passer
à tabac pour tenter de lui extorquer les noms des camarades de son père, le député communiste du 17e arrondissement, Prosper Môquet, arrêté un an plus
tôt, déchu de son mandat et déporté en Algérie.
 
une liste d'otages
 
à fusiller
 
Incarcéré à Fresnes, puis à Clairvaux, Guy Môquet est finalement transféré, avec d'autres militants communistes, au camp de Châteaubriant. Le 20 octobre
1941, le Feldkommandant Karl Hotz est abattu à Nantes par trois résistants communistes : deux Français, Marcel Bourdarias et Gilbert Brustlein, et un « immigré »,
l'Italien Spartaco Guisco. En guise de représailles, les autorités nazies soumettent au ministre de l'Intérieur de Pétain, Pierre Pucheu, une liste d'otages
à fusiller. Ce dernier parlemente, sélectionne les communistes, « pour éviter de laisser fusiller 50 bons Français ». Deux jours plus tard, dans la carrière
de la Sablière, à la sortie de Châteaubriant, 27 résistants sont assassinés, parmi lesquels Guy Môquet. Ceux que les représentants du gouvernement de Vichy
considérent comme de « mauvais Français » tombent en s'écriant « Vive la France ! » Une France qu'ils rêvaient, comme les « étrangers » de l'Affiche rouge,
débarrassée du poison de la peur et de la haine de l'autre.
 
(1) Gérard Noiriel, les Usages de l'histoire dans le discours public de Nicolas Sarkozy, texte publié sur le site Internet du Comité de vigilance face aux
usages publics de l'histoire.
 
Rosa Moussaoui