14 décembre 2006

Revue de presse: La fin de l'histoire Belge, la chute!

La télévision publique francophone a interrompu ses programmes, mercredi soir, pour diffuser une fausse émission qui simulait l'indépendance de la Flandre
 
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CHRONOLOGIE
 
1970-1971.
 
La première réforme de l'Etat belge consacre l'existence de " communautés " française et flamande.
 
1980.
 
Création des régions flamande et wallonne. Le sort de Bruxelles est gelé. Les régions s'occupent d'économie, du logement, de l'administration locale ; les
communautés gèrent l'enseignement, la culture.
 
1993.
 
Election directe des assemblées régionales, modification du système bicaméral, création de la région bruxelloise.
 
2001.
 
Définition de nouvelles compétences et du financement des pouvoirs fédérés.
 
2007.
 
Rendez-vous prévu pour le lancement d'une nouvelle négociation institutionnelle.
 
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Une émission de politique-fiction diffusée, mercredi 13 décembre, par la Radio-télévision belge francophone (RTBF) a suscité un tollé politique et une grande
émotion dans le pays. La chaîne publique a interrompu ses programmes vers 20 h 20 pour diffuser, durant une centaine de minutes, une fausse émission spéciale
d'information évoquant la fin de l'Etat belge après la proclamation unilatérale, par le parlement régional flamand, de l'indépendance de la Flandre.
 
FUITE DU ROI À KINSHASA
 
Des figures bien connues du grand public, dont le présentateur attitré du journal télévisé, semblaient assumer leur rôle habituel en évoquant " une crise
majeure au sommet de l'Etat ", la fuite du couple royal vers Kinshasa - la capitale de l'ex-Congo belge - ou des scènes de liesse à Anvers. Un directeur
de l'information ponctuait l'émission de commentaires apparemment sérieux sur le coup de force des partis flamands.
 
Une grande partie du public n'avait visiblement pas lu la mention " ceci n' est peut-être pas une fiction " apparue un très bref instant avant le lancement
de l'émission. Toutes les rédactions ont été immédiatement assaillies d'innombrables messages, des coups de téléphone ont été échangés partout et des réactions
de colère, d'incompréhension ou de tristesse ont été enregistrées en divers endroits. Divers témoignages évoquent des personnes âgées qui ont fondu en
larmes ou des enfants inquiets interpellant leurs parents.
 
L'information a semblé d'autant plus crédible à beaucoup qu'elle était appuyée par les commentaires de diverses personnalités politiques mises dans la confidence
et qui avaient accepté d'enregistrer de fausses réactions. Des directs simulés avaient été organisés devant le palais royal et le siège du parlement flamand,
où s'étaient massés des manifestants en liesse - en fait, des figurants. Des reportages montraient des trains forcés de s'arrêter à la frontière du nouvel
Etat, d'autres, plus sérieux, évoquaient les conséquences concrètes d'une scission du pays, dont une forte baisse du niveau de vie en Wallonie et le nécessaire
partage de la dette publique - 300 milliards d'euros - entre Flamands et francophones.
 
Apparemment exigée par les autorités de tutelle de la RTBF, la mention " ceci est une fiction " est apparue sur les écrans au bout d'une demi-heure. Les
journalistes ont toutefois poursuivi l'émission jusqu'à son terme et expliqué, tout à la fin, qu'ils avaient voulu " prendre des risques " pour évoquer
les conséquences concrètes de l'éclatement du pays, souvent évoqué en Flandre. Jean-Paul Philippot, l'administrateur-général de la RTBF, soulignait qu'un
intense débat interne avait eu lieu pendant deux ans avant que soit prise la décision de diffuser une telle émission.
 
Jeudi, M. Philippot estimait que " l'impact de l'émission a été plus grand que prévu ", ce qui indique, selon lui, la forte composante émotionnelle des
questions institutionnelles en Belgique. Présentant ses excuses " à ceux qui ont vécu ce moment comme bouleversant ", il promet de s'interroger dès lors
sur la forme utilisée et souligne qu'elle ne deviendra pas " un système " pour la RTBF.
 
Benoit Grevisse, professeur à l'Ecole de journalisme de Louvain-la-Neuve, juge que le procédé utilisé était " trompeur et ambigu " et cadre mal avec les
missions du service public. François Henderickx, sociologue des médias, estime que si un débat a effectivement été lancé, il porte sur les méthodes de
la RTBF et pas sur le séparatisme.
 
Jean-Pierre Stroobants