05 décembre 2006

Réflexions:la CSI, un avenir pour le syndicalisme mondial

voici une tribune  trés interressante de Jean Le Garrec.
 
Mondialisation. Syndicalisme. Pouvoir dans l’entreprise. Par Jean LE GARREC.
 
La création à Vienne d’un syndicat mondial, la CSI (confédération syndicale internationale) est un évènement considérable. Ce syndicat va naître du regroupement
de la confédération internationale des syndicats libres et de la Confédération mondiale du Travail. Ce syndicat mondial représentera 190 millions d’adhérents
et quelques 360 syndicats issus de 150 pays. L’évènement est d’abord international mais il est aussi franco-français puisque les quatre syndicats généralistes
CFDT, CGT, FO et CFTC seront membres de ce syndicat avec probablement une place au bureau de 25 membres pour la CFDT et la présence de la CGT au conseil
général de la CSI. Le futur secrétaire général, le britannique Guy Ryder a déclaré : « L’objectif sera d’obtenir un changement profond dans les règles
et le fonctionnement de l’économie mondiale ». Il ajoute que les deux dernières décennies ont en effet entamé « un basculement majeur en faveur des revenus
au détriment des salaires et au profit du capital ». Pour rééquilibrer le balancier, il faut s’attaquer aux firmes multinationales qui « ont jeté leur
passeport depuis longtemps et font fi des frontières. »
 
La question fondamentale est enfin posée : à qui appartient l’entreprise ? Depuis plus de 20 ans, avec une évolution extrêmement rapide, l’économie est
passée d’une phase de capitalisme « patrimoniale » à celle d’un capitalisme pour l’essentiel financier. Les rapports de force appartiennent à la capacité
de maîtrise d’une masse financière et de peser ainsi sur l’organisation des pouvoirs. L’OPA de Mittal sur le groupe sidérurgique européen Arcelor en est
l’exemple. M. Mittal possède plus de 98% des actions du groupe énorme dont il est le président et le seul actionnaire. Il peut donc mettre sur la table
une somme énorme, soit directement, soit avec l’appui des banques. Ce grand prédateur bouscule les discours sur le « patriotisme économique » dont se moque
comme d’une guigne les fonds de pension. Le pouvoir appartient à celui qui peut mobiliser les « grandes divisions » pour reprendre un langage militaire.
Le risque est grand de retrouver une situation de même nature avec le projet de fusion GDF-Suez. GDF sera privatisé alors que Sarkozy, lors de l’ouverture
du capital s’était engagé à ne pas revenir sur les 70% de capital public. Suez fait ainsi monter la pression d’un autre grand prédateur qu’est le financier
belge M. Frère. La prime pour l’échange des actions devrait être de 4 euros pour les détenteurs de l’action Suez. La masse financière aussi nécessaire
plombe complètement la capacité de développement de ce nouvel ensemble. Nous sommes dans une situation qui est celle du capitalisme post-industriel que
Marx n’avait pas prévue mais décrite d’une manière étonnante par le grand écrivain Jack London dans un livre peu connu préfacé par Trotsky, Le Talon deFer.
Dans son dernier livre, Trois leçons sur la société post-industrielle, Daniel Cohen écrit « nous sommes entrés dans une nouvelle époque où le social et
l’économique divorcent. A l’alternative d’un monde réel trop pauvre, virtuel et trop riche, il considère qu’il faut repenser le syndicalisme, l’université,
penser la gouvernance mondiale d’un côté, celle des villes et des collectivités locales de l’autre. Cela devient aussi important que de pérenniser les
fonctions classiques de l’état.
 
Concernant le syndicalisme français, l’examen par le conseil économique et social d’une réforme de la représentativité des organisations syndicales, mercredi
29 novembre 2006, est extrêmement important, même si beaucoup de points restent à approfondir (en particulier la forme du vote pour que tous les salariés
puissent participer à ce que sera cette représentativité nationale). L’avis du CES a été adopté par 132 voix pour et 57 contre. Il propose l’abrogation
d’un arrêté de 1966 qui confère une présomption irréfragable de représentativité aux cinq confédérations leur permettant ainsi de négocier des accords
collectifs. A la place, le CES propose l’instauration d’une représentativité nationale déterminée par le résultat d’élections ouvertes à tous les salariés,
les modalités du vote restant à définir... La CGT, CFDT, Unsa, UPA, les mutuelles et associations membres du CES ont voté pour tandis que FO, la CFTC,
la CFE-CGC, le groupe des entreprises privées (MEDEF, CGPME) et l’UNAPL ont voté contre.
 
Nous vivons une rupture grave dans notre société. L’angoisse taraude le corps social : inquiétudes concernant le présent, peur de l’avenir. Le « non » à
la Constitution n’est qu’une illustration de cette situation. Faire bouger les lignes est indispensable. Le prix Nobel de littérature, José Saramago, a
mis en épitaphe de son dernier livre La lucidité : « Hurlons dit le chien. Ce chien c’est vous, c’est moi, c’est nous tous ».
 
Par Jean LE GARREC.