Ségolène, la fille du Colonel!
Dimanche 29 avril 2007
L'étrangeté de Royal
La fille du colonel
L'écrivain reste frappé par le ton évangélique de la candidate de gauche par Marc Lambron*
L'écrivain reste frappé par le ton évangélique de la candidate de gauche par Marc Lambron*
Naguère, au PS, il y a eu des « transcourants ». Là, depuis dimanche soir, on a plutôt une femme en transe. D'un côté, elle se situe à 10 points au-dessus
de Lionel Jospin en 2002, ce qui fait qu'un 22 avril efface un 21 avril. D'un autre côté, l'étiage haut auquel Nicolas Sarkozy s'est élevé rend le défi
encore plus difficile. Le défi, c'est que le PS n'a plus réussi depuis dix-neuf ans à porter l'un de ses candidats à la présidence de la République française.
On pouvait penser que le profil particulier de Ségolène Royal, disons une structure psychique de droite au service d'une cause de gauche, permettrait de
répéter la geste mitterrandienne. La différence, c'est que le PCF est mort, et avec lui les réserves automatiques de voix que Billancourt donnait à Solférino.
La chose intéressante de cette campagne, pour moi, c'était un enjeu de grammaire. Autrement dit, qui allait faire muter la langue politique à l'occasion
d'un scrutin marquant le vrai terme de l'ère Mitterrand-Chirac ? On a vu des choses intéressantes. L'extrême-droite et l'extrême-gauche sont restées pendant
la campagne sur leur registre habituel, bloquées quelque part du côté de 1934. Sarkozy est allé au bout d'un chemin patiemment construit, qui vise à décomplexer
la droite sur son propre discours. Mais les vraies nouveautés, à mon avis, ce furent Bayrou et Royal. Le premier a installé le centre en option protestataire,
ce qui n'est pas un mince exploit s'agissant, pour reprendre une expression du général de Gaulle, du parti des chaisières de Paimpol. La seconde a réinjecté
une forte dose subliminale religieuse dans ce qu'il faut bien appeler sa prédication. Le mystère du PS, au sens médiéval du mot, est de constater qu'un
parti rationaliste et laïque a investi une candidate qui s'exprime avec les accents d'un télévangéliste texan lançant un appel de fonds pour son Eglise.
Ni Althusser ni Woodstock, Ségolène Royal parle depuis la chapelle de son enfance et la lecture des polys de l'ENA. D'un point de vue voltairien, c'est
très savoureux...
Début du flash Macromédia
Fin du flash Macromédia
Dans les dernières semaines, j'ai été frappé comme tout le monde par le retour des drapeaux tricolores et de « la Marseillaise ». On dit beaucoup que Ségolène
Royal a graduellement élevé Chevènement au rang de principal marabout, ce qui est un pied-de-nez supplémentaire au père Fouras du PS qu'est devenu Lionel
Jospin. Toujours l'axe Epinal-Nancy, la ligne d'horizon des souverainistes, lesquels sont également très bien placés auprès de Sarkozy avec Henri Guaino.
C'est donc le roman de l'énergie nationale qui fait retour dans la France de Diam's et des téléchargements. A croire que la pensée de Maurice Barrès, elle
aussi, est téléchargeable... Même si, par ailleurs, on dit que Ségolène Royal a beaucoup parlé avec Bernard-Henri Lévy, qui est pour le coup un stratège
anti-Barrès branché sur téléphone cellulaire. Finalement, je me demande si l'étrangeté de Ségolène Royal ne tient pas à ses liens avec une expérience devenue
très minoritaire dans la société française, celle de l'imaginaire militaire. Le goût du commandement, une certaine impavidité, la mentalité insulaire,
le courage, et aussi des déphasages de soldat perdu. Je me dis que celle qui s'avance maintenant vers le combat du second tour, c'est la fille du colonel.
Royal a graduellement élevé Chevènement au rang de principal marabout, ce qui est un pied-de-nez supplémentaire au père Fouras du PS qu'est devenu Lionel
Jospin. Toujours l'axe Epinal-Nancy, la ligne d'horizon des souverainistes, lesquels sont également très bien placés auprès de Sarkozy avec Henri Guaino.
C'est donc le roman de l'énergie nationale qui fait retour dans la France de Diam's et des téléchargements. A croire que la pensée de Maurice Barrès, elle
aussi, est téléchargeable... Même si, par ailleurs, on dit que Ségolène Royal a beaucoup parlé avec Bernard-Henri Lévy, qui est pour le coup un stratège
anti-Barrès branché sur téléphone cellulaire. Finalement, je me demande si l'étrangeté de Ségolène Royal ne tient pas à ses liens avec une expérience devenue
très minoritaire dans la société française, celle de l'imaginaire militaire. Le goût du commandement, une certaine impavidité, la mentalité insulaire,
le courage, et aussi des déphasages de soldat perdu. Je me dis que celle qui s'avance maintenant vers le combat du second tour, c'est la fille du colonel.
(*) Auteur chez Grasset de « Mignonne, allons voir... ».
François Armanet
Le Nouvel Observateur
Le Nouvel Observateur
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