15 mars 2007

Echos de campagne:Chirac ou la desillusion d'une espérance

ELYSÉE Le président devait annoncer ses intentions pour l'élection, dimanche 11 mars, à 20 heures
 
Après 40 ans de vie politique, M. Chirac ne briguera pas un troisième mandat
 
LE MONDE | 10.03.07 | 12h56  *  Mis à jour le 10.03.07 | 13h34
 
Comment est-il ? "Serein." Dimanche 11 mars, presque quarante ans, jour pour jour, après sa première élection comme député de la Corrèze, le 12 mars 1967,
Jacques Chirac prononcera une allocution télévisée à 20 heures pour annoncer aux Français ses intentions quant à l'élection présidentielle. A 74 ans, après
avoir été ministre ou premier ministre de ses quatre prédécesseurs, de De Gaulle à Mitterrand, le chef de l'Etat ne briguera pas un troisième mandat.
 
Il est le premier des présidents de la Ve République qui peut avoir laissé planer un doute, même mince, sur une nouvelle candidature après douze années
de pouvoir. De Gaulle avait annoncé qu'il partirait s'il perdait le référendum de 1969. Georges Pompidou était mort avant la fin de son septennat. Valéry
Giscard d'Estaing s'était représenté à l'issue du sien, mais n'avait pas été réélu. Quant à François Mitterrand, malade depuis longtemps, il était évident
pour chacun qu'il ne se soumettrait plus, en 1995, au suffrage des Français. M. Chirac est aussi le premier chef d'Etat qui a inauguré le quinquennat.
 
L'hypothèse d'une cinquième candidature, constamment agitée, était peu plausible depuis l'échec au référendum en mai 2005. D'autant que ce désaveu avait
été suivi de l'accident cérébral du président, du mouvement des banlieues, puis de celui du contrat première embauche (CPE) quelques mois plus tard. Depuis
plusieurs semaines, les instituts de sondage ne testaient plus les chances présidentielles de M. Chirac. Du moins officiellement.
 
C'est en tout cas une longue histoire avec la France et les Français à laquelle M. Chirac peut se référer, en s'adressant à eux, juste avant le film du
dimanche soir. Il a, insistent ses conseillers, travaillé lui-même sur cette intervention très personnelle. Que faire d'autre que de parler de la France
? ou de la place du pays, dans un monde bousculé par la mondialisation ? Une autre manière de donner un sens à ses deux mandats, dont le premier fut amputé
par cinq ans de cohabitation.
 
M. Chirac, qui s'était arrangé pour faire savoir que, jusque-là, il ne trouvait pas la campagne d'un bon niveau, a eu quelques mots plus amènes sur le débat
européen dans la présidentielle française, lors de son dernier conseil à 27, à Bruxelles. "Il se bat depuis longtemps sur des thèmes qui sont ceux du XXIe
siècle", font aussi observer ses proches : le monde multipolaire, l'évitement du choc des civilisations, l'urgence écologique, le partage Nord-Sud, l'avance
technologique... Nul doute que le président a été tenté de les porter encore une fois, lui-même, dans la campagne.
 
Il a aussi observé avec beaucoup d'attention la campagne de Nicolas Sarkozy et parlé régulièrement avec le candidat de l'UMP, avec qui il a entretenu, pendant
ces cinq années, des relations tourmentées. En matière de politique étrangère, domaine de prédilection du président, "tout était très orthodoxe", relève
un conseiller. "Sur la Russie, la Turquie, ou l'Afrique, Nicolas Sarkozy continue d'exprimer ses différences, mais pour le reste, il est devenu très chiraquien",
ajoute-t-il.
 
Son intervention sur l'identité nationale et la création d'un ministère de l'immigration, en revanche, n'ont logiquement pu que déplaire à un chef d'Etat
qui s'est battu pendant cinq ans sur les valeurs de la République. Il est aussi exclu que M. Chirac mélange les genres, dimanche soir, en se prononçant
d'une manière ou d'une autre pour le candidat de la droite. "Chirac est beaucoup plus un problème pour Sarkozy que Sarkozy n'est un problème pour Chirac
!", tranche un conseiller du président.
 
Alors que l'on observe avec beaucoup d'attention, et même une certaine délectation, à l'Elysée, la percée de François Bayrou, le président de l'UDF a tenu,
vendredi, à rendre hommage à M. Chirac pour son action internationale. "Il n'a pas craint, lorsqu'il le fallait, au moment de la guerre en Irak, de mettre
la France au premier rang de la défense de nos principes", a-t-il déclaré lors d'un meeting à Perpignan. "Je l'ai soutenu envers et contre tout le monde
(en 2003)", a ajouté M. Bayrou. L'ancien premier ministre socialiste Laurent Fabius a jugé, lui, que ces douze ans auront été "une présidence du temps
perdu."
 
Béatrice Gurrey