18 novembre 2006

Revue de presse:les radios entrent en campagne

article publié dans La Croix
du 17novembre 2006
 
Présidentielle : les radios entrent en campagne
 
Six mois avant l'élection à la présidence de la République, les radios veulent faire de la politique «autrement» et favoriser l'interactivité avec leurs
auditeurs
 
«Déblayer le terrain pour l’auditeur citoyen qui risque d’être submergé d’informations, voilà ce que nous souhaitons », explique Pascal Delannoy, directeur
de Radio France Multimédia. Alimentée par les différentes antennes du groupe, la « webradio présidentielle », en ligne depuis début novembre, doit permettre
à l’internaute à la fois de connaître l’actualité la plus récente (sondages, déclarations et programme des candidats…), et surtout d’approfondir les sujets
de son choix pour se forger une opinion.
 
« Nous voulons éviter deux écueils : transformer l’élection en un concours de beauté, et ne donner la parole qu’aux puissants », scande Patrice Bertin,
directeur de la rédaction de France-Inter. Telles sont en effet les deux principales problématiques des principales radios, au moment d’élaborer leurs
plans de bataille pour couvrir la campagne présidentielle.
 
« Syndrome du référendum » (celui du 29 mai 2005 sur la Constitution européenne) ou tendance lourde, les responsables d’antenne s’accordent sur la nécessité
de « parler des Français et de leur donner la parole ». Leur arme de prédilection : le blog (1). Radio France Multimédia, Europe 1, Europe 2, RTL ont ouvert
leur blog politique.
 
Le blog est un vecteur d'information
Comme l’explique Jérôme Dorville, directeur adjoint de la rédaction d’Europe 1, plutôt que de « confier les clés de la maison aux auditeurs », qui participent
déjà à un certain nombre d’émissions, il faut profiter de cette tribune d’un nouveau genre : baromètre certes partial, elle permet de saisir certaines
inquiétudes ou attentes des internautes. « C’est peut-être la première campagne présidentielle qui va se jouer sur le Web », estime-t-il.
 
Plus qu’un effet de mode, le blog est un vecteur d’information qu’il serait absurde d’ignorer : tous les responsables d’antenne sont d’accord là-dessus.
« C’est même une soupape de sûreté pour que les gens ne se confortent pas dans l’idée qu’on les prive de parole », assure Jacques Esnous, directeur de
l’information de RTL. Sondages « exclusifs » et baromètres complètent en général le dispositif.
 
Entre les « dix urgences des Français » recensées par France-Inter, les « vingt thèmes majeurs de la vie des Français », les « vingt thèmes en vingt semaines
» abordés sur France-Info, les radios ont cherché à établir des repères clairs pour leurs auditeurs. Selon qu’elles prennent le départ en octobre ou plutôt
en janvier, elles ont bâti un planning aux allures de palmarès à partir de grands sujets qui nous sont chers.
 
"Famille, éducation, respect de la vie"
Les radios catholiques marquent leur différence en mettant l’accent sur des sujets plus humains. « Famille, éducation, respect de la vie, nous voulons que
ces sujets soient présents à l’antenne », insiste Aymeric Pourbaix, directeur de l’information de Radio-Notre-Dame, se référant à la déclaration du cardinal
Ratzinger en 2002 sur « l’engagement des chrétiens en politique ». « Notre spécialité sociale et humaine nous conduit à parler de sujets comme la fin de
vie ou le statut de l’embryon. »
 
Dans un souci de proximité avec son public, pour «faire la part belle aux forces vives du pays», Europe 1 organisera, elle, des «Journées spéciales en province»,
d’où elle rapportera un «Portrait de France», diffusé le matin à 6 h 45 : un professeur, un patron de PME, un paysan, explique Jérôme Dorville, tandis
que Patrice Bertin, directeur de la rédaction de France-Inter, insiste sur la nécessité de « s’ouvrir vraiment sur la France d’en bas ».
 
« Le vote est beaucoup plus complexe que par le passé », estime Pascal Delannoy. Aux commandes de la « webradio présidentielle » de Radio France, il a conçu
cette dernière comme un « temps d’arrêt pour entrer dans cette actualité » particulière en opposition avec la tentation envahissante du « zapping ». Une
demi-heure suffit pour parcourir (et écouter notamment les reportages de sept minutes consacrés au sujet de la semaine) l’ensemble d’un dossier, sur ce
site très documenté et très complet. France-Inter mise sur la jeunesse de ses intervieweurs politiques : Nicolas Demorand, 34 ans, aux commandes de la
matinale, et Hélène Jouan, 38 ans, chef du service politique.
 
"Une stratégie d'explication"
« Ce n’est pas un hasard si les deux piliers de notre service politique sont trentenaires. C’est une vraie volonté de la maison de placer à la barre des
jeunes, dans une période cruciale. Nous comptons sur eux pour donner un traitement rafraîchissant de l’information », vante Patrice Bertin. Mode de traitement
qu’a également choisi France-Info, en distillant « du mouvement et du collectif » dans sa grille habituelle.
 
RTL choisit, pour sa part, « une stratégie d’explications données par la “dream team” (équipe de rêve) des éditorialistes politiques », selon Jacques Esnous
(Alain Duhamel, Serge July, Franz-Olivier Giesbert, voir Repères). Face à ces antennes bien rodées, Europe 2 a cherché une garantie de sérieux, et noué
un partenariat avec Le Journal du dimanche. « La démarche a surpris en interne aussi », concède Marc Dedonder, directeur de la rédaction de cette radio
musicale.
 
« Nous allons traiter la campagne à notre niveau, avec nos moyens, mais je crois que nous avons une expertise certaine sur les 18-35 ans (notre public).
D’autre part, la jeunesse a des choses à dire, et devient excédée (crise des banlieues, manifestations contre le CPE) si on ne lui propose pas de tribune.
Il est donc de notre rôle de média de prendre place dans ce débat », se justifie-t-il.
 
Autant d’initiatives bienvenues au seuil de deux années de forte actualité politique : élections présidentielle, puis législatives et municipales.
 
Sophie CONRARD
 
(1) Le blog est un site Web personnel tenu par un ou plusieurs « blogueurs » qui s’expriment, sous la forme d’énoncés datés, comme dans un journal de bord.
Chaque nouveau billet ou nouvelle note est enrichi par des éléments multimédias et les commentaires que peuvent laisser les lecteurs.