15 avril 2007

Réflexions:la TVA sociale...

Lundi 9 avril 2007
 
La TVA sociale, un pari contesté
 
En proposant, comme en Allemagne, d'augmenter la TVA pour financer la Sécurité sociale, Nicolas Sarkozy a été critiqué par ses rivaux
 
Etiquettes de prix de matériel électroménager dans un magsin marseillais (photo Poujoulat/AFP).
 
Quel est le principe de la TVA sociale ?
D'un côté, on augmente la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ; de l'autre, on baisse à montants égaux les cotisations sociales des employeurs. Selon les promoteurs
de la TVA sociale, seraient plus particulièrement concernées les cotisations famille et maladie, deux branches de la Sécurité sociale qui relèvent, à leurs
yeux, de la solidarité nationale. À l'inverse des branches retraite et accidents du travail, et de l'assurance-chômage, qui resteraient, elles, financées
par des cotisations assises sur les salaires.
 
La TVA est l'impôt qui rapporte le plus à l'État. Un point représente 7 à 8 milliards d'euros. Le débat sur la TVA sociale porte donc sur l'ampleur des
transferts à opérer et sur leurs modalités. Il existe actuellement trois taux de TVA. Un taux normal à 19,6 % qui concerne la majorité des ventes de biens
et services. Un taux réduit à 5,5 % applicable à une grande partie des produits alimentaires, aux transports de voyageurs et à certains travaux de rénovation
dans les logements.
 
Enfin, un taux particulier à 2,1 % est réservé notamment aux médicaments remboursés par la Sécurité sociale ou aux journaux. Chaque pays européen a le droit
de faire varier ses taux dans une fourchette de 15 % à 25 % pour le taux normal.
 
Quel est l'enjeu ?
Dans toute l'Europe, les dépenses de protection sociale augmentent, du fait de la croissance des besoins de santé et de vieillesse. C'est particulièrement
le cas pour la France, où ces dépenses représentaient 29,1 % du PIB en 2003 (26 % en 1990). En 2006, le déficit des quatre branches de la Sécurité sociale
(maladie, vieillesse, accidents du travail, famille) a atteint 9,7 milliards d'euros, tandis que l'assurance-chômage est parvenue à grand-peine à s'équilibrer.
 
Or, selon le Centre d'analyse stratégique, 67,1 % de ces dépenses étaient financées par les cotisations sociales en 2003 (le reste l'étant par des impôts),
alourdissant considérablement le coût du travail. La preuve : avec un salaire annuel brut moyen coûtant l'équivalent de 46 786 dollars en 2004, la France
arrive au quatrième rang des pays de l'Europe des Quinze où le travail est le plus cher.
 
D'où un handicap de compétitivité évident pour les entreprises françaises, qui peuvent être tentées par la délocalisation. Il est donc urgent de trouver
un mode de financement de la Sécurité sociale qui pèse moins sur l'emploi. La TVA sociale est l'une des pistes envisagées.
 
Quels sont les avantages ?
Premier atout : financer les dépenses d'assurance-maladie et de la branche famille de la Sécurité sociale par la TVA permet de répartir l'effort entre tous
les contribuables. Tout le monde consomme et paie la TVA, quand seuls les salariés paient des cotisations. Dans le contexte actuel d'une économie mondialisée,
la TVA sociale présente un deuxième avantage : réduire les cotisations sociales pesant sur le travail, et donc le coût du travail. La compétitivité des
entreprises est améliorée, à l'exportation notamment, où les prix sont hors taxes.
 
Dernier atout, remplacer une partie des charges sociales par de la TVA permet de ne plus taxer la seule production nationale mais l'ensemble des produits
consommés, y compris ceux fabriqués à l'étranger et importés. Un avantage déterminant, alors que les importations françaises en provenance de Chine et
d'autres pays émergents sont en pleine croissance.
 
La commission des finances du Sénat a récemment demandé à la direction du Trésor de Bercy de simuler les effets d'une baisse de 2,1 points de cotisations
sociales (environ 9 milliards d'euros, soit 0,5 point de PIB) compensée par une hausse du taux normal de TVA de 1,2 point (de 19,6 % à 20,8 %).
 
À court terme, une telle réforme créerait 23 000 emplois et réduirait le taux de chômage de 0,1 point. Mais, à long terme, les effets apparaissent nuls,
sur la croissance comme sur l'emploi. Toutefois, pour Michel Didier, directeur général du centre d'analyse économique COE-Rexecode, ces chiffres doivent
être maniés avec prudence.
 
« Ils sous-estiment sans doute les effets sur l'économie que permettraient ces gains de compétitivité, estime-t-il. Baisser les charges sociales est pratiquement
notre seul outil de politique économique à court terme. Mais il faut compenser cette perte de recettes. La TVA sociale permet cela. Et présente en outre
l'avantage de diminuer le prix de nos exportations et de renchérir celui de nos importations. »
 
Quels sont les inconvénients de la TVA sociale ?
En renchérissant le prix des produits consommés, elle risque de peser sur le pouvoir d'achat des Français. En effet, pour limiter la hausse, les partisans
de la TVA sociale recommandent de ne transférer que la part patronale des cotisations sociales.
 
Les salariés, eux, ne pourraient compter que sur d'éventuelles hausses de salaires, permises par l'amélioration de la compétitivité de leurs entreprises.
Mais de telles hausses de salaires pourraient avoir un effet inflationniste, et limiteraient d'autre part l'impact de la réforme en termes de créations
d'emplois.
 
La TVA sociale est également critiquée parce qu'elle frappe davantage les ménages les moins favorisés. En effet, ceux-ci consacrent à leurs achats quotidiens
une part de leurs revenus proportionnellement plus élevée que celle des plus aisés. Ils seraient donc davantage mis à contribution que dans le système
actuel de cotisations sociales assises sur les salaires.
 
Enfin, et par ailleurs, les partenaires sociaux craignent que leur pouvoir ne soit remis en cause si les branches famille et maladie sont, à l'avenir, financées
par l'impôt. L'État aurait vocation à les remplacer. Autre inconvénient souligné par les adversaires d'une telle réforme : augmenter le taux normal français
accroîtrait les problèmes de concurrence frontalière, ainsi que la fraude à la TVA, déjà importante comme l'a récemment rappelé la Cour des comptes.
 
Nathalie BIRCHEM, Jean-Claude BOURBON et Anne-Bénédicte HOFFNER