15 octobre 2006

Revue de presse: l'aprés conseil national du PS

François Bazin, nous dresse l'aprés conseil national et ce que sera la partition de François Hollande, en gardien du temple socialiste...
 
Nouvel Observateur
Semaine du jeudi 12 octobre 2006 - n°2188 - France
 
Un arbitre Royal
 
Hollande : ici l'ombre
 
Comment exister quand on n'est pas candidat ? Le premier secrétaire a trouvé la réponse : en se faisant, au nom de l'unité du parti, le protecteur de celle
qui fait la course en tête
 
Samedi matin, à la fin du conseil national, lorsqu'il est monté à la tribune pour conclure les débats, après les courtes interventions des trois candidats
à la candidature, un bon tiers de la salle s'est levé pour aller papoter dans les couloirs. Cruels socialistes ! A l'heure du déjeuner, il est allé manger
sur le pouce dans un restaurant du Châtelet, avec Ségolène Royal et quelques-uns de ses proches. C'était sympa, mais il a fallu faire vite. La candidate
favorite des Français réunissait pas loin de là le gros bataillon de ceux qui la soutiennent. Dans ces cénacles particuliers, il n'a pas encore sa place.
Après-midi libre pour François Hollande.
A quoi sert le premier secrétaire ? C'est en Corrèze, parmi les siens, qu'il dit encore le mieux sa vérité du moment. Saint-Pantaléon, dimanche après-midi.
Conclure, encore conclure. Comme depuis vingt-cinq ans, lors de la Fête de la Rose. Ici, on l'aime. Ici, on ne doute pas. S'il s'était avancé, on l'aurait
soutenu comme un seul homme. Il a préféré renoncer « pour ne pas ajouter à la confusion ». Des regrets ? Hollande balaie tout cela à sa manière : « C'est
une telle joie d'être premier secrétaire ! Je ne connais pas de plus belle ambition, et comme j'ai encore l'âge d'en cultiver d'autres, surtout ne vous
inquiétez de rien. »
 
cadre sans nom 1
fin du cadre sans nom 1
2007, ce ne sera donc pas son tour. Comme toujours, c'est dans l'analyse plus que dans l'introspection qu'il refait le film de ces dernières années. Avec
trois personnages principaux : lui, Jospin et Ségolène. Un premier secrétaire qui ne s'est jamais remis de son échec lors du référendum européen. Un ancien
candidat qui n'a jamais trouvé les moyens de lever son serment du 21 avril. L'un, prisonnier des synthèses qu'il lui fallait bâtir pour sauver l'unité
du parti, et sa peau par la même occasion. L'autre, corseté dans une stratégie du retour que seule justifiait l'absence de relève.
Dans l'intervalle de leurs malentendus, il y avait l'espace pour une échappée belle. Ségolène ou le visage souriant d'un PS à nouveau victorieux et libéré
de ses pesanteurs d'appareil. Elle a filé sous leur nez à la fin de l'année dernière. Elle n'a jamais faibli. Ainsi va la politique. On ne lutte pas contre
l'évidence. « Si Ségo s'était appelée Martine Guigou, confie Hollande, les choses se seraient passées exactement de la même manière, pour Lionel comme
pour moi. » Sur le papier, c'est sans doute vrai. Dans la vie, c'est un peu plus compliqué. Hollande fait mine de ne pas le remarquer. Jusqu'au bout il
restera « aimable ». C'est son tempérament. C'est aussi son intérêt.
S'il y a une seule chose qu'il n'a jamais supportée, c'est bien de rester à l'écart. Hollande ne serait plus Hollande s'il acceptait la marge ou s'il se
résignait à ne plus être que spectateur d'une partie qui se jouerait sans lui. On le moque ? On fait mine de le plaindre ? On se lève quand il parle ?
Il encaisse et passe déjà à la suite. C'est-à-dire à la campagne interne qui s'achèvera, dans la seconde quinzaine de novembre, par le vote des militants
socialistes. Pas besoin de tendre beaucoup l'oreille pour comprendre que pour lui - et sauf coup de théatre - les jeux sont déjà faits : Ségolène Royal
sera la candidate du PS. Mais dans quel état sera-t-elle, à l'heure de son sacre ?
La ligne Hollande tient en une formule : d'accord pour la compétition mais pas pour le tir au pigeon. S'il le peut et s'il le juge surtout utile, le premier
secrétaire taira jusqu'au bout « le choix de son coeur ». Dès lors que les amis de Fabius et de DSK clament sur tous les toits qu'il s'agit là d'un secret
de Polichinelle, pourquoi en dire davantage ? Plus qu'arbitre, Hollande se veut donc modérateur. Il ne comptera pas les coups sans rien dire. Il veillera
à ce qu'ils n'attentent pas à l'intérêt bien compris du PS, qui est de propulser dans la seule campagne qui vaille - celle qui se déroulera devant l'ensemble
des Français - « un ou une candidate » capable de battre Sarkozy.C'est sur ce registre-là que Hollande pense retrouver le rôle et la place qui lui sont
aujourd'hui contestés. Etre premier secrétaire dans une campagne dont on n'est pas la figure principale n'a jamais été une sinécure. La présidentielle
est une compétition où par nature le patron du parti devient vite porteur d'eau. Comptable de tout mais responsable de rien. Toujours sollicité mais parfois
oublié. On n'en est pas encore là. Mais parce qu'il connaît par coeur l'histoire du PS, Hollande sait bien que, pour lui, tout se joue lors des tours préliminaires.
Avec Ségolène Royal, c'est l'heure des compromis. Pour percer, elle a d'abord fait les extérieurs avec les mercenaires, les sans-grade ou les oubliés du
parti. Pour résister à la vague et préserver jusqu'au bout l'espoir fou de sa propre ambition, il a retenu vaille que vaille les poids lourds de l'appareil.
Cette époque-là est révolue depuis quelques jours. Elle dit Solférino, cite le premier secrétaire à tout-va, ne jure que par le parti, brandit son projet
tel un saint sacrement. Dans le même mouvement, lui se replace au centre, protecteur du PS et de « la personnalité » qui défendra ses couleurs. C'est une
remise en ordre qui rétablit un semblant d'équilibre dans le dispositif socialiste. A deux détails près qui ne sont quand même pas secondaires. L'un est
politique puisqu'il préjuge, en fait, que ni Fabius ni DSK ne pourront l'emporter. L'autre est plus personnel puisqu'il fait le pari qu'entre le premier
secrétaire et sa candidate préférée une forme d'intimité sera la garantie d'une vraie complicité. Au sens propre du terme...
 
François Bazin