13 juin 2007

Université:réformer pendant que les étudiants sont en vacances

Une réforme dès juillet ?
 
Sarko fonce sur les facs
Le nouveau président est entouré de connaisseurs de l'université : leur panoplie de mesures est déjà prête
 
Depuis deux ans, l'UMP a fait un gros travail sur l'éducation, invitant un grand nombre d'experts à plusieurs conventions sur le sujet, organisées par
Valérie Pecresse, et notamment des figures de la gauche comme Gérard Aschieri, le secrétaire général de la FSU, ou Patrick Weil, spécialiste de l'immigration
et avocat d'une expérience de promotion sociale à l'école importée du Texas. Mais aussi des acteurs venus de Finlande, du Canada ou de Grande-Bretagne.
Les spécialistes qui ont sensibilisé Sarkozy à l'importance majeure de ce dossier l'ont convaincu qu'il est très urgent d'agir pour l'université. Parmi
eux, en plus de Xavier Darcos, on trouve Bernard Belloc, le très pugnace ancien patron de l'université Toulouse-I, une des meilleures mondiales en économie,
qui vient d'être nommé conseiller à l'Elysée après une mission à Pékin. Il qualifie les lois Savary et Chevènement sur l'université de « bombes atomiques
ayant vitrifié le paysage scientifique pour en faire le champ clos de fiefs et féodalités » . Christian Blanc, passionné par les questions de recherche
et d'innovation, est le théoricien des PRES, ces « pôles de recherche et d'enseignement supérieur » qui doivent regrouper nos établissements pour en faire
des ensembles pesant au niveau mondial. Richard Descoings, le patron de Science-Po, a également alimenté le président, qui l'a fait plancher entre autres
sur l'épineux problème de la reconversion de la « fac Pasqua », le pôle universitaire privé Léonard-de-Vinci, dans les Hauts-de-Seine. Le jeune député
UMP Laurent Wauquiez est considéré comme le parlementaire qui s'est, et de loin, le plus investi sur la question sensible de la condition sociale des étudiants
et des bourses, publiant en 2006 un rapport décoiffant qui n'avait pas déplu aux syndicats étudiants de gauche. L'Institut Montaigne de Claude Bébéar,
où travaille Daniel Laurent, ancien patron de l'université de Marnela-Vallée, n'est pas en reste, qui a publié un rapport remarqué : « Avoir des leaders
dans la compétition universitaire mondiale ». « Cela fait quarante ans que nous avons renoncé à conduire une réforme de l'enseignement supérieur , ce secteur
sera pour moi une priorité absolue ! » a martelé le candidat Sarkozy durant sa campagne, jurant de « mettre l'enseignement supérieur français et la recherche
au niveau des meilleurs mondiaux » . Pour marquer cet objectif, il a confié ce secteur à un ministère de plein exercice, attribué à la plus jeune de ses
ministres, Valérie Pecresse, 39 ans, diplômée de l'ENA et de HEC, réputée bourreau de travail. Première mesure prévue : donner l'autonomie de gestion aux
universités, qui, à l'initiative notamment de Bernard Belloc, la réclament depuis des années et que Ferry n'était pas parvenu à imposer, lâché par Chirac.
Les facs pourront faire un usage plus souple de leurs budgets, jusqu'ici gérés au ministère. Elles veulent une marge de manoeuvre pour le recrutement des
profs et pour pouvoir gérer leur foncier. Deuxième mesure : le financement. La France est le seul pays développé à dépenser moins pour un étudiant que
pour un lycéen. Les universités réclamaient 3 milliards. Sarkozy a été jusqu'à leur en promettre 15, recherche incluse, sur cinq ans, soit un accroissement
de 50 %. Parmi les premiers objectifs : faire cesser l'hécatombe d'échecs en premier cycle de licence. « Nous sommes convaincus que nous intégrons de très
bons profils en fac, qui ne sont pas tentés par la pédagogie des prépas . A nous de savoir, avec plus de moyens, valoriser ces formes différentes d'intelligence
» , promet Jean-Pierre Finance, président des universités. Autre chantier : l'orientation professionnelle des étudiants. Ici, le travail est très avancé
à la suite du rapport Hetzel, consécutif à la révolte du CPE. Un portail internet a été ouvert, qui fournit des informations sur les débouchés, et un délégué
interministériel à l'Orientation a été installé pour faire le lien entre l'Education nationale et l'Emploi. Sarkozy a demandé à Valérie Pecresse de présenter
une réforme de l'université dès juillet. Objectif : foncer pour agir pendant « l'état de grâce ». Malgré les protestations de syndicats redoutant un passage
en force, les auspices sont plutôt bons. « Jamais l'université n'avait autant été au centre d'une campagne présidentielle » , se réjouit Jean-Pierre Finance.
Cependant que l'Unef dit que « pour la première fois depuis longtemps un consensus est possible ». Seul le Snesup grogne contre ce qu'il appelle la « marchandisation
» de l'université, à propos des filières professionnelles. A Matignon, Valérie Pecresse peut compter sur Bernard Monteil, connaisseur très expérimenté
du secteur, nommé conseiller de Fillon, lequel connaît très bien le sujet : il a été ministre de la Recherche en 1993 et de l'Education en 2003. Il a déjà
pris le soin de déminer les deux casus belli possibles avec l'Unef : la sélection et les frais d'inscription.
 
 Patrick Fauconnier
Le Nouvel Observateur