13 juin 2007

la VIème République ne sera ni laïque, ni sociale, et peut être même plus vraiment républicaine!

La VIe, la voilà !
 
Depuis le 6 mai, nous sommes entrés en régime présidentiel. Qui arrêtera le pouvoir du président ?
 

Insensiblement, et sans que cela nous ait été officiellement signifié, nous avons changé de République. La VI e a commencé. Pas celle que proposait Ségolène
Royal, mais son opposée. La candidate socialiste voulait un renforcement - d'ailleurs modeste - du rôle du Parlement, mâtiné - c'était la touche ségoléniste
- d'une dose de démocratie « participative ». Ce qui se met en place, sous l'autorité de Nicolas Sarkozy, c'est un régime présidentiel à la française.
Un gouvernement resserré, dont les membres - et leurs principaux collaborateurs - ont été choisis par le président et lui seul. La création, à l'Elysée,
d'un Conseil de Sécurité intérieure en charge des affaires de police et de renseignement, dirigé par Claude Guéant, secrétaire général de la présidence.
D'un Conseil national de Sécurité, confié à Jean-David Levitte, qui supervisera la politique étrangère. Enfin d'un pôle économique animé par le secrétaire
général adjoint François Pérol. Les choses sont claires : fini la théorie du « domaine réservé ». Le président Sarkozy aura la haute main sur tous les
grands dossiers, rendant caduc l'article 20 de la Constitution (« le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation »), qui pourrait être
reformulé ainsi : « Le président décide, les ministres exécutent. » Depuis 1958, et surtout depuis la réforme de 1962 ( élection du président au suffrage
universel ), nous vivons sous un régime hybride : mi-présidentiel, miparlementaire. Et même, à partir de 1986, sous un régime alternatif : quand la majorité
parlementaire était de la même couleur que le président, le pouvoir était à l'Elysée ; en période de cohabitation, il passait à Matignon. Ce système avait
des vertus. Il a montré, à l'épreuve des faits, une souplesse remarquable et permis, sous trois cohabitations ( 1986-1988, 1993-1995 et 1997-2002 ), d'éviter
que la machine d'Etat ne se paralyse. Il a vécu. Qu'on le déplore ou non, il faut admettre que le choix de Nicolas Sarkozy est cohérent avec ses engagements
( il a promis qu'il serait un président en première ligne ) et la logique politico-institutionnelle. L'abandon du septennat, vestige d'une conception arbitrale
de la présidence, et l'ordre des scrutins, l'élection des députés suivant de près celle du président, semblent garantir à celui-ci une majorité quasi automatique.
Les législatives deviennent une sorte de ratification de la présidentielle. L'investiture du gouvernement, une formalité et la censure, une hypothèse hautement
improbable. La présidentialisation, dès lors, s'inscrit dans la logique des choses. Sans doute répond-elle d'ailleurs au voeu de l'opinion, qui attend
du président, d'abord, qu'il agisse. Reste un problème, immense : où s'arrêtera le pouvoir présidentiel ? Il paraît assez vain, pour l'heure, de rêver
d'un rééquilibrage des pouvoirs au profit du Parlement. Il n'est pas dans la nature des députés de s'opposer à celui auquel ils doivent leur siège. C'est
plutôt en termes de contre-pouvoirs qu'il faut raisonner. Aux Etats-Unis, ils existent : ce sont, notamment, le système fédéral, la presse, les juges.
En France, où règnent la collusion des médias et de l'argent et une puissante administration de culture étatiste, il est urgent d'inventer et d'imposer
ces contre-pouvoirs. Faute de quoi, le régime présidentiel dégénérera fatalement en pouvoir personnel.
 
 Claude Weill
Le Nouvel Observateur