16 avril 2007

Réflexions:le vote des sénors, sera une des clés de l'élection !

Vendredi 13 avril 2007
 
Les personnes âgées, électeurs assidus et modérés
 

Méfiants vis-à-vis de l'extrême droite, les plus de 75 ans s'intéressent davantage que les jeunes générations aux débats politiques
 

Une personne âgée quitte son bureau de vote le 29 mai 2005 à l'occasion du referendum sur la constitution européenne (photo Daniau/AFP).
 
Ils restent dans l'ombre de la campagne présidentielle. Et n'en émergent qu'en de rares occasions, lorsque les candidats évoquent les retraites ou la question
de la dépendance. Mais les prétendants à l'Élysée s'intéressent peu aux personnes âgées de plus de 75 ans en tant qu'électeurs.
 
« Jusqu'à présent, je n'ai pas senti de véritable prise en compte de ce public et ce, dans aucun parti politique », note le député UMP de Moselle Denis
Jacquat, qui préside à l'Assemblée nationale le groupe d'études sur la longévité. Et pourtant, leur vote comptera. Avec plus de cinq millions de personnes
dans leurs rangs, les plus de 75 ans représentent 8 % de la population française, 11,5 % du corps électoral.
 
Comment votent-ils ? Quelles sont leurs préoccupations, leurs valeurs, leurs affinités politiques ? Il convient d'être prudent lorsque l'on aborde le lien
entre âge et politique. Une idée largement répandue voudrait que plus on vieillit, plus on devient conservateur et plus on vote à droite. Or, « il n'y
a pas à proprement parler d'effet d'âge pur », rappelle Anne Muxel, chercheuse au Centre de recherches politiques de Sciences-Po (Cevipof). 
 
Le poids de l'âge
 
Selon elle, « le poids de l'âge entendu au sens de vieillissement biologique n'a aucune valeur explicative. Seul l'âge social compte » (1). « C'est avant
tout la situation socioprofessionnelle qui influe, notamment le métier exercé, le secteur, public ou privé ou encore le niveau de diplôme, précise Luc
Rouban, lui aussi chercheur au Cevipof. En vieillissant, on conserve des réflexes de classe. »
 
Cependant, d'autres paramètres viennent brouiller les cartes. En particulier, ce que les politologues appellent « un effet de cohorte » ou « effet de génération
». « Nous sommes profondément marqués par notre jeunesse et le contexte dans lequel nous avons vécu », explique Luc Rouban. Les électeurs de plus de 75
ans étaient adolescents ou jeunes adultes pendant la guerre. Ils ont vécu l'Occupation puis, dans les années qui ont suivi, un contexte politique clivé
et très marqué idéologiquement.
 
«Les débats étaient plus tranchés qu'aujourd'hui, avec une droite libérale bourgeoise et un Parti communiste à 20 %, dans les années 1960. Le vote engendrait
alors de vrais choix de société», rappelle le chercheur.
 
Souvenirs de la guerre
 
Ces expériences ont façonné leurs comportements électoraux. À commencer par l'intérêt élevé que les personnes âgées portent aux affaires politiques, qui
tranche avec celui des jeunes générations. Selon le dernier baromètre du Cevipof (2), 18 % des plus de 75 ans disent s'intéresser « beaucoup » à la politique,
contre seulement 15 % des 18-34 ans et 12 % des 35-50 ans.
 
Conséquence logique, ce sont des électeurs assidus, qui se rendent en nombre aux urnes ou, lorsqu'ils ne peuvent se déplacer, votent par procuration. En
2002, au premier tour de la présidentielle, les personnes âgées se sont moins abstenues que la moyenne des Français (22 % contre 23 %).
 
Cet effet de génération, notamment les souvenirs de la guerre, joue également dans leur rapport à l'extrême droite, dont ils se méfient fortement. « Jean-Marie
Le Pen n'est vraiment pas le candidat des retraités ! », insiste Luc Rouban. Le 21 avril 2002, ce dernier n'avait recueilli que 9,3 % des votes chez les
plus de 75 ans, alors qu'il avait séduit plus de 16 % des Français. 
 
Attachement fort à une identité nationale
 
Ces électeurs manifestent aussi un attachement très fort à la construction européenne : lors du référendum de mai 2005, ils étaient 56 % à dire « oui »
à la Constitution de l'UE contre 45 % au niveau national.
 
S'il est vrai que les plus de 75 ans se tournent en majorité vers la droite républicaine, ce n'est pas l'âge, en tant que tel, qui est en cause. Ces électeurs
ne votent pas à droite parce qu'ils sont âgés mais parce qu'ils appartiennent à une génération dont les valeurs en sont proches : issus en majorité du
monde rural et de celui des travailleurs indépendants, ils sont aussi plus souvent propriétaires de leur logement (75 % contre 55 % chez les actifs).
 
Selon Luc Rouban, ces électeurs se distinguent également par « un attachement fort à une identité nationale » (« sans pour autant développer de sentiment
nationaliste étroit », on l'a vu), par « un faible niveau de libéralisme culturel », citant en exemple la question de l'homosexualité, ou encore par une
attention particulière portée aux questions d'insécurité. Autant de thèmes qui ne trouvent pas le même écho dans la génération des baby-boomers. 
 
Un penchant pour la droite républicaine
 
Il est par ailleurs intéressant de noter que l'âge ne les éloigne pas des préoccupations des actifs : au-dessus de 75 ans, l'emploi apparaît toujours comme
une priorité (pour 31 %), puis viennent l'éducation et la recherche, et enfin, la dette de l'État. Signe que les grands-parents sont soucieux de l'avenir
de leurs petits-enfants.
 
Les intentions de vote pour la prochaine présidentielle confirment ce penchant pour la droite républicaine et en particulier pour Nicolas Sarkozy, toujours
d'après le baromètre du Cevipof. Les personnes de plus de 75 ans sont ainsi 47 % à déclarer vouloir voter pour le candidat UMP (contre 38 % pour les 60-74
ans, et environ un tiers des électeurs dans les tranches d'âge plus jeunes). Ils ne sont en revanche que 25 % à préférer Ségolène Royal (le taux le moins
élevé parmi toutes les tranches d'âge). Des tendances constatées le 21 avril 2002, scrutin durant lequel les plus de 75 ans avaient voté à 36,9 % pour
Jacques Chirac et à 24,3 % pour le candidat socialiste, Lionel Jospin.
 
Marine LAMOUREUX
 
(1) Dictionnaire du vote, sous la direction de Pascal Perrineau et Dominique Reynié, PUF, 2001, 1 024 p., 106,5 €.
 
(2) Données issues du « baromètre politique français Cevipof-ministère de l'intérieur », réalisé du 5 au 19 février 2007 auprès d'un échantillon représentatif
de 5 000 personnes.