28 mars 2007

Réflexions:l'election de tous les hold up!

    Samedi 24 mars 2007
 
Jour J-29
 
A moi les sociaux-démocrates
Sa cible ? Le PS !
#reaction
Bayrou ne recherche pas une alliance, mais une recomposition autour de lui
 
Il se peut que le PS regrette un jour le temps où François Bayrou ne lui faisait pas d'appels du pied. Car le candidat centriste a une manière très particulière
de se rapprocher de la gauche : il la vampirise. Avec avidité. Premier temps : la conception d'une stratégie tout entière destinée à ravir la place de
Ségolène Royal au second tour de l'élection présidentielle en se présentant comme le meilleur rempart contre Sarkozy. Coeur de cible, dans cette opération
séduction : les profs et les jeunes issus de l'immigration, deux catégories réputées proches de la gauche.
Les premiers sont formidables, forcément formidables, et ceux qui formulent des réserves à leur égard se font sermonner, comme l'illustre notre interview.
Quant aux seconds, ils constituent pour Bayrou les seuls habitants des banlieues, les « petits Blancs » étant à ses yeux des électeurs naturels du FN.
Sur l'immigration, Bayrou reconnaît lui-même tenir un discours «gauchiste» : il récuse toutes les mesures de régulation aux frontières pour n'insister
que sur le codéveloppement de l'Afrique.
Il faut reconnaître au candidat UDF une grande maestria dans l'application de cette ligne : chez lui, pas d'improvisation à la petite semaine comme chez
le candidat UMP, qui cite un jour les grandes consciences de gauche pour faire le lendemain des oeillades aux électeurs de Le Pen. Ainsi Bayrou parvient-il
à plaider pour une meilleure rémunération des heures supplémentaires comme un vulgaire Sarkozy sans jamais remettre directement en question les 35 heures...
De même s'abstient-il de tout discours sur l'insécurité, thème qui blesse nombre d'oreilles de gauche. «Ce serait rabaisser le débat», explique-t-il pour
se justifier. Exactement ce que disait... Lionel Jospin en 1995.
 
Le deuxième temps commencera au lendemain de son éventuelle élection. Au programme : l'éclatement du PS. Rien de plus, rien de moins. Le candidat UDF s'en
défend dans l'interview qu'il a accordée au « Nouvel Observateur »... tout en clamant : à moi les sociaux-démocrates ! Bayrou s'éloigne ainsi sensiblement
du modèle Prodi. Le centriste italien s'est allié avec toute la gauche transalpine, jusqu'à la plus extrême. On savait déjà que son émule français récusait
la gauche radicale. En fait, il n'est preneur que des sociaux-libéraux. C'est conforme à sa ligne générale visant à rassembler les modernes de tous horizons.
Mais le PS se voit menacé d'une sérieuse ponction.
Tout cela vise un seul but : gouverner sans avoir à composer avec un « appareil ». Le succès enivre. En début de campagne, Bayrou dénonçait l'Etat PS comme
l'Etat UMP, assurant qu'il n'entendait pas constituer d'Etat UDF. Désormais, il envisage que le nouveau parti issu de l'UDF qu'il veut créer ait la majorité
absolue à l'Assemblée, avec l'appoint d'éléments venus du PS et de l'UMP. Ce faisant, Bayrou renie ce qui a fait une partie de son succès : la dénonciation
des «partis uniques», la défense des gouvernements de coalition. En changeant de pied, cet apôtre du pouvoir partagé prend le risque d'apparaître surtout
prêt à partager le pouvoir avec lui-même...
 
Hervé Algalarrondo
Le Nouvel Observateur