28 mars 2007

Echos de campagne:et Maintenant le doute...

 Quand le PS doute !
Tempête sous les crânes
#reaction
Pour contrer Bayrou, les éléphants cherchent la martingale
 
Dans le cyclisme, il n'y a rien de pire que les échappées à trois. Dès qu'il y en a un qui se lance, les deux autres passent leur temps à se surveiller
au lieu de réagir. » Obnubilé par son duel avec Sarkozy, le PS a-t-il laissé s'échapper Bayrou ? C'est la question que soulève ce grognard jospiniste,
amateur de la petite reine. Longtemps sous-estimé Rue-de-Solférino, le candidat de l'UDF talonne aujourd'hui Ségolène Royal dans les sondages. Gérard Le
Gall, l'expert ès sondages du PS - un des rares à avoir senti le danger Le Pen en 2002 - a même jeté un froid glacial en expliquant à ses interlocuteurs
qu'il existait un risque statistique que Ségolène Royal ne figure pas au second tour.
Que dire ? Que faire ? Il y a trois semaines, le sujet a été évoqué lors d'un bureau national qui a fini par décider de... ne rien faire, sinon le dos rond.
« On nous a gentiment invités à nous concentrer sur la candidate et son pacte présidentiel », témoigne un de ceux qui avaient sonné l'alarme. « Il faut
mener une campagne positive, expliquer notre projet pour la France, dire comment on fait, donner du sens et de la crédibilité », expliquait François Hollande,
la semaine dernière, à des journalistes. Au fond, la situation n'a rien de très original, selon le premier secrétaire du PS. La présence de deux candidats
de droite lors de la présidentielle est aussi vieille que le scrutin et a d'ailleurs favorisé les succès de 1981 et 1988. Sans Chirac, Mitterrand l'aurait-il
emporté contre VGE ? Sans Barre, aurait-il été réélu contre Chirac sept ans plus tard ? La division de la droite, c'est aussi la clé du succès de la gauche.
Et si c'était à nouveau le schéma de la victoire en 2007 ?
 
cadre sans nom 1
fin du cadre sans nom 1
Laurent Fabius partage cette analyse très mitterrandienne. Mais il estime qu'il faut frapper plus fort et renvoyer plus sèchement à droite le président
de l'UDF. Le député de Seine-Maritime est convaincu que, une riposte molle entraînant une confusion molle, le PS risque de se priver du débouché naturel
de l'alternance. Il prône donc l'opposition frontale et non de « simples pichenettes »... Problème : la « diabolisation » n'est pas du goût de nombreux
socialistes qui se souviennent qu'en 2005 on n'a pas fait revenir au bercail les partisans du non au référendum en leur disant qu'ils allaient mêler leurs
voix à celles de Le Pen. Ne vaudrait-il pas mieux insister sur l'incapacité de Bayrou à réunir une majorité pour gouverner, plutôt que de lui coller une
étiquette de droite à laquelle les Français ne croient plus, tant le président de l'UDF a su marquer sa différence depuis quelques années ? Peu efficace,
l'opposition frontale comporte aussi et surtout un risque pour la suite. « Elle nous enferme dans un espace minoritaire. Le total atteint par la gauche
dans les sondages a rarement été aussi bas. Quel que soit le résultat, il faudra bien parler avec Bayrou au soir du premier tour », souligne Pierre Moscovici.
Et de rappeler la prudence de Ségolène Royal dans son interview au « Monde » la semaine dernière : « Tous ceux qui se reconnaîtront dans le pacte présidentiel
auront vocation à rejoindre le gouvernement et la majorité présidentielle. Je souhaite qu'elle soit la plus large possible. »
C'est précisément le message que veut faire passer Strauss-Kahn. Pressé de démentir les rumeurs qui le voyaient saisir la main tendue bayrouiste, le député
du Val-d'Oise a rappelé son ancrage à gauche sans toutefois fermer la porte au centriste. Pousser le candidat UDF à se prononcer sur le fond pour l'amener
à se découvrir, « c'est la tactique du rasoir à deux lames, résume Jean-Christophe Cambadélis, proche de DSK. Le premier tire le poil, le second le coupe
». Mais elle comporte un risque, c'est que le poil résiste ! Alors ? « Alors il faudra avoir le courage de dire «Epinay c'est terminé», poursuit-il, et
faire avec la social-démocratie au PS ce que Nicolas Sarkozy a fait avec la rupture. » L'échappée de François Bayrou n'a pas fini de faire des vagues dans
le peloton socialiste.
 
Matthieu Croissandeau
Le Nouvel Observateur