11 février 2007

Societatis :les socialistes se mobilisent pour l'abrogation du CNE!

Samedi 10 février 2007
 
Pour l’abrogation du contrat nouvelles embauches !
 
Jean LE GARREC, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, après avoir déposé un
rapport visant à abroger le CNE,
est intervenu en séance à l’Assemblée nationale le mardi 6 février 2007. Retrouvez ci-dessous son intervention.
 
Retrouvez le rapport visant à abroger le CNE en cliquant ici.
 
Le groupe socialiste n’a jamais cessé de s’élever contre le CNE, en particulier à l’occasion de la proposition de loi sur l’insertion des jeunes, déposée
par Jean-Marc Ayrault et Gaëtan Gorce. Si nous souhaitons revenir sur ce sujet, c’est que nous sommes maintenant en mesure d’analyser les résultats de
ce contrat. En cette période de débats particulièrement vifs, où l’emploi demeure la première préoccupation de nos concitoyens, nous devons savoir où nous
en sommes. Nous mettrons aussi cette séance à profit pour connaître les propositions de la majorité, notamment celles du ministre candidat - mais peut-être
faut-il parler de « candidat ministre » ?
 
Déposée le 23 juin 2005, après déclaration d’urgence et sans le moindre travail de préparation au Parlement, la loi d’habilitation a été promulguée le 26
juillet et l’ordonnance créant le CNE le 2 août : l’affaire a été bouclée en un temps record, sans aucun respect pour l’engagement solennellement souscrit
par le Gouvernement, en particulier dans la loi du 4 mai 2004, de renvoyer à la négociation interprofessionnelle toute réforme de nature législative touchant
le droit du travail. Quel mépris du Parlement et des partenaires sociaux ! Le CNE a été adopté à la hussarde, ce qui ne déplaît certainement pas à M. de
Villepin, amateur de telles armes de taille et d’estoc !
 
Et surtout, le CNE démantèle les droits fondamentaux du travail en précarisant les salariés les plus précaires, c’est-à-dire ceux qui travaillent dans les
entreprises comptant moins de vingt salariés, où la représentation syndicale est particulièrement faible. Que comprend en effet le CNE ? Période d’essai
de deux ans, licenciement sans motivation, une simple lettre recommandée suffisant, pas d’entretien préalable et enfin préavis réduit à quinze jours.
 
Selon les premières enquêtes disponibles, 30 % des salariés embauchés en CNE ne travaillaient plus dans l’entreprise concernée au bout de six mois !
 
Ajoutons que l’ensemble du dispositif est contraire à la convention 158 du Bureau international du travail, qui impose une « période d’essai raisonnable
». Tous ceux qui connaissent le monde de l’entreprise savent bien qu’on n’embauche jamais un salarié sans avoir testé ses qualités et que la période d’essai
raisonnable ne dépasse pas trois mois pour un salarié, et six pour un cadre. Il faudrait être un bien piètre chef d’entreprise pour ignorer encore les
capacités réelles d’un employé au bout d’un tel délai ! Sur ce point, des recours ont été déposés par les syndicats devant la Cour de justice des Communautés
européennes et devant le BIT.
 
Non seulement le CNE apporte des restrictions exorbitantes aux protections fondamentales dont bénéficient les salariés, mais il n’a surtout en rien amélioré
l’emploi. Toutes les études le montrent.
 
Le Gouvernement se référait à la sécurité des entreprises ; or le CNE les expose à une insécurité juridique totale : au 1er juillet 2006, les conseils de
prud’hommes avaient déjà à connaître de 370 litiges. Et chaque semaine, le contentieux enfle, les plaignants se fondant généralement sur la convention
du BIT. Même la CAPEB, Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, a demandé à ses mandants de ne pas utiliser le CNE.
 
Ces réticences ont du reste provoqué une chute brutale du nombre de CNE signés : après un effet d’aubaine, nous sommes passés de 50 000 à environ 20 000
par mois. Et selon la DARES, seuls 6 % des CNE n’auraient pas été signés sous une autre forme juridique.
 
À raison de 20 000 nouveaux CNE par mois et compte tenu des chiffres de la DARES, le CNE ne devrait permettre de créer que 20 000 emplois en 2007 - et je
ne déduis même pas les 30 % de CNE interrompus avant six mois ! Une étude de M. Carcillo le confirme.
 
Pour un impact marginal sur l’emploi, vous avez donc violé les principes fondamentaux du droit du travail. Je ne peux croire que le Gouvernement n’en soit
pas conscient. Faut-il incriminer son imprévoyance ? Son impréparation ?
 
Ou bien faut-il y voir une indication de ce que deviendra le droit du travail avec cette majorité ? Derrière le CNE se cache un projet...
 
Pas du tout : c’est le contrat unique qui se profile, ainsi que des abattements supplémentaires sur les heures supplémentaires, dont Pierre Cahuc a pourtant
démontré l’inutilité. Derrière le CNE se cache le projet du Medef, qui a inventé ce terme extraordinaire, la « séparabilité », si possible à l’amiable
et en tout cas sans protection pour le salarié et sans égards pour les rapports de force.
 
Une fois encore, vous vous appuyez sur le dogme éternel de la flexibilité et de la réduction des droits des salariés. Nous n’avons pourtant pas vu la couleur
des 300 000 emplois promis par Yvon Gattaz, alors président du CNPF, en échange d’un allégement des contraintes pesant sur les entreprises. Il s’agit toujours
de laminer les droits des salariés !
 
Une étude réalisée en Suisse sur l’ensemble des données européennes le démontre bien.
 
Cette étude sérieuse et impartiale, que je cite dans mon rapport, montre que les indemnités moyennes de licenciement dans les PME sont inférieures en France
à ce qu’elles sont en Autriche, en Irlande, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Belgique et en Italie. Selon une deuxième étude, la durée du préavis de licenciement
obligatoire est inférieure en France à ce qu’elle est en Autriche, en Italie, aux Pays-Bas et en Belgique. Il faudra bien cesser un jour de remettre en
cause, au nom de l’emploi, les droits fondamentaux des salariés.
 
Les distorsions sociales nous sautent en effet aux yeux : nous détenons le record européen pour le taux de chômage des moins de 25 ans et de non-employabilité
des plus de 55 ans. Là est le vrai débat, et il ne sert à rien de le dissimuler sous les formules à l’emporte-pièce du ministre candidat. Je n’accepte
pas qu’on parle de trahison des salariés par la gauche : nous avons l’histoire pour nous, et il est trop facile d’en appeler aux grands hommes de la gauche
comme Jaurès ou Blum - qui ont mené ces combats toute leur vie - pour faire croire que c’est vous qui avez la réponse ! « C’est extraordinaire, me disait
un jour François Mitterrand, comme la droite aime les grands responsables socialistes lorsqu’ils sont morts ».
 
Parlons donc des vrais débats - je vous ai posé des questions. Échec sur la protection des droits fondamentaux des salariés, échec sur l’emploi, et chèrement
payés : c’est ainsi qu’on dégrade la conscience collective d’un pays.